Chapitre 1
Le réveil de Mathis sonna avec une sonnerie grinçante qui le tira brusquement de son rêve. Il cligna des yeux, les paupières lourdes, et sentit l’odeur chaude du café dans la cuisine monter jusqu’à sa chambre. Le soleil n’était pas encore tout à fait levé, et les volets laissaient filtrer des rayons orangés qui dessinaient des motifs sur le sol. Les draps froissés étaient encore tièdes, mais l’air frais qui s’infiltrait par la fenêtre le fit frissonner.
— Allez, debout ! cria sa mère depuis le rez-de-chaussée. T’es toujours en retard !
— J’arrive ! murmura Mathis, en se levant lentement, ses pieds nus heurtant le parquet froid.
Il inspira profondément et huma l’air. Le parfum de la bouillie sucrée que sa mère préparait depuis la cuisine se mêlait à l’odeur plus âcre du café et du pain grillé. Au loin, les premières voitures passaient sur la route principale, leurs moteurs ronronnant doucement, et le froissement des feuilles dans le vent semblait accompagner le début de cette nouvelle journée.
Mathis s’habilla rapidement, attrapant son sac posé près de la porte. Il avait déjà en tête ce que lui avait annoncé sa mère la veille soir : un nouveau voisin allait emménager dans la maison abandonnée au bout de la rue. Un garçon de son âge.
— Eh bien… pensa Mathis en ajustant son sac sur l’épaule, ça va peut-être enfin être intéressant par ici.
Son père passa dans le couloir, ses chaussures résonnant sur le parquet, et jeta un regard rapide à son fils.
— Tu n’oublies pas tes affaires pour le lycée ? demanda-t-il d’une voix sèche.
— Non, papa, répondit Mathis, un peu surpris par cette attention soudaine.
Son père hocha la tête et s’éloigna sans ajouter un mot. Mathis secoua la tête, un sourire en coin, avant de descendre les escaliers.
— Alors, ce fameux nouveau voisin, tu crois qu’il est sympa ? demanda sa sœur en terminant de mettre son manteau.
— Je ne sais pas… mais je parie qu’il est mystérieux, répondit Mathis, amusé par son propre commentaire.
La cuisine sentait le café chaud et le pain grillé, le parfum se mêlant à celui du beurre frais et des confitures. Sa mère servait le petit-déjeuner avec son éternel sourire fatigué mais chaleureux.
— Tiens, prends ça, lui dit-elle en posant une assiette de tartines sur la table. Et n’oublie pas ton sac à dos, il est prêt sur le canapé.
Mathis hocha la tête et s’installa, mordillant sa tartine. Ses pensées glissaient déjà vers la maison au bout de la rue, silencieuse depuis trop longtemps. Les volets étaient souvent fermés, la pelouse en friche, et personne ne venait. Maintenant, un nouveau voisin allait emménager. Son esprit se mit à imaginer mille scénarios : un garçon gentil, un peu bizarre, un solitaire… ou peut-être quelqu’un d’encore plus étrange.
— Tu penses qu’il va aller au lycée ? demanda sa sœur, curieuse.
— Oui, sûrement. Peut-être même dans notre classe… répondit Mathis.
Sa sœur fit une moue intriguée.
— Et tu crois qu’il sera ton ami ? demanda-t-elle avec un petit sourire.
Mathis haussa les épaules, un peu gêné.
— On verra bien… Mais ça pourrait devenir intéressant.
Le trajet jusqu’au lycée se fit à pied. Les rues étaient encore calmes, seulement ponctuées du chant des oiseaux et du bruissement des feuilles. Les pavés humides sentaient la pluie de la veille et l’odeur du bitume chauffé flottait dans l’air. À chaque pas, Mathis jetait un regard vers la maison au bout de la rue. Les volets étaient toujours fermés, mais il se surprit à imaginer le mouvement des meubles à l’intérieur, une silhouette derrière une fenêtre…
— Eh, Mathis ! Tu traînes encore ! s’exclama Théo en l’apercevant.
