Chapitre 4

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Après la dernière sonnerie de la matinée, la récréation débuta. Mathis traîna un peu des pieds, cherchant un moment calme pour approcher Elior sans attirer l’attention de la classe. La lumière du matin traversait les fenêtres du lycée, projetant des rayons dorés sur les bancs et les couloirs, tandis que les élèves se pressaient pour sortir en extérieur.

— Alors, on y va ? murmura Clara à ses côtés.
— Oui… mais doucement, répondit Mathis. Je ne veux pas le brusquer.

Il se dirigea vers Elior, qui était déjà installé sur un banc isolé à l’écart des groupes bruyants. Le nouvel élève tenait son sac sur ses genoux et jouait distraitement avec un stylo, les yeux fixés sur le sol. Mathis prit une profonde inspiration.

— Salut… commença-t-il timidement. Je voulais te demander… comment tu trouves le lycée jusqu’ici ?

Elior leva les yeux, surpris par l’approche. Ses doigts serrèrent le stylo un peu plus fort, et ses yeux s’écarquillèrent légèrement.

— Euh… ça va… répondit-il, la voix basse et hésitante. — C’est… différent de… là où j’étais avant.

Mathis hocha la tête, essayant de rester calme.

— Oui… je comprends, murmura-t-il. Tu veux dire que ça te change beaucoup ?

Elior détourna légèrement le regard, comme pour chercher une échappatoire.

— Oui… beaucoup. Et… je… je préfère ne pas trop en parler, dit-il, la voix presque inaudible.

Mathis sentit un léger pincement au cœur. Ce n’était pas un refus brutal, mais un mur subtil derrière lequel Elior se protégeait. Il décida de changer de sujet.

— Tu es allé au club de journal ce matin ? demanda-t-il, essayant de détendre l’atmosphère.

Elior sembla réfléchir un instant, puis hocha timidement la tête.

— Oui… la première heure… c’était… intéressant, murmura-t-il. — On a commencé à… organiser les sujets… et à… préparer des articles.

— Tu as aimé ? demanda Mathis, souriant légèrement.

Elior esquissa un petit sourire, à peine perceptible.

— Oui… je crois… répondit-il, et détourna immédiatement le regard, comme pour se protéger à nouveau.

Mathis nota mentalement ces réactions. Il ne s’agissait pas de timidité pure, mais d’une prudence presque instinctive, d’une manière de mesurer chaque mot, chaque geste. Il se souvenait du nombre de personnes qu’il avait vues entrer et sortir de la maison la veille et aujourd’hui, et tout cela prenait un sens : Elior vivait dans un monde où chaque mouvement avait un poids, où chaque parole semblait pesée.

— Tu veux… venir avec nous pour la prochaine récré ? demanda Mathis doucement.

Elior secoua légèrement la tête.

— Non… merci… répondit-il, les yeux baissés. — Je… préfère rester ici.

Mathis sourit intérieurement. Ce n’était pas un rejet, juste une nécessité pour Elior de gérer son espace et son rythme. Il décida de ne pas insister et laissa le nouvel élève tranquille, tout en continuant à l’observer discrètement à distance.

En rentrant en classe pour la seconde moitié de la journée, Mathis repensa aux allées et venues qu’il avait remarquées chez son voisin. Il avait compté au moins trois adultes différents qui étaient passés par la porte principale et une silhouette jeune qui avait rapidement disparu par la porte de côté. Il se demandait qui ils étaient, pourquoi ils venaient si souvent, mais il garda ces pensées pour lui, conscient que chaque détail pouvait être précieux plus tard.

La deuxième heure au club de journal se passa dans une atmosphère calme et studieuse. Les membres discutaient des projets à venir, partageaient des idées pour les articles, et Mathis se mêlait aux conversations, notant subtilement les réactions d’Elior, qui participait peu mais écoutait attentivement. Chaque fois que quelqu’un posait une question, Elior hochait la tête ou murmurait une réponse courte, ses mots toujours précis, jamais plus que nécessaire.

— Alors, dit Clara en prenant la parole, qu’est-ce que chacun veut écrire pour le premier numéro ?
— Je pense que je vais commencer par un article sur les événements récents dans la ville, répondit Mathis. Peut-être les petites histoires du lycée et du quartier…
— Moi, je voudrais m’occuper des activités artistiques, ajouta Julien. On pourrait faire un reportage sur le club de musique.

Elior leva légèrement la main, et d’une voix basse et contrôlée :

— Je… je peux… m’occuper des faits divers… ou des petites enquêtes… si… vous voulez.

Mathis nota mentalement le choix d’Elior. Même dans le club, il restait mesuré, attentif, presque prudent. Mais il voulait participer, il voulait s’intégrer, à sa manière, dans cet environnement qui semblait plus sûr que son quotidien à la maison.

