Chapitre 2

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Le lendemain matin, Mathis avait du mal à trouver le sommeil. Son esprit tournait en boucle autour du nouveau voisin. Ce n’était pas simplement la curiosité qui le poussait à s’inquiéter ou à espérer… non, c’était plus profond que ça. Dans son quartier, il ne se passait jamais grand-chose. Les mêmes visages, les mêmes histoires, les mêmes routines depuis des années. Chaque nouvelle personne était une petite révolution, et ce garçon, le nouveau voisin, représentait la promesse d’une nouveauté qui ferait enfin vibrer son quotidien.

— T’as l’air excité ce matin, lança sa sœur en entrant dans sa chambre, le petit-déjeuner à la main.
— Peut-être… répondit Mathis, les yeux brillants.
— Tu penses déjà à lui ?
— Peut-être un peu… souffla Mathis avec un sourire en coin.

Il savait que la maison au bout de la rue allait enfin reprendre vie, et cela éveillait en lui un mélange d’anticipation et d’impatience. Cela faisait des mois qu’il observait cette façade silencieuse, les volets fermés, le jardin un peu en friche, et il s’était imaginé mille scénarios. Maintenant, l’inconnu allait franchir la porte et entrer dans son monde.

— Tu ferais mieux de te concentrer sur ton petit-déjeuner avant de partir, dit sa mère, en posant un bol de céréales sur la table.

Mathis acquiesça, mâchant distraitement, ses yeux revenant sans cesse à la fenêtre donnant sur la rue. Le soleil du matin caressait les toits et les murs des maisons voisines, dessinant des ombres mouvantes qui semblaient danser sur le bitume encore humide de la pluie de la veille. Le parfum de la terre et de l’asphalte lui emplissait les narines, et chaque son — le bruissement des feuilles, le cri d’un oiseau ou le moteur lointain d’une voiture — le rendait encore plus impatient.

— Allez, on y va, lança Théo en arrivant en trombe. T’as l’air d’attendre le Messie ou quoi ?

Mathis rit doucement.

— Presque… murmura-t-il, en ajustant son sac sur l’épaule.

Ils descendirent ensemble la rue. La maison était exactement comme il l’avait imaginée : silencieuse, avec les volets encore fermés, comme si elle retenait son souffle. Mais pour la première fois, il aperçut une lumière filtrer à travers les interstices du bois sur la porte d’entrée.

— Regarde, fit Mathis en pointant du doigt. Il y a quelqu’un !

Théo plissa les yeux, sceptique.

— Tu parles d’une lumière… elle peut être allumée par n’importe qui.

Mathis secoua la tête, son cœur battant un peu plus vite. Son intuition lui disait que ce n’était pas n’importe qui. Il sentait une tension dans l’air, comme si la maison elle-même était consciente de ce qui allait se passer.

— Je parie qu’il est exactement comme je l’avais imaginé… un peu étrange, un peu mystérieux, murmura-t-il.

Alors qu’ils approchaient du portail, une silhouette apparut derrière la porte entrouverte. Mathis sentit un frisson le parcourir. Le garçon était là, en train de manipuler une boîte de déménagement, les cheveux légèrement en désordre et les yeux attentifs à chaque geste. Il semblait concentré, mais pas fermé au monde — comme s’il observait tout à la fois, sans vraiment appartenir à ce lieu.

— Salut ! lança Mathis, un peu plus fort que prévu, essayant de masquer son excitation.
— Euh… salut, répondit le garçon, sursautant légèrement.

Il leva les yeux vers Mathis. Leur regard se croisa, et pour un instant, le monde autour de Mathis sembla s’arrêter. Il ne s’attendait pas à ce que ce contact soit si… intense. Quelque chose dans le regard du garçon était à la fois curieux et distant, intriguant et fermé à la fois.

— Je m’appelle Mathis, dit-il rapidement, essayant de paraître naturel.
— Elior… répondit le garçon, sa voix calme mais ferme.

Il posa la boîte et se passa une main dans les cheveux, jetant un regard rapide vers la rue. Mathis sentit une bouffée d’excitation et d’appréhension. C’était lui, le fameux nouveau voisin. Réel. Vivant. Dans la maison au bout de la rue.

— Tu vas dans quelle classe ? demanda Mathis, essayant de paraître décontracté.
— La tienne… répondit Elior, presque sans expression.

Un silence s’installa, seulement interrompu par le bruissement des feuilles dans le vent et le grincement d’une boîte qu’Elior venait de poser par terre. Mathis ne savait pas quoi dire. Son esprit bouillonnait de questions, mais il voulait prendre le temps, respirer cette première rencontre, se laisser imprégner de l’instant.