— Je réfléchissais, répondit Mathis, le sourire aux lèvres.
— À quoi ? demanda Théo, haussant un sourcil.
— À ce nouveau voisin. Il va enfin y avoir du changement, répondit Mathis avec un ton mystérieux.
Théo éclata de rire.
— Tu crois que c’est un génie secret ou un alien déguisé ?
— Peut-être… Ou juste quelqu’un de normal mais avec des secrets, murmura Mathis en haussant les épaules.
Le bruit des sacs qui froissaient le gravier, les rires des élèves et le grincement des portes du lycée créaient un fond sonore familier. Les murs étaient tapissés d’affiches colorées, annonçant des clubs et activités. Mathis prit place à son bureau, mais son regard restait fixé sur la fenêtre.
— Toujours à rêvasser ? demanda Théo en s’asseyant à côté de lui.
— Peut-être… souffla Mathis. Je me demande juste comment sera ce nouveau voisin.
— Eh bien, tu pourras bientôt le découvrir, ricana Théo. Espérons qu’il ne soit pas un tueur en série.
Mathis rit doucement. La classe se remplissait progressivement, le parfum du papier neuf et de la craie flottant dans l’air. Le professeur entra, et le brouhaha diminua. Mais Mathis ne pouvait s’empêcher de penser à la maison au bout de la rue.
Le soleil filtrait par les nuages, projetant des ombres mouvantes sur le sol. Le vent fit bruisser les feuilles et le parfum des fleurs fanées se mêla à l’odeur de la terre humide. Mathis inspira profondément, captant chaque détail, comme si son instinct lui disait que ce voisin allait bouleverser son quotidien.
— Tu sembles ailleurs, murmura Théo en le regardant.
— Je réfléchis… à ce que ça pourrait changer, répondit Mathis, pensif.
La sonnerie retentit et la classe se figea. Pour Mathis, cependant, le monde extérieur semblait s’être arrêté un instant. Son esprit était déjà tourné vers l’inconnu, vers ce nouveau voisin qui allait emménager. Il ne savait pas encore que ce garçon deviendrait bien plus qu’un simple camarade de classe.
— Ça va être intéressant… pensa-t-il en regardant la rue vide à travers la vitre.
Et pour la première fois depuis longtemps, Mathis sentit un mélange étrange d’excitation et de frisson parcourir son corps. Comme si quelque chose d’inattendu allait arriver. Comme si sa vie allait changer…
Mathis passa la matinée en classe en apparence concentré, mais son esprit revenait sans cesse à cette maison vide au bout de la rue. Chaque son, chaque mouvement dans le couloir le faisait sursauter légèrement. Le crissement des chaussures sur le carrelage, le froissement des feuilles dans le vent dehors, le grincement d’une porte… tout semblait amplifier son imagination.
— Mathis ? répéta le professeur d’histoire, interrompant ses pensées.
— Hein ? Oh… oui, je… commençais à répondre.
— Tu peux développer ? demanda le professeur, les sourcils froncés.
Mathis hocha la tête, essayant de se concentrer. Les mots sortirent à moitié, mécaniquement, tandis que son regard continuait de scruter la fenêtre. Il ne pouvait s’empêcher de penser : “Qui va réellement emménager là-bas ? Et comment sera-t-il ?”
À la récréation, il rejoignit Théo près des casiers.
— Alors, tu imagines quel genre de type ? demanda Théo, en croisant les bras.
— Je ne sais pas… quelqu’un de normal, peut-être. Mais je parie qu’il y a quelque chose d’étrange, répondit Mathis, en haussant un sourcil.
— Étrange comment ?
— Eh bien… la maison est restée vide si longtemps. Il y a toujours un silence, même quand le vent souffle. Et maintenant, quelqu’un va y vivre. Je parie que ce n’est pas un garçon ordinaire.
