Chapitre 4 : Minuit sonne
Les aiguilles de l’horloge tremblaient dans le silence.
Alma, recroquevillée sur son lit, fixait l’écran de son téléphone.
23h59.
Encore une minute.
Depuis la nuit dernière, elle n’avait plus été la même. Les souvenirs d’une autre vie l’assaillaient sans prévenir : un rire dans un couloir, un incendie, une voix de mère qu’elle ne connaissait pas, des pas dans une cave obscure.
Mais ce n’était pas sa vie.
Ou bien… si ?
00h00.
La maison vibra légèrement, comme si un souffle ancien remontait du sol. Alma se leva, habillée tout en noir, et sortit sans un bruit. Dehors, le village dormait. Seule la lune semblait l’observer, ronde et pleine, haute dans un ciel sans étoiles.
La vieille maison au bout du chemin l’attendait. La porte était entrouverte, comme la dernière fois. La vieille femme aussi. Immobile dans l’entrée, une bougie à la main.
— Tu es venue, dit-elle simplement.
Alma hocha la tête. Elle n’avait plus peur. Elle voulait savoir. Elle devait savoir.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle.
La vieille posa la bougie sur une table et répondit :
— Mon nom n’a plus d’importance. On m’appelait “la Gardienne”. Je suis la dernière d’un cercle qui protégeait le village. Notre rôle était simple : empêcher que le miroir ne libère ce qu’il renferme.
— Et moi ? Pourquoi est-ce que je le vois ? Pourquoi moi ?
La vieille la fixa longuement.
— Parce que tu es née en miroir. Il y a bien longtemps, il y avait deux filles. Deux âmes identiques, venues au monde le même jour, à la même heure. L’une a survécu… l’autre est restée piégée.
Alma sentit sa gorge se nouer.
— Tu veux dire que j’ai… une sœur ?
— Non. Pas une sœur. Toi. Mais dans une autre possibilité. Une vie brisée. Une âme restée de l’autre côté.
La vieille l’approcha du miroir. La surface était encore trouble, comme si elle respirait.
— Si tu veux comprendre… tu dois entrer. Une seule fois. Tu verras ce qu’elle a vécu. Et tu pourras décider : refermer la porte à jamais… ou la laisser passer.
— Et si je me perds là-bas ? chuchota Alma.
— Alors ce sera elle, ici. Et toi… oubliée.
Un silence. Puis Alma tendit la main.
La surface du miroir s’ouvrit comme de l’eau noire.
Elle inspira profondément… et entra.
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