— Alors… euh… bienvenue dans le quartier, dit finalement Mathis, un léger sourire sur le visage.
— Merci, répondit Elior simplement.

Leurs regards se croisèrent à nouveau, et Mathis sentit une étrange fascination l’envahir. Il savait déjà qu’il voulait comprendre ce garçon, découvrir ses secrets, apprendre à le connaître… et il ignorait encore à quel point cette curiosité allait bouleverser sa vie.

— Bon, je suppose que je dois y aller… lança Mathis, un peu nerveux.
— Oui… à plus tard, répondit Elior, avant de se replonger dans la manipulation des cartons.

Mathis s’éloigna en marchant rapidement, le cœur battant, Théo à ses côtés.

— Alors ? demanda Théo, un sourire malicieux sur les lèvres.
— C’est… différent, souffla Mathis, incapable de trouver les mots. Il y a quelque chose chez lui… je ne sais pas quoi, mais je sais que ça va être important.

Et tandis que le vent faisait bruisser les feuilles et que le parfum de la terre humide flottait dans l’air, Mathis sentit pour la première fois depuis longtemps que son quotidien allait changer. La maison, le garçon, tout semblait retenir son souffle… prêt à révéler un mystère qu’il n’aurait jamais imaginé.

Mathis marchait dans la cour du lycée, les mains dans les poches et le sac légèrement ballottant sur son épaule. La matinée commençait doucement, avec les rires et les discussions des élèves qui s’élevaient dans l’air encore frais. Pour Mathis, c’était une journée comme les autres, mais avec ce petit quelque chose d’inhabituel qui rendait chaque détail plus vif : un parfum de café venant de la cafétéria, le bruissement des feuilles au vent, et le cliquetis des cadenas sur les casiers.

— Eh, Mathis !

Clara et Julien arrivaient à sa rencontre, comme à l’accoutumée. Clara, vive et expressive, avait ses cheveux attachés en queue de cheval et un carnet à la main, toujours prête à noter une idée ou un détail amusant. Julien, plus réservé et observateur, traînait derrière elle avec son air tranquille mais attentif.

— Salut ! dit Mathis, le sourire aux lèvres.
— Alors, quoi de neuf ? demanda Clara. Tu as déjà décidé de ton club cette année ?
— Pas encore… répondit Mathis, hésitant. Je pensais peut-être au club de journal.
— Parfait ! dit Clara, enthousiaste. Viens avec moi pour la réunion de ce midi, je vais voir si je peux te convaincre.
— Tu comptes vraiment m’embarquer dans tes projets, hein ? demanda Mathis en riant.

Julien secoua la tête, un sourire amusé sur le visage.

— À ton rythme, mec. Mais je suis curieux de voir ce que ce club va te faire.

Ils traversèrent la cour, évitant les groupes d’élèves qui discutaient en petits cercles. Le vent soufflait légèrement, soulevant des feuilles mortes et apportant le parfum humide de la pelouse et de la terre fraîchement retournée.

— Tu sais, dit Clara, en baissant légèrement la voix, le club de journal n’est pas juste pour écrire des articles… on couvre tout : les événements de l’école, des histoires locales, des petits mystères… parfois des potins bien racontés.
— Des mystères ? demanda Mathis, levant un sourcil avec intérêt.
— Oui, des trucs que personne ne remarque vraiment, expliqua-t-elle. Tu pourrais observer, prendre des notes… sans que ça paraisse bizarre.

Mathis sourit. Ce n’était pas un projet de curiosité maladive, juste une occasion d’écrire, d’observer et de participer à quelque chose de concret avec ses amis.

— Bon, on va voir ce que ça donne, dit-il finalement.

Ils arrivèrent devant la salle du club. L’air à l’intérieur était chargé d’une légère odeur de papier et d’encre, mais aussi de colle et de feutres, mélange typique des ateliers créatifs. Quelques élèves discutaient à voix basse, et les murs étaient décorés de couvertures d’anciens journaux scolaires et de photographies prises par les membres.

— Salut, lança Clara à la responsable du club. On est là pour la réunion d’inscription !
— Parfait, répondit la responsable, une fille plus âgée avec des lunettes rondes et un carnet sous le bras. Bienvenue !

Mathis s’installa avec Clara et Julien. Ils discutèrent de ce que chaque membre aimait écrire ou photographier, et des idées pour le prochain numéro du journal. Mathis écoutait attentivement, posait quelques questions, mais la conversation autour des projets de reportage l’intriguait surtout par la liberté que le club offrait : la possibilité de découvrir des histoires sans que personne ne le remarque vraiment.