— Très bien, Elior, dit Mathis avec un léger sourire, c’est parfait. Tu as de bonnes idées.

Le nouvel élève esquissa un mince sourire, et pour la première fois depuis le matin, il sembla un peu plus détendu. Pourtant, cette détente restait fragile, comme une flamme dans le vent : elle existait, mais il fallait être prudent pour qu’elle ne s’éteigne pas.

La sonnerie annonçant la fin de la première heure au club retentit. Les élèves se levèrent et commencèrent à ranger leurs affaires. Mathis sentit qu’il avait appris un peu plus sur Elior, mais pas sur sa vie personnelle. Et c’était exactement ce que le nouvel élève voulait : rester bref, rester prudent, garder ses secrets pour lui.

— On se retrouve demain ? demanda Mathis en sortant du club.
— Oui… répondit Elior, la voix plus assurée, mais toujours basse.

Mathis le regarda partir, notant mentalement chaque détail : la manière dont il marchait, la précaution dans ses gestes, et ce petit sourire discret qui laissait entrevoir un peu de confiance. Il savait que demain, il pourrait apprendre encore un peu plus, doucement, à son rythme.

En sortant du lycée, Mathis observa à nouveau la maison du voisin. Le rythme des allées et venues continuait, semblant suivre une sorte d’ordre silencieux. Il compta trois silhouettes adultes différentes, et une plus jeune qui disparaissait par la porte latérale. Il fronça légèrement les sourcils, intrigué, mais cette fois, il n’éprouva pas de peur. Juste une curiosité vive, une envie de comprendre le monde discret et secret dans lequel vivait Elior.

Alors qu’il reprenait le chemin de sa propre maison, Mathis pensa à la journée écoulée : un nouvel élève, des gestes mesurés, une prudence constante, et cette petite participation au club qui révélait un peu de sa personnalité. Chaque détail, chaque mot, chaque geste semblait compter.

Et dans un coin de son esprit, une question persistait : qu’est-ce qui rendait Elior si attentif à chaque mouvement, si prudent dans ses paroles et ses gestes ?

Mathis n’avait pas la réponse, mais il savait qu’il allait découvrir petit à petit, à son rythme, et qu’il serait là pour observer, comprendre et, peut-être, aider à lever un coin du voile sur ce mystère.

Installé à son bureau, le cahier ouvert devant lui, Mathis jetait régulièrement des regards par la fenêtre de sa chambre. La lumière du soleil déclinant baignait le quartier dans des tons orangés et dorés, et l’air sentait encore la terre humide et les feuilles froissées par la brise de fin d’après-midi. Il nota mentalement ce qu’il avait vu ce matin : les gestes d’Elior à l’école, sa prudence, ses regards discrets et ses mots mesurés. Mais il ne pouvait s’empêcher de porter son attention sur la maison de son voisin.

Il y avait déjà du mouvement. Une silhouette adulte sortait par la porte principale, un paquet volumineux à la main, disparaissant rapidement derrière la grille de la rue. Peu après, une autre personne, plus jeune, sortit par la porte latérale et remonta la rue d’un pas rapide. Mathis fronça les sourcils, intrigué. La maison semblait toujours occupée, même si Elior ne sortait presque jamais.

— Toujours les mêmes mouvements… pensa-t-il, intrigué.

Il nota mentalement chaque passage, chaque visage qu’il pouvait distinguer depuis sa chambre. Chaque visite semblait brève, mesurée, organisée. Il n’y avait rien de désordonné, rien d’imprévu, tout paraissait suivre un rythme précis, presque codé. Mathis comprit que cette maison n’était pas comme les autres, et que le quotidien d’Elior devait être strictement contrôlé.

Puis il se leva et se pencha à la fenêtre, prenant soin de ne pas être vu. Il observa une nouvelle silhouette qui entra dans la maison par la porte principale, tandis qu’une autre disparaissait par la porte latérale. Les mouvements se succédaient, précis et rapides, et Mathis nota mentalement chaque détail : qui venait, quand, combien de temps ils restaient.

— Il y a vraiment quelque chose de particulier ici… murmura-t-il.

Il s’éloigna enfin de la fenêtre, repensant à la récréation où il avait essayé de parler à Elior. Le nouvel élève avait été nerveux, bref dans ses réponses, et n’avait rien révélé de sa vie privée. Pourtant, il avait accepté de raconter sa première heure au club de journal, même timidement, et Mathis avait compris que c’était un geste de confiance, aussi fragile soit-il.

— Je vais devoir avancer doucement… se dit-il. Il faut que je comprenne le rythme de sa vie avant d’aller plus loin.

Alors que le soleil disparaissait derrière les toits, Mathis resta un moment assis, les yeux fixés sur la maison d’Elior. Chaque mouvement semblait raconter une histoire, chaque visite semblait avoir un sens précis, et chaque détail pourrait, un jour, l’aider à comprendre le mystère de son voisin.

