Chapitre 7

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Le soleil perçait à peine à travers les rideaux de la chambre de Mathis lorsqu’il ouvrit les yeux. Les images de la nuit précédente et le cauchemar de la veille tourbillonnaient encore dans son esprit. La chambre était dans la pénombre douce du matin, avec des murs couleur crème, quelques posters de groupes de rock et de science-fiction accrochés à gauche, et l’odeur légèrement sucrée du café que sa mère venait de préparer flottant dans l’air. Son bureau était encombré de carnets, stylos, et de quelques livres qu’il n’avait pas eu le temps de ranger depuis la semaine. Le soleil filtrait à travers les rideaux et illuminait par intermittence le tapis légèrement usé sur lequel il avait traîné la veille en consultant le blog.

Mathis s’étira et se leva lentement. La fatigue semblait peser sur ses épaules, mais l’inquiétude pour Elior et la curiosité brûlante qui le rongeait l’empêchaient de se rendormir. Dans la cuisine, sa mère s’affairait à préparer le petit-déjeuner. Le parfum du pain grillé et du café chaud emplissait l’air.

— Bonjour, dit Mathis en passant la tête dans la cuisine.
— Bonjour mon chéri, répondit-elle en souriant. Tu as bien dormi ?
— Bof… je me suis réveillé tôt… je voulais juste… réfléchir un peu, répondit-il, vague, sans entrer dans les détails.

Après un rapide petit-déjeuner, il retourna dans sa chambre et s’assit devant son ordinateur. La lumière pâle de l’écran éclairait ses traits tirés. Le blog qu’il avait découvert la veille restait ouvert, et chaque nouveau post qu’il lisait semblait plus mystérieux et cryptique, presque hypnotique :

"Le souffle absent devient éclat… celui qui ferme les yeux voit la main… La flamme connaît ce que le silence garde… Le cercle veille sur ceux qui marchent au bord du vide…"

Mathis copiait les phrases importantes dans son carnet, entourant certains mots et soulignant d’autres. Il revint plusieurs fois sur la phrase qui l’avait frappé la veille : « Celui qui marche dans l’ombre de Lumen Aeterna… ». Ce mot semblait presque chantonner dans sa tête, une clé invisible qu’il devait comprendre.

Vers midi, il décida de prendre l’air et se dirigea vers la maison de Léo, un ami d’une autre classe. L’air frais du matin lui fit du bien après tant d’heures passées devant l’écran.

— Salut Mathis ! lança Léo en ouvrant la porte. Alors, quoi de neuf ?
— Rien de spécial… je… je profite du week-end, répondit Mathis en souriant légèrement, mais son esprit était déjà ailleurs.

Ils s’assirent à la terrasse d’un petit café, entourés de passants matinaux et du bruit lointain de la circulation.

— Tu m’as l’air pensif… qu’est-ce qui se passe ? demanda Léo.
— Euh… rien de grave, juste… je réfléchis beaucoup ces temps-ci, répondit Mathis, choisissant soigneusement ses mots.
— Tu réfléchis à quoi exactement ? tu peux me le dire, non ? insista Léo.
— C’est compliqué… c’est à propos d’un voisin… enfin, d’un nouvel élève… Il y a des choses… bizarres. Mais je ne peux pas vraiment t’expliquer maintenant.

Léo haussa les épaules, souriant :

— Bon, d’accord. On peut parler d’autre chose. Tu as pensé au club de lecture dont je t’ai parlé ?
— J’y ai pensé… mais je ne sais pas si j’aurai le temps… j’ai beaucoup de trucs à faire ce week-end.
— Genre ? demanda Léo en le regardant avec curiosité.
— Juste… des recherches, des lectures… trucs un peu… mystérieux. Je préfère pas m’étaler, répondit Mathis avec un sourire gêné.

Après quelques heures, Mathis remercia son ami et rentra chez lui. Sa maison semblait plus accueillante : le parquet ciré, les rideaux qui ondulaient légèrement au vent, et l’odeur familière de la cuisine. La salle de séjour était décorée avec des photos de famille, des plantes vertes sur le rebord de la fenêtre, et un vieux canapé en cuir marron où il aimait s’installer pour lire ou réfléchir.

En fin d’après-midi, son frère Dorian arriva pour passer deux semaines de vacances. Mathis ressentit immédiatement la joie de retrouver son frère, un mélange de soulagement et d’excitation.