— Alors, vous deux, vous voulez participer à quel projet ? demanda la responsable.
— Je… je pourrais essayer les articles courts pour commencer, répondit Mathis, un peu timide.
— Parfait ! dit Clara, contente. Tu pourrais couvrir des événements dans l’école ou même des histoires locales, ça serait intéressant.
— Oui, ça me va, répondit Mathis avec un petit sourire.

Julien haussa les épaules.

— Moi, je vais voir ce que vous écrivez, et peut-être que je m’y mettrai si ça m’amuse.

Ils passèrent un moment à discuter des idées, des thèmes possibles, et de la manière de collecter des informations pour les articles. L’atmosphère était légère, mais animée, et Mathis appréciait cette ambiance de groupe, d’entraide et de créativité.

À la pause suivante, ils se dirigèrent vers la cour. Le vent faisait bouger les branches des arbres et apportait l’odeur douce de la pelouse et des fleurs en pot. Mathis observa autour de lui, notant des détails simples mais intéressants : un chat qui traversait la rue, une balle de tennis oubliée près du terrain, un groupe d’élèves qui riaient. Tout cela lui donnait des idées pour d’éventuels articles, pour raconter des histoires qui passeraient inaperçues aux yeux des autres.

— Tu es vraiment concentré, murmura Clara.
— Je réfléchis juste à ce que je pourrais écrire… répondit Mathis.
— Et tu ne veux pas écrire sur nous ? demanda Julien, en riant.
— Peut-être plus tard, dit Mathis en souriant. Pour l’instant, je préfère observer et apprendre.

Le reste de la matinée passa rapidement. Mathis participa aux cours, répondit aux questions, mais une partie de son esprit restait en alerte, prête à remarquer des détails intéressants pour le journal. Il ne pensait pas au nouveau voisin à ce moment-là ; il s’agissait plutôt de se concentrer sur ce qui l’entourait, sur les histoires à portée de main, celles que personne ne prenait le temps de remarquer.

À la cantine, ils s’assirent ensemble sur une table. Les bruits de couverts et de conversations formaient une cacophonie familière, mais agréable. Ils parlèrent de projets de classe, des prochaines activités et des idées pour le club.

— Si on voulait écrire sur quelque chose de plus original, proposa Clara, on pourrait peut-être enquêter sur les coins oubliés de l’école… ou sur les histoires de certains élèves, bien sûr sans déranger personne.
— Oui, ça pourrait être sympa, répondit Mathis. On pourrait noter des choses qui passent inaperçues, mais qui racontent beaucoup sur la vie ici.
— Exactement, dit Julien. Et tu pourrais t’entraîner à observer sans te mêler directement, ajouta-t-il.

Mathis acquiesça, un léger sourire sur le visage. Il aimait cette idée. Observer, comprendre, puis écrire, sans que personne ne sache vraiment qu’il était derrière. C’était une manière douce et créative d’appréhender le monde autour de lui.

Lorsque la cloche de l’après-midi retentit, ils se levèrent et se dirigèrent vers la sortie. Le ciel était teinté de rose et d’orange, et l’air doux portait encore le parfum de la pluie récente. Mathis, Clara et Julien marchaient côte à côte, discutant de ce qu’ils pourraient explorer pour leurs prochains articles.

— Tu sais, dit Clara, ça pourrait être amusant de suivre certaines histoires locales… comme ces maisons abandonnées ou les anciens bâtiments.
— Oui… répondit Mathis, pensif. Ce serait un bon entraînement pour apprendre à observer attentivement et à noter des détails.

Julien hocha la tête.

— Et tu feras ça sans devenir obsédé par quoi que ce soit, hein ? dit-il en souriant.
— Oui, murmura Mathis avec un léger sourire. Simplement observer, rien de plus.

Alors qu’ils arrivaient près de leur quartier, Mathis jeta un regard discret vers la maison au bout de la rue. Les volets étaient encore fermés, silencieux, et rien ne trahissait une activité particulière. Il ne se sentit pas obsédé, seulement curieux, conscient que cette maison pouvait cacher des détails intéressants pour plus tard.

— À demain pour le club ! lança Clara, pleine d’enthousiasme.
— Oui, à demain, répondit Mathis, un peu impatient mais surtout curieux de ce que cette aventure pourrait lui apporter.

Le vent souffla dans les arbres, les feuilles frémissant légèrement. Pour Mathis, cette journée avait été riche de petites découvertes, de conversations et de projets. Rien n’était encore bouleversé, rien n’était encore mystérieux, mais il savait que chaque détail comptait, que chaque observation pouvait devenir une histoire à raconter.

Et tandis qu’ils se séparaient pour rentrer chacun chez soi, Mathis sentit que cette année, avec le club et ses amis, allait être plus intéressante que toutes les précédentes. Pas parce qu’un voisin était arriver, pas encore… mais parce que le monde autour de lui avait soudain des histoires à offrir.

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