Chapitre 18 – Ce qu’on ne dit pas
Le jour s’est levé sans prévenir.
Je n’ai pas dormi.
Je suis resté là, éveillé, à écouter sa respiration calme contre ma nuque.
Comme un battement qui disait : Je suis encore là.
Et moi, je ne savais plus s’il fallait m’en réjouir ou m’en effrayer.
Je n’ai pas osé bouger.
De peur qu’il se réveille.
De peur, surtout, qu’il parte.
J’aurais dû être en colère.
Hurler. Le repousser.
Lui dire que je valais mieux que ses retours à moitié faits.
Mais j’étais juste vidé. Trop fatigué pour haïr. Trop humain pour oublier.
Il a bougé un peu.
Sa main a glissé sur ma hanche. Comme avant.
Et j’ai fermé les yeux.
Pas de plaisir. Juste pour retenir la mémoire.
— T’es réveillé ?
Sa voix était basse, posée contre ma peau.
Je n’ai pas répondu. J’ai juste hoché la tête. C’était plus simple que de parler.
Il s’est redressé dans le lit.
Je ne me suis pas retourné.
— Je dois y aller, a-t-il soufflé.
Ça m’a transpercé plus que je ne voulais l’admettre.
Je me suis assis lentement, dos à lui.
— T’étais pas obligé de venir… si c’était pour repartir au matin.
— Je voulais te revoir. C’est tout ce que je savais, a-t-il murmuré.
Je me suis retourné.
Il était là, debout dans mon salon, déjà en train d’enfiler son sweat, l’air paumé.
— Et maintenant, tu sais quoi ? ai-je lancé, un peu plus fort.
Il a haussé les épaules.
Ce geste que je détestais. Ce geste qui disait Je ne sais pas aimer autrement.
— Que je t’ai manqué, a-t-il dit.
— Que t’étais encore là, sous ma peau.
J’ai souri, mais sans joie.
— Et toi, tu crois que t’étais plus là dans la mienne ?
Il a baissé les yeux.
Un silence long a suivi. Ni hostile, ni tendre. Juste lourd.
— Je suis pas venu pour te faire mal, Ariel.
— Non. Mais tu restes le seul à qui j’ai laissé ce pouvoir.
Il a fait un pas vers moi. Encore. Toujours.
Et j’ai senti la faille s’ouvrir.
Ce foutu espace entre ma colère et mon besoin.
Sa main a effleuré ma joue.
J’ai reculé. Un peu. Mais pas assez.
— T’as pas le droit de revenir comme ça. Pas après ce que t’as fait, ai-je murmuré.
Il a hoché la tête.
— Je sais… Mais je l’ai fait.
Et tout était là.
Dans ce je l’ai fait qui ne demandait rien, mais qui prenait tout.
Je me suis levé.
Je l’ai regardé droit dans les yeux.
— Qu’est-ce que tu veux, Nathan ? Dis-le. Pour une fois. Avec des mots.
Il a soutenu mon regard. Longtemps.
Puis, sa voix est tombée, presque honteuse :
— Je veux pas que tu me sortes de ta vie.
— Pas complètement.
J’ai lâché un rire sans joie.
— Tu veux le confort, sans le poids.
Il n’a rien répondu.
Il savait que j’avais raison.
Et malgré tout, j’ai senti ma gorge se nouer.
Parce que c’était Nathan.
Et que même quand il faisait tout mal, il restait celui que j’aimais trop.
Il s’est approché.
Ses lèvres ont frôlé mon front.
— Prends soin de toi, Ariel.
Puis il a ouvert la porte.
Et il est sorti.
Pas un regard en arrière.
Pas un mot de plus.
Juste ce vide, à nouveau.
Ce silence qui revient toujours après lui.
Et moi, j’ai refermé la porte.
Pas sur lui.
Mais sur cette part de moi qui espérait encore.
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