Chapitre 16
Le lundi matin, le ciel était encore gris, plus bas que la veille, comme si la ville elle-même retenait son souffle. Mathis rejoignit Tharah, Clara et Julien près de l’entrée du lycée, le carnet serré contre lui. Les rues étaient désertes à cette heure, seulement quelques voitures glissant sur le bitume humide et des silhouettes pressées emmitouflées dans leurs manteaux.
— Prêts ? demanda Tharah en ajustant son écharpe. Aujourd’hui, on va interroger ceux qui ont croisé Julien D. dans la semaine avant sa disparition. Chaque détail peut être crucial.
— Oui… répondit Mathis, la voix basse, mais le cœur battant trop vite. Il pensait au numéro d’Elior dans sa poche, et au mystère qui pesait silencieusement sur lui.
Le groupe se divisa, chacun suivant un itinéraire différent pour couvrir un maximum de terrain. Mathis et Julien se dirigèrent vers le quartier où Julien D. avait été vu pour la dernière fois. Les bâtiments gris et étroits semblaient plus menaçants sous le ciel bas, et le vent sifflait à travers les ruelles, soulevant des feuilles mortes et les papiers éparpillés sur le trottoir.
— Tu crois qu’on trouvera quelque chose ? demanda Julien, jetant des regards inquiets autour de lui.
— Je ne sais pas… murmura Mathis. Mais on doit essayer. Chaque détail compte.
Ils commencèrent par frapper aux portes des voisins, poser des questions discrètes et noter chaque réponse, chaque hésitation, chaque regard fuyant. Certains se montraient réticents, d’autres parlaient avec une inquiétude à peine voilée.
— Julien a parlé à quelqu’un de suspect ? demanda un voisin d’une voix tremblante.
— Pas exactement… répondit Mathis, choisissant ses mots avec soin. Mais il semblait inquiet ces derniers temps.
— Oui… murmura le voisin. J’ai vu des gens… des adultes… rôder dans le quartier, des cercles de personnes, tard le soir. Je ne sais pas qui ils sont exactement.
Mathis sentit un frisson lui parcourir l’échine. Les cercles, les rituels… tout semblait se recouper avec ce qu’il avait deviné dans les gestes et les murmures autour d’Elior.
— Merci pour votre aide, dit-il, et ils reprirent leur route, silencieux, le poids de chaque mot pesant lourdement sur leurs épaules.
Le reste de la matinée se déroula dans une tension croissante. Chaque personne interrogée semblait détenir une pièce du puzzle, mais aucune ne révélait la totalité de l’image. Mathis sentit que le temps pressait, que chaque seconde comptait pour éviter qu’un autre drame ne se produise.
À la pause déjeuner, le groupe se retrouva dans un petit parc désert, les bancs encore humides de la pluie de la veille. Les arbres nus laissaient tomber des branches sèches qui craquaient sous leurs pas.
— Alors, qu’avez-vous trouvé ? demanda Tharah, le regard perçant.
— Beaucoup de témoins ont vu des silhouettes étranges, certains parlent de cercles la nuit, répondit Mathis, choisissant ses mots. Et j’ai remarqué que certains détails dans leurs histoires se recoupent… mais c’est encore flou.
— Il y a quelque chose qui me dérange, murmura Clara. Si Julien D. a été retrouvé mort, au milieu des bougies… est-ce que d’autres pourraient subir le même sort ?
— Oui… répondit Julien, le visage grave. Et c’est pour ça qu’on doit agir rapidement.
Mathis hocha la tête, le papier d’Elior toujours dans sa poche comme un fil invisible qui le reliait au mystère. Il sentait que tôt ou tard, il devrait utiliser ce contact, mais il n’était pas prêt à dévoiler tout ce qu’il savait.
Le reste de l’après-midi se poursuivit entre interrogations et recoupements. Le groupe nota chaque indice, chaque détail étrange, chaque comportement suspect. Les rues paraissaient plus sombres, les silhouettes plus menaçantes, et le vent qui s’engouffrait dans les ruelles avait un murmure inquiétant.
Puis, en fin d’après-midi, une nouvelle information bouleversa Mathis. Julien D. n’était pas le seul retrouvé dans des circonstances étranges. Un autre élève, également disparu récemment, avait été retrouvé mort au milieu de bougies, exactement comme Julien. Mathis sentit un frisson glacé parcourir son dos, un sentiment de déjà-vu qui le glaça.
— C’est… horrible, murmura Clara, la voix tremblante. Comment est-ce possible ?
— Il faut qu’on garde la tête froide, répondit Tharah. La panique ne nous aidera pas. On doit analyser ce qui se passe, et trouver un moyen d’empêcher que ça se reproduise.
Mathis se mordit la lèvre, le cœur battant trop vite. Le lien avec Elior semblait de plus en plus inévitable, et il savait que tôt ou tard, il devrait confronter ce mystère. Mais pour l’instant, il devait rester prudent.
La nuit tomba rapidement, enveloppant la ville dans un voile noir. Les lampadaires jetaient des halos jaunes et tremblants sur les trottoirs, et le vent apportait des murmures indistincts, comme des voix lointaines qui tentaient de communiquer un avertissement.