— Hey, petit frère ! lança Dorian en entrant dans le salon avec son sac à dos.
— Salut ! répondit Mathis, sourire aux lèvres.

Ils passèrent les heures suivantes à jouer à des jeux vidéo, rire et se rappeler des souvenirs d’enfance. Mais comme souvent entre frères, une remarque un peu déplacée fit surface :

— Et tes nouveaux voisins… avec tout le monde qui passe chez eux, je me demande s’ils ne se prostituent pas, hein ? lança Dorian en riant.

Mathis sentit ses joues rougir et sa mâchoire se contracter.

— Dorian ! Ce n’est pas drôle ! s’emporta-t-il. Tu n’as aucune idée de ce dont tu parles !

— Eh… c’était juste une blague, dit Dorian en levant les mains, un sourire amusé sur le visage.

Mathis inspira profondément, cherchant à calmer sa colère. Ils changèrent rapidement de sujet pendant le dîner, évoquant des anecdotes plus légères, des projets pour les vacances et des souvenirs d’enfance.

La maison était plongée dans une lumière douce et chaleureuse. Après le dîner, Mathis monta dans sa chambre, laissant derrière lui les bruits étouffés de la cuisine et du salon. Le parquet légèrement ciré craquait sous ses pas, et une légère odeur de café et de repas flottait encore dans l’air.

Il s’assit sur son lit et sortit son téléphone. Cela faisait sept mois qu’il n’avait pas parlé à son ex, trois mois sans aucun contact après leur rupture. Mais il ressentait le besoin de retrouver un peu de normalité et de parler de choses légères avant que ses pensées ne replongent entièrement dans l’inquiétude qui le rongeait depuis plusieurs jours.

Il composa son numéro et attendit quelques sonneries avant qu’elle ne décroche.

— Salut Mathis ! lança-t-elle chaleureusement. Ça fait longtemps…
— Salut… Oui… sept mois, murmura-t-il, un peu hésitant.
— Sept mois déjà… tu penses souvent à tout ça ? demanda-t-elle doucement.
— Oui… je pense parfois à nous… enfin, à ce qu’on a été… Un an ensemble, et puis trois mois sans se parler… ça fait beaucoup de silence, dit Mathis.

Un petit silence s’installa au bout du fil.

— Oui… ça a été dur pour moi aussi… Mais ça va mieux maintenant, non ?
— Je crois… murmura Mathis. Je voulais juste parler un peu… te dire que je n’ai jamais oublié… même si… même si ça s’est terminé.
— Moi non plus… dit-elle. Mais tu sais, on a changé, tous les deux. Et c’est normal.

Mathis inspira profondément, puis décida de parler de ce qui avait vraiment conduit à leur rupture.

— Tu sais… ce qui nous a séparés… c’est parce que j’ai compris quelque chose sur moi… dit-il doucement. Je… je crois que je suis gay.
— Oh… murmura-t-elle, surprise mais calme. Je comprends… je suis contente que tu aies pu te comprendre toi-même… Même si ça a changé les choses entre nous.
— Oui… je ne voulais pas te faire de mal… Mais je devais être honnête avec moi-même.

Pour alléger l’atmosphère, ils parlèrent ensuite de banalités.

— Alors… qu’est-ce que tu deviens ? demanda Mathis.
— Eh bien… j’ai trouvé un petit boulot dans une librairie près du centre-ville, répondit-elle. Ce n’est pas énorme, mais ça me plaît… je suis entourée de livres toute la journée et je rencontre pas mal de gens intéressants.
— Une librairie ? C’est parfait pour toi. Tu dois être dans ton élément.
— Oui… j’adore. Et toi, ça avance à l’école ?
— Beaucoup de cours… et certaines choses que je dois comprendre, murmura Mathis, pensant à Elior et au blog mystérieux.

Elle rit doucement :

— Toujours dans tes enquêtes, hein ?
— Oui… on pourrait dire ça, répondit-il avec un sourire, même si la situation était loin d’être drôle.

Ils parlèrent encore de banalités : le temps, les nouvelles du quartier, des anecdotes de leurs classes respectives. Elle lui parla d’un collègue maladroit à la librairie et de la petite cafétéria où elle allait boire son café le matin. Mathis, de son côté, partagea quelques anecdotes de son club de lecture et des livres qu’il avait envie de lire. Leur conversation, légère et familière, permit à Mathis de respirer un peu après une semaine d’inquiétude et de tension.