Théo rit, secouant la tête.
— Tu te prends toujours pour un détective, toi. Mais bon, si tu veux espionner le nouveau voisin… fais-toi plaisir.
Mathis sourit. Ce n’était pas juste de la curiosité. Il avait ce pressentiment, un mélange d’anticipation et d’inquiétude, qui lui disait que ce garçon allait bouleverser son quotidien d’une manière qu’il ne pouvait encore imaginer.
La sonnerie de fin de cours le fit sursauter, ramenant son attention au présent. Il rangea ses affaires avec lenteur, comme pour prolonger le temps, et sortit du lycée. Le soleil commençait à descendre, laissant des traînées orangées dans le ciel, et les ombres des arbres s’allongeaient sur les trottoirs. L’odeur de la terre humide et des fleurs fanées flottait dans l’air, mêlée à celle des poubelles du coin de la rue, rappelant la vie quotidienne de son quartier.
En arrivant près de la maison vide, il s’arrêta quelques instants. Les volets étaient encore clos, les rideaux inexistants. Il y avait une sensation étrange, presque palpable, comme si la maison retenait son souffle. Mathis posa sa main sur le portail froid, inspirant profondément.
— Bientôt… murmura-t-il pour lui-même.
Il imagina la vie à l’intérieur, le bruit des pas, la voix de quelqu’un d’inconnu, peut-être des rires, ou le silence. La pensée lui fit un frisson parcourir l’échine. Il savait qu’il ne pourrait s’empêcher de regarder, d’observer, de chercher à comprendre. La curiosité avait pris le dessus, comme toujours.
— Tu vas finir par tomber amoureux de l’intrigue avant même de connaître le garçon, dit une voix familière derrière lui.
— Hein ? Oh… salut Théo, répondit Mathis, un peu surpris.
— Tu rêves encore de ton nouveau voisin ?
— Peut-être… répondit Mathis avec un sourire, un mélange de gêne et d’excitation.
— Eh bien… fais attention, dit Théo en riant. Les mystères ont parfois tendance à être plus compliqués qu’on ne l’imagine.
Mathis hocha la tête, silencieux, les yeux toujours rivés sur la maison. Le vent fit bruisser les feuilles, et pour un instant, il crut voir un mouvement à travers les volets fermés. Il cligna des yeux. Rien. Juste l’ombre d’un arbre qui se projetait sur le mur. Mais cette impression suffisait à exciter son imagination.
En rentrant chez lui, le parfum du dîner flottait déjà dans l’air. Sa mère préparait quelque chose de simple, mais réconfortant : des pâtes au beurre avec un peu de fromage râpé. Mathis s’installa à table, silencieux, repensant à la maison et à ce nouveau voisin. Il sentait que quelque chose allait changer, qu’une page de sa vie était sur le point de s’écrire, mais il ignorait encore de quelle manière.
— Alors, ce nouveau voisin… tu l’attends avec impatience ? demanda sa mère en versant un peu de sauce dans son assiette.
— Oui, répondit-il simplement, un léger sourire sur les lèvres.
Il mâcha doucement, pensif, et regarda par la fenêtre la rue désormais éclairée par les lampadaires. Tout semblait calme et tranquille… mais Mathis savait au fond de lui qu’il ne le serait plus pour longtemps.
Le vent fit bruisser les feuilles des arbres et un chat traversa la rue, ses yeux brillants dans la pénombre. Mathis inspira profondément, l’odeur de la terre humide et du bitume chaud lui emplissant les narines. Il serra légèrement les poings.
— Demain, tout commencera… pensa-t-il.
Et tandis que la nuit tombait, enveloppant le quartier de son voile silencieux, Mathis ne pouvait s’empêcher de frissonner d’anticipation. Quelque chose allait arriver. Quelque chose qu’il était impatient et terrifié à la fois de découvrir.

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