De retour chez lui, Mathis monta directement dans sa chambre. Le papier avec le numéro d’Elior brûlait dans sa poche, et il sentit une pression sur sa poitrine, un mélange de peur et d’urgence. Il savait qu’il devait appeler. Le moment était venu.
Il s’assit sur son lit, prit une grande inspiration, et composa le numéro avec une hésitation palpable. Chaque son du clavier semblait résonner dans la pièce silencieuse. Après quelques sonneries, une voix faible et hésitante répondit :
— Allô ?
— Elior ? murmura Mathis, la voix tremblante mais déterminée. C’est Mathis…
Il y eut un silence. Puis la voix d’Elior, plus naturelle qu’il ne l’aurait imaginé, reprit :
— Mathis… je… je ne savais pas si je devais répondre…
— Je sais… je sais que c’est étrange… mais je voulais… je devais savoir si tu allais bien.
Un silence à nouveau, puis Elior répondit, d’une voix détachée mais étrangement sincère :
— Je commence à comprendre… que ma vie et celle des autres… ne se ressemblent pas du tout.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda Mathis doucement.
— Je… je ne peux pas vraiment l’expliquer, murmura Elior. Mais je… je comprends de plus en plus… la différence.
Mathis sentit un frisson lui parcourir l’échine. La phrase était simple, mais lourde de sous-entendus. Il sentit que derrière ces mots, Elior lui confiait quelque chose de profond, quelque chose qu’il ne pouvait pas encore mettre en mots.
— Tu n’es pas seul, dit Mathis, essayant de transmettre tout le soutien qu’il pouvait. On… on veille sur toi.
— Merci… murmura Elior. C’est… ça compte, même si je ne peux pas expliquer pourquoi.
Mathis hocha la tête, même si Elior ne pouvait pas le voir. Le poids du mystère et de l’inquiétude était toujours là, mais pour la première fois depuis longtemps, il sentit une petite lueur d’espoir. Elior savait, Elior comprenait, et ce simple fait suffisait à lui donner la force de continuer.
— On se parle bientôt ? demanda Mathis, hésitant.
— Oui… murmura Elior. Merci de… me parler.
Ils raccrochèrent presque en même temps. Mathis resta un long moment assis sur son lit, le téléphone encore chaud dans sa main, le souffle irrégulier, le cœur battant à tout rompre. La conversation avait été courte, mais chaque mot portait un poids immense. Elior était conscient, il savait que sa vie était différente, et il avait choisi de le confier, même en partie.
Le mystère restait entier, le danger était toujours présent, mais Mathis savait qu’ils avaient franchi une étape. Un lien s’était tissé, fragile mais réel, et il sentait qu’il devait le protéger, même au prix de sa propre sécurité.
La nuit tomba complètement, la ville plongée dans un silence pesant. Mathis posa le téléphone sur son bureau et le regarda longuement. Le numéro d’Elior n’était plus seulement un morceau de papier, mais un fil ténu vers une vérité qu’il devait découvrir.
Il respira profondément, fermant les yeux un instant. Demain, ils continueraient l’enquête. Et bientôt, il saurait quoi faire pour protéger Elior et comprendre le mystère qui pesait sur leur ville.
Le lendemain matin, la ville semblait encore plus oppressante qu’hier. Le vent soufflait en soulevant des feuilles mortes et en claquant contre les façades des immeubles, et les rares passants semblaient pressés, la tête baissée. Mathis rejoignit Tharah et Clara au parc, carnet à la main, prêt à poursuivre leur enquête sur les disparitions et sur l’inquiétante situation qui entourait Elior.
— Tu as entendu parler de Tim ? demanda Tharah, les sourcils froncés.
— Non, qu’est-ce qu’il y a ? demanda Mathis, intrigué.
— Il est arrivé ce matin complètement paniqué. Apparemment, il a été menacé par quelqu’un… — elle baissa la voix — encapuchonné, masque sur la bouche, gants noirs…
Mathis sentit un frisson lui parcourir l’échine. La menace prenait maintenant un visage concret.
— On devrait aller le voir, dit Clara. Peut-être qu’il pourra nous dire quelque chose.
Le groupe marcha rapidement vers le lycée, où Tim les attendait près de l’entrée principale. Ses yeux étaient rouges, ses mains tremblaient, et il tenait un sac d’école d’une manière presque défensive.
— Tim… calme-toi, dit Tharah doucement. Que s’est-il passé ?
— Je… je rentrais chez moi hier soir, expliqua-t-il en haletant, et… et quelqu’un m’a suivi. Une silhouette encapuchonnée, les mains gantées, un masque sur la bouche. Elle… elle m’a dit… elle m’a dit de ne rien dire si je voulais rester en sécurité.
— Tu te souviens de quelque chose d’autre ? demanda Mathis, essayant de rester calme pour ne pas effrayer davantage Tim.
— Non… juste… ce qu’elle m’a dit… et sa voix… c’était froide… glaciale… Je… je n’ai jamais eu aussi peur…
Lina, qui écoutait attentivement, sortit un carnet et un stylo.