— Tu sais… je suis content de pouvoir te parler comme ça, dit Mathis après un moment. Même si ce n’est pas pareil qu’avant, ça fait du bien.
— Moi aussi… répondit-elle. C’est comme retrouver un peu de normalité, après tout ce silence.

Quand ils raccrochèrent, Mathis posa son téléphone sur le bureau et laissa ses yeux se perdre dans les carnets ouverts devant lui. Les mots du blog et la phrase cryptique « Lumen Aeterna » résonnaient encore dans sa tête. Les images de la veille revenaient : la maison d’Elior, les volets entrouverts, la lueur des bougies à travers les fissures, les silhouettes silencieuses et cette voix qui avait récité des mots incompréhensibles.

Il se replia sur son carnet, relut ses notes et fit des liens dans sa tête, essayant de recomposer le puzzle. Chaque détail semblait prendre un sens différent à mesure qu’il réfléchissait, mais il savait qu’il devait encore attendre le bon moment pour agir. Il n’était pas prêt à en parler à quiconque, et surtout pas à ses amis, car il devait comprendre Elior avant de révéler quoi que ce soit.

La maison était silencieuse maintenant, seulement ponctuée par le tic-tac régulier de l’horloge et le léger bruissement du vent contre les fenêtres. Mathis posa son stylo, soupira, et laissa ses pensées vagabonder dans l’obscurité. La curiosité et l’inquiétude s’entremêlaient dans son esprit, le poussant à réfléchir à chaque détail, chaque mouvement, chaque phrase entendue.

Finalement, il éteignit sa lampe, glissa sous les couvertures et fixa le plafond quelques instants. Demain, il se promettait d’observer Elior plus attentivement, de noter chaque geste et chaque allée et venue, dans l’espoir de comprendre enfin le lien entre ce qu’il avait vu et les phrases cryptiques du blog.

Alors que l’obscurité enveloppait sa chambre, Mathis sentit l’obsession grandir en lui, conscient qu’il se rapprochait de quelque chose de plus grand et de plus étrange qu’il n’aurait jamais pu imaginer.

Mathis sombra dans le sommeil après avoir éteint sa lampe de chevet, son esprit encore occupé par les notes qu’il avait prises et les mots mystérieux du blog. Mais le calme de la nuit ne dura pas. Très vite, son esprit fut aspiré dans un rêve étrange et oppressant.

Il se retrouva dans une pièce qu’il n’avait jamais vue, mais dont l’odeur lui rappelait celle de la maison d’Elior : un mélange de cire brûlée, de papier ancien et de quelque chose d’indéfinissable, presque métallique. Les murs étaient sombres, à peine éclairés par la lueur vacillante de bougies disposées en cercle sur le sol. L’air était lourd, saturé de l’odeur de cire et de poussière.

Au centre de la pièce se trouvait Elior. Mathis reconnut immédiatement sa silhouette, mais quelque chose en lui semblait étrangement fragile. Elior avait la tête baissée, les épaules tremblantes, et des larmes roulaient silencieusement sur ses joues pâles. Autour de lui, des silhouettes indistinctes, encapuchonnées, formaient un cercle. L’une d’elles se détacha lentement de l’ombre, et Mathis sentit son sang se glacer : c’était la personne dont il avait entendu la voix la veille.

Elle parlait, et cette fois, chaque mot semblait se répercuter dans l’esprit de Mathis comme un coup de marteau :

"Le cercle attend, la lumière se couche… Celui qui s’élève doit marcher au centre… Lumen Aeterna voit tout…"

Mathis sentit une peur irrationnelle l’envahir. La voix se rapprochait, et Elior leva lentement la tête, ses yeux rouges d’émotion. Il essayait de parler, mais aucun son ne sortait. La silhouette encapuchonnée pointa un doigt sur Elior, et une force invisible le poussa au centre du cercle. Les bougies vacillèrent, projetant des ombres mouvantes sur les murs, et la pièce devint de plus en plus sombre.

— Elior… murmura Mathis dans son rêve, mais aucun son ne franchit ses lèvres. Il voulait le prévenir, mais il était figé, impuissant.

La voix reprit, plus basse, plus hypnotique :

"Ne regarde pas la lumière… mais le vide… le vide t’entoure…"

Mathis sentit le sol trembler. La pièce semblait s’étirer, les murs se rapprochant et se distordant en même temps. Elior, maintenant au centre du cercle, leva les yeux vers la voix, les larmes toujours présentes, et sembla implorer un répit qui ne vint pas. La silhouette encapuchonnée s’avança et posa une main invisible sur la tête d’Elior, et soudain tout changea.

