Le soleil s'était levé, dorant les toits du village .

Mais rien ne semblait vraiment… vivant.
Les oiseaux ne chantaient pas. L’air était lourd. Et Alma — ou du moins celle qui portait ce nom — descendit les escaliers de la maison familiale, un air calme sur le visage.

Sa mère lui sourit.

— Bien dormi, ma chérie ?

Elle répondit d’une voix douce, parfaitement posée :

— Comme un ange.

Mais à l’intérieur, quelque chose se frottait les mains. Car cette voix n’était pas naturelle. Elle était trop mesurée. Trop parfaite.

L’autre Alma s’adaptait déjà.
Elle observait. Imitaient les gestes, les mots, les souvenirs.
Mais ce qui la trahissait… c’était les yeux.
Des yeux sans lumière. Trop profonds. Trop anciens.

Pendant ce temps, la vraie Alma… hurlait.

Piégée dans le miroir, elle tapait contre la surface. Personne ne l’entendait. Son monde était silencieux. Froid. Immobile. Un couloir sans fin, tapissé de reflets qui ne montraient que ce qu’on regrette.

Elle pleura, cria, supplia.
Mais seule l’écho de ses propres cauchemars lui répondait.

Et au loin, elle vit une silhouette.
La Gardienne.

Vieillie. Courbée. Marchant à travers les reflets.

— Tu m’entends… ?! hurla Alma.
Mais la Gardienne n’avait pas de bouche dans ce monde.

Elle écrivait dans l’air, lentement.

Tu n’es pas la première. Tu ne seras pas la dernière.

Dans le vrai monde, l’autre Alma souriait devant le miroir de sa chambre.

Elle passait lentement ses doigts sur sa peau, comme si elle découvrait un corps qui n’était pas le sien.
— Si douce… si réelle…

Puis elle se pencha vers le miroir.
Regarda le reflet d’Alma piégée, qui hurlait sans fin.

Et elle lui murmura :

— Tu voulais la vérité ?
Voici la mienne :
Je ne veux plus te rendre ta place.
Ce monde est à moi maintenant.

Puis elle éteignit la lumière.
Et le miroir… ne montra plus rien.