Chapitre 7 – Ce qu’il ne cache pas
Je suis revenu.
Pas pour réviser.
Pas pour parler.
Assez vite pour qu’il ne soit pas surpris. Assez tard pour qu’il ne pense pas que je venais combler un vide.
Il m’a ouvert sans un mot, juste ce regard fatigué mais clair.
Comme s’il savait. Comme s’il attendait.
Je suis entré. Sans bruit.
Il faisait chaud. Ou c’était moi. Ou lui.
Un trouble dans l’air. Dense, silencieux.
Nathan ne cache pas grand-chose.
Pas les marques sur ses bras, pas les cernes sous ses yeux, pas les silences quand il ne sait pas quoi dire.
Il ne ment pas. Il détourne parfois — mais c’est une autre forme de vérité. Une pudeur brutale.
— J’peux te proposer un verre d’eau, a-t-il dit.
— J’veux juste rester un peu.
— Alors reste.
C’était simple. Déposé là, entre nous. Comme une évidence.
Je me suis assis.
Il a rallumé une lampe, une seule — un halo tiède entre nos deux corps.
— J’ai dessiné, il a dit. Pour toi. Pas forcément un tatouage. Juste une idée.
Il m’a tendu le carnet. J’ai regardé.
Un trait. Deux. Puis un mot, à peine lisible.
« Renaître. »
Il a haussé les épaules.
— C’est rien. C’est sorti comme ça.
Je n’ai rien répondu.
Mais j’ai refermé doucement le carnet, comme on referme un battement de cœur qu’on n’est pas prêt à faire entendre.
Il s’est assis à côté de moi. Pas trop près. Mais pas loin.
Sa cuisse a frôlé la mienne, sans insister.
Il respirait lentement. Plus calmement que la dernière fois. Ou peut-être que c’était moi, cette fois, qui respirais mieux.
Il ne m’a pas touché. Pas tout de suite.
Mais il a posé sa main sur l’accoudoir, là où mes doigts tremblaient à peine.
Et il a dit, sans me regarder :
— T’as pas besoin de te forcer avec moi. J’veux pas t’emmener là où t’as pas envie d’aller.
J’ai tourné les yeux vers lui.
— Et si c’est là que j’ai envie d’être ?
Alors il a tourné la tête, doucement.
Nos regards se sont rejoints.
Il n’a pas souri. Moi non plus.
Il m’a juste effleuré la main, puis les phalanges, puis le poignet.
Et ce n’était pas une invitation. Pas un geste pour séduire.
C’était autre chose.
Une façon de dire : je suis là. Et toi ?
Je n’ai pas su quoi répondre.
Je crois que j’ai seulement approché mon visage du sien. À peine.
Et là, il a fermé les yeux.
Pas pour fuir. Pour accueillir.
Ses lèvres ont effleuré ma tempe. Puis il a reculé.
— T’es pas obligé, a-t-il soufflé.
— Je le suis pas. Je le veux.
On ne s’est pas embrassés. Pas ce soir.
Mais quand je suis parti, tard, il m’a raccompagné à la porte, comme la dernière fois.
Sauf qu’il m’a retenu un peu. Juste la manche de mon pull.
Et là, il m’a dit :
— Y’a rien à prouver ici. Ni toi, ni moi. On est comme on est. Et c’est assez.
J’ai marché longtemps après ça.
Je ne voulais pas rentrer.
Je voulais que l’air garde un peu de son odeur. Que la nuit garde son empreinte.
Les choses qui sont importantes pour lui ne le sont pas toujours pour moi.
Et pourtant…
C’est exactement pour ça… que je reviens.
La Voix Qui Écrit
Annotations