Mathis se retrouva propulsé au lycée, dans le couloir désert. L’air était glacé, et les sons étaient étouffés. Devant lui, Elior se tenait debout, immobile, mais quelque chose avait changé. Ses yeux étaient complètement noirs, vidés de toute émotion humaine, et son regard fixait Mathis avec une intensité glaciale. Le cœur de Mathis battait à tout rompre, et il sentit une angoisse profonde le saisir.

Elior parla, d’une voix qu’il ne lui avait jamais connue, glaciale et détachée :

— Ne regarde pas l’intérieur… mais le vide autour.

Ces mots frappèrent Mathis comme une lame. Tout autour d’eux, le lycée semblait se dissoudre dans l’ombre, les couloirs devenant infinis, étirés par un vide noir qui aspirait la lumière. Mathis voulut crier, mais aucun son ne sortit. Il vit Elior s’avancer lentement vers lui, les yeux noirs toujours fixés, et chaque pas semblait résonner dans son esprit comme un coup de tonnerre.

— Elior… supplia-t-il dans son rêve, je suis là… je peux t’aider…

Mais Elior ne répondit pas. La voix résonna à nouveau, comme un chuchotement envoûtant qui traversait l’espace et le temps :

"Le vide est le maître… Celui qui voit, voit tout… Celui qui marche, ne regarde pas derrière…"

Mathis sentit ses jambes se dérober sous lui, et il chuta dans le vide qui semblait s’étendre sous ses pieds. Il tomba, tombant sans fin, le vent sifflant dans ses oreilles, et la voix se répétant encore et encore, de plus en plus insistante, jusqu’à ce que ses paupières se ferment sous la pression de l’angoisse.

Il se réveilla en sursaut, le corps tremblant et le front couvert de sueur. L’horloge sur la table de chevet indiquait cinq heures du matin. La chambre était silencieuse et plongée dans une obscurité rassurante, mais le souvenir du cauchemar le laissait glacé et tremblant. Ses draps étaient humides de sueur, et il respirait rapidement, le cœur battant à tout rompre.

Mathis resta assis sur son lit, les mains appuyées contre ses genoux, essayant de reprendre son souffle. Le rêve était encore trop vivant dans son esprit : Elior au centre du cercle, les larmes sur ses joues, la voix obscure et hypnotique, et surtout ces yeux complètement noirs fixant Mathis dans le vide du lycée.

Il savait qu’il ne pouvait pas se rendormir tout de suite. Le souvenir du regard de son voisin le hantait, et les mots mystérieux continuaient de tourner dans sa tête : « Ne regarde pas l’intérieur… mais le vide autour… ». Chaque mot résonnait avec la phrase qu’il avait lue sur le blog, « Lumen Aeterna », et Mathis sentit un frisson parcourir son échine.

Il se leva lentement, prit son carnet et relut les passages qu’il avait notés. Peut-être que le rêve était un avertissement, un indice involontaire que son inconscient essayait de lui donner. Il nota chaque détail, chaque mot, chaque geste qu’il avait vu dans le cauchemar, en essayant de relier le vide, le cercle, et les yeux noirs d’Elior à ce qu’il avait observé dans la maison de son voisin.

La pièce était silencieuse, seulement ponctuée par le tic-tac régulier de l’horloge et le léger bruissement du vent contre les fenêtres. Mathis resta assis, les yeux rivés sur ses notes, l’esprit en ébullition. Le rêve l’avait secoué profondément, mais il sentait qu’il avait maintenant un nouvel angle pour comprendre ce qui se passait.

Il se promettait de ne rien laisser au hasard. Demain, il observerait Elior avec plus d’attention, noterait chaque détail, chaque mouvement, et essayerait de découvrir ce qui se cachait derrière cette façade mystérieuse. Le cauchemar l’avait effrayé, mais il lui avait donné aussi une détermination nouvelle : comprendre Elior, et percer le mystère de ce vide qui semblait l’entourer.

Enfin, il reposa son carnet, inspira profondément, et s’allongea sur son lit, essayant de calmer son cœur et son esprit. La nuit était encore longue, mais l’obsession et la curiosité qui brûlaient en lui le maintenaient éveillé, attentif, prêt à tout pour découvrir la vérité.

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