Le choc fut brutal.

Alma s’écroula sur le sol froid de la vieille maison. La lumière vacillante de la bougie dansait autour d’elle. Elle haletait, le cœur en feu, les membres engourdis. Elle se redressa d’un coup et regarda autour d’elle.

Le miroir était fermé.

Juste un simple reflet, comme s’il n’avait jamais été autre chose.

La vieille Gardienne accourut.

— Tu as réussi… ! Tu es revenue à temps…

Alma voulut parler. Sa gorge était sèche.

— C’était horrible… dit-elle. Il y avait… elle était… moi…

La vieille la prit par les épaules, la regarda droit dans les yeux. Longtemps. Trop longtemps.

Puis elle recula légèrement.

— Qu’est-ce que tu fais… ?

— Je regarde.

— Regarder quoi ?

— Pour être sûre… que c’est bien toi.

Un frisson traversa Alma.

— Bien sûr que c’est moi. Qui d’autre tu veux que ce soit ?

La vieille secoua la tête lentement.

— Le miroir choisit. Parfois, ce n’est pas seulement celui qui court le plus vite… mais celui qui ment le mieux.

Le silence retomba comme une lame.

Alma sentit sa gorge se serrer.
Elle se leva lentement. Fit face à la vieille.
Puis murmura :

— Tu ne me crois pas… ?

La Gardienne recula d’un pas.

— Il y a un test. Une seule question. Toi seule peux y répondre.

— Très bien. Demande.

Un long silence.

Puis la vieille demanda :

— La première fois que tu as vu ton reflet bouger… qu’est-ce qu’il a fait ?

Alma resta figée.

Une seconde.

Deux.

Puis elle répondit.

— Il… a souri.

La vieille pâlit.

Alma pencha légèrement la tête.

Et sourit.
Le même sourire. Le sourire de l’autre côté.

— Trop tard, vieille femme, souffla-t-elle.

Et dans le miroir derrière elle…

Le vrai reflet d’Alma, prisonnière, hurlait sans qu’on l’entende