Chapitre 14 – Le fragile équilibre

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Je ne savais pas pourquoi j’ai dit oui.

Peut-être parce que je n’en pouvais plus de la solitude.

Parce que je me fatiguais moi-même à faire semblant d’aller bien.

Et que parfois, la douleur a besoin d’un visage. Même si c’est celui qui l’a causée.

Franck s’est approché, un café à la main, son regard hésitant.

Pas hautain. Pas triomphant. Juste… troublé.

Presque comme s’il regrettait.

Presque comme s’il ressentait quelque chose.

— Tu fais peur à voir, m’a-t-il lancé, un faux sourire accroché aux lèvres.

— Et toi, t’es bien placé pour le dire ? ai-je rétorqué, sans filtre.

Il a baissé les yeux, mais il n’est pas parti.

Il est resté là, dans ce couloir trop froid, à jouer avec son gobelet en carton.

— Je voulais juste… parler. Marcher.

Il a marqué une pause.

— Je te dois bien ça, non ?

Je ne sais pas pourquoi je ne suis pas parti.

Peut-être parce que j’avais besoin d’affronter cette blessure autrement que dans mes draps mouillés de larmes.

Ou peut-être parce que je voulais comprendre. Mettre des mots sur l’incompréhensible.

On a marché en silence.

La ville paraissait figée, suspendue dans une sorte de gris qui ressemblait à mon cœur.

— Je sais que j’ai déconné, a-t-il fini par dire.

— C’est un peu court, non ?

— Je suis pas là pour me faire pardonner. Je sais que j’en ai pas le droit. Mais… Je voulais pas que tu crois que t’étais rien pour lui.

Cette phrase m’a écorché.

Je me suis arrêté net.

— C’est pas à toi de parler de lui.

— Je sais. Mais c’est à cause de moi que t’as mal. Et ça, je le porte aussi.

Je l’ai regardé. Longtemps.

Je ne sais pas si c’était de la haine dans mes yeux. Ou de la fatigue.

Mais ce que j’ai vu dans les siens, c’était du vide. Le même que dans les miens.

Alors j’ai soupiré. J’ai baissé les armes. Juste un peu.

— Tu veux qu’on aille où ?

— Je connais un parc pas loin. Y’a personne à cette heure. Tu pourras crier, pleurer, ou juste… respirer.

Et j’ai dit oui.

Pas parce que je lui faisais confiance.

Pas parce que je l’excusais.

Mais parce que j’avais besoin d’un endroit pour déposer ma douleur.

Et que ce soir-là, c’est sa main qui s’est tendue.

On a marché longtemps, sans rien dire.

Parfois, nos mains se frôlaient. Et je ne reculais pas.

Je savais que c’était lui. Je n’oubliais rien.

Mais au fond, peut-être que ce n’était pas lui que je cherchais.

Peut-être que j’essayais juste de me retrouver moi.

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