Alma marchait, pieds nus, dans un couloir infini. Les murs n’existaient pas. Juste un sol lisse, et autour d’elle, des miroirs… partout. Des centaines, des milliers. Suspendus dans le vide, flottants, certains brisés, d’autres noirs comme le néant.

Chaque miroir montrait une vie volée.

Des enfants oubliés, des femmes disparues, des visages sans bouche, sans nom. Tous prisonniers, comme elle. Et soudain, Alma comprit :
Elle n’était pas seule ici.
Le miroir n’était pas un simple objet. C’était une tombe.

Et tout ce que l’on avait refusé d’affronter, tout ce que l’on avait repoussé… vivait encore ici.

Elle s’arrêta devant un miroir fendu. Ce n’était pas un souvenir. Ce n’était pas une vision.

C’était elle.

Mais plus jeune. Six ans peut-être. Les mains tremblantes. Le regard perdu dans une chambre en feu. Un cri. Des flammes. Et… une mère.
Pas celle qu’elle connaissait.
Une autre.

Éliane.

Ce nom. Encore.

— Qui es-tu ?! cria Alma.

Et la petite fille se tourna lentement. Elle n’avait pas d’yeux. Juste deux trous noirs qui pleuraient du sang.

Puis une voix résonna. Forte. Grave. Venue du fond du miroir.

— Tu veux sortir ? Alors tu dois te rappeler. Ce que tu as oublié. Ce que tu as laissé derrière…

Alma chancela.
— Je n’ai rien oublié… je ne comprends pas…

Mais le miroir éclata en mille éclats. Et d’un seul coup…

Elle se rappela.

Un autre monde. Un autre destin.
Elle était Éliane, autrefois.
Un feu. Une erreur. Un pacte.

Et elle avait fui.
Elle s’était réincarnée dans un autre corps. Alma.
Mais l’âme abandonnée, celle qui avait brûlé… était restée piégée.
Et maintenant, elle voulait reprendre ce qui lui avait été volé.

Pendant ce temps, l’autre Alma marchait dans le village.
Personne ne voyait la différence.
Mais elle… elle les regardait tous avec une faim nouvelle.
Un appétit.

— Ils ne méritent pas cette paix, chuchota-t-elle.
Ils ont regardé le miroir trop longtemps sans voir ce qu’il cachait.

Dans le monde des reflets, la vraie Alma se releva.
Ses mains tremblaient, mais ses yeux brillaient.
Elle avait compris.

Elle ne sortirait pas en suppliant.
Elle sortirait en brisant le cœur du miroir.

Et pour ça… elle devait trouver la pièce d’origine. Le noyau.
Le tout premier reflet.
Celui qui garde les clés.

Et le libérer…
Ou le détruire.