Enfin, il ferma ses cahiers et s’assit un instant dans le silence de sa chambre. L’air frais de la fin de journée entrait par la fenêtre entrouverte, portant avec lui les odeurs du quartier et le bruissement des feuilles. Il savait que demain serait une nouvelle journée d’observations, une occasion d’apprendre un peu plus, petit à petit, sur Elior et sur ce monde secret qui l’entourait.

Le lendemain matin, Mathis se leva avec le sentiment familier d’excitation mêlée à de la curiosité. Le soleil perçait à peine derrière les rideaux de sa chambre, et l’odeur du café et du pain chaud flottait dans l’air. Après un petit déjeuner rapide, il attrapa son sac et quitta la maison, le cœur battant légèrement.

— Aujourd’hui, murmura-t-il pour lui-même, je vais essayer d’apprendre un peu plus… doucement.

À l’école, la matinée se déroula dans le calme. Mathis suivait les cours, mais ses yeux revenaient régulièrement vers Elior, installé à son bureau habituel. Le nouvel élève semblait un peu plus détendu qu’hier, mais toujours attentif à chaque geste et à chaque mot.

Lorsque la récréation arriva, Mathis prit une profonde inspiration et s’avança vers lui.

— Salut… recommença-t-il, plus confiant que la veille. Tu… tu veux parler un peu de ce que tu as fait au club ce matin ?

Elior leva les yeux, surpris, ses doigts jouant nerveusement avec la lanière de son sac.

— Euh… oui… répondit-il, la voix basse et hésitante. On… on a parlé des articles, et j’ai commencé à… noter quelques idées.

— Tu veux me montrer ? demanda Mathis doucement, pour ne pas le brusquer.

Le nouvel élève sortit un petit carnet de son sac, l’ouvrit rapidement, puis le referma presque aussitôt.

— Non… juste un peu… pour moi… murmura-t-il.

Mathis hocha la tête, respectant son espace.

— D’accord… alors raconte-moi juste une chose que tu as trouvé intéressante.

Elior sembla réfléchir un instant, ses yeux se perdant dans le vide.

— On… on a parlé de petites enquêtes dans la ville… sur les événements récents… sur les disparitions… murmura-t-il, la voix à peine audible.

Mathis sentit un frisson le parcourir. Les disparitions ? C’était la première fois qu’Elior mentionnait quelque chose d’un peu inquiétant, mais il garda son calme.

— Tu penses… que ce serait intéressant à suivre ? demanda-t-il, essayant de ne pas paraître trop curieux.

Elior hocha la tête, puis détourna le regard.

— Oui… mais il faut être prudent… beaucoup de choses ne sont pas pour nous… il faut… rester discret.

Mathis comprit alors que le nouvel élève vivait dans un monde où chaque geste et chaque mot avaient un poids, et que sa prudence n’était pas seulement une question de timidité.

Pendant ce temps, son regard se posa à nouveau sur la maison d’Elior. Depuis sa propre fenêtre, il remarqua les allées et venues habituelles : une voiture garée devant la porte, un adulte portant un paquet qui disparaissait rapidement à l’intérieur, une autre silhouette qui ressortait par la porte latérale. Chaque mouvement semblait parfaitement chronométré.

— Il y a vraiment un rythme… pensa Mathis, notant mentalement chaque détail.

Il observa encore un moment, prenant conscience que la vie d’Elior à la maison était régie par des règles invisibles, strictes, peut-être même secrètes. Le nouvel élève ne pouvait pas parler librement de ce monde-là à l’école. C’était son domaine, et Mathis devait avancer avec prudence s’il voulait comprendre.

Lorsque la récréation se termina, Mathis recula doucement et retourna en classe, le cœur battant mais le sourire aux lèvres. Il avait appris un peu plus sur Elior, sur sa prudence, sa volonté de participer, et sur le quotidien mystérieux qui l’entourait. Chaque geste, chaque mot, chaque silence révélait quelque chose, et Mathis savait qu’il devait continuer à observer, doucement, patiemment.

À la fin des cours, alors que le soleil commençait à décliner derrière les toits, Mathis retourna chez lui. De sa fenêtre, il observa une dernière fois la maison du voisin. Une silhouette adulte apparaissait à la fenêtre du premier étage, puis disparaissait. Une autre traversa le jardin avec un paquet, s’engouffrant rapidement dans la maison. Tout était mesuré, précis, presque ritualisé.

Mathis nota mentalement chaque détail dans son carnet, se promettant de suivre ce rythme, de comprendre les habitudes, les silences et les secrets de son voisin. Il savait que demain serait une nouvelle journée d’observations, et que petit à petit, il pourrait apprendre à connaître Elior et ce monde secret qui l’entourait.

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