— Peux-tu nous dire exactement où ça s’est passé ? et à quelle heure ? demanda-t-elle.
— Rue des Lilas, juste après la bibliothèque… vers vingt et une heures.
— Est-ce que tu as vu son visage ? demanda Clara.
— Non… juste le masque… et les yeux. Je ne les ai jamais oubliés… ils étaient… vides… comme si elle ne ressentait rien…
Mathis sentit un malaise grandir en lui. Cette menace était différente, plus directe, plus personnelle. Et le fait que Tim ait été ciblé rendait la situation encore plus inquiétante.
— Merci, Tim… dit Tharah. Tu as fait ce qu’il fallait en nous le disant, ajouta-t-elle en posant une main rassurante sur son épaule.
— Je… je n’ose pas rentrer seul ce soir, murmura Tim.
— On pourra te raccompagner, répondit Mathis, sentant son instinct de protection se réveiller.
Le reste de la matinée se déroula dans une atmosphère tendue. Les cours semblaient secondaires, les discussions étaient interrompues par des pensées sur la menace qui planait dans la ville. Même Elior, distant comme toujours, semblait insensible aux événements, ou du moins, il ne laissait rien transparaître.
À la pause de midi, le groupe décida de se retrouver dans le parc pour discuter de la situation. Tharah, Clara et Lina prenaient des notes, tandis que Mathis observait Tim avec attention.
— On devrait peut-être tracer un itinéraire de sécurité pour lui, suggéra Lina. Si cette personne encapuchonnée rôde encore, il faut qu’on sache où elle peut frapper.
— Oui, répondit Tharah, et on doit aussi chercher un lien avec les disparitions. Tout ça ne peut pas être un hasard.
Mathis écoutait attentivement, mais ses pensées revenaient sans cesse à Elior. Il se demanda si quelque chose de similaire pouvait lui arriver, et l’angoisse qu’il ressentait pour lui grandissait.
— Mathis, tu es d’accord pour accompagner Tim ce soir ? demanda Tharah.
— Oui… mais il faudra rester discret, répondit-il. Je… je préfère ne pas éveiller les soupçons de n’importe qui.
Ils passèrent l’après-midi à analyser les témoignages, les lieux des disparitions et les itinéraires possibles pour Tim. Chaque détail était noté, chaque possibilité envisagée. Lina, méthodique, traçait des cartes et des schémas sur une grande feuille, reliant les points entre les lieux des disparitions et l’endroit où Tim avait été menacé.
— Regardez ceci, dit-elle, en montrant la carte. Il y a un schéma. Les disparitions et les menaces semblent se concentrer dans un secteur très précis de la ville. Cela pourrait indiquer un point central, un lieu où l’organisation opère.
— C’est… effrayant, murmura Mathis. Et si quelqu’un comme Elior était exposé à ça ?
— On doit le protéger, répondit Tharah avec fermeté. On ne peut pas laisser cette situation continuer.
La soirée arriva, et le groupe accompagna Tim chez lui. Les rues étaient encore plus sombres, les lampadaires créant des cercles de lumière qui semblaient trop faibles pour éclairer la menace invisible. Chaque ombre pouvait cacher quelque chose de dangereux.
— Merci… murmura Tim en entrant chez lui. Je… je ne sais pas ce que j’aurais fait sans vous.
— On est là pour ça, répondit Mathis, sentant son cœur battre à toute vitesse.
De retour chez lui, Mathis s’assit sur son lit, le carnet ouvert devant lui. Il nota tous les événements de la journée, les observations de Tim, les connexions possibles avec les disparitions et les mouvements suspects dans la ville. L’angoisse était toujours présente, mais il sentait qu’ils progressaient, que chaque indice rapprochait le groupe de la vérité.
— Il faut que je continue à comprendre Elior… murmura-t-il. Même si je n’ai pas encore de contact direct avec lui, il reste la clé de beaucoup de choses.
Le vent soufflait à travers la fenêtre entrouverte, apportant l’odeur de pluie et de bitume mouillé. La tension et le mystère étaient palpables. Mathis savait que cette enquête ne faisait que commencer, que la menace était réelle, et que chaque décision pouvait avoir des conséquences.
Et dans un coin de sa tête, le numéro d’Elior brûlait encore, rappel discret mais puissant d’un lien fragile et essentiel, qui pourrait bientôt devenir crucial pour comprendre toute l’histoire derrière les disparitions, les menaces et la vie étrange d’Elior.
Le soir s’était installé sur la ville, enveloppant les rues d’une obscurité tranquille. Dans sa chambre, Mathis était assis sur son lit, la lumière douce d’une lampe de bureau éclairant ses notes et son carnet. Depuis la découverte du site mystérieux, son esprit n’avait cessé de tourner autour d’Elior et des indices qu’il pourrait y trouver. Le numéro que le garçon lui avait glissé dans la main pendant la récréation le brûlait, et maintenant, il sentait que c’était le bon moment pour utiliser cette occasion.
Il inspira profondément et composa le numéro. Le combiné vibra, émit quelques sonneries, et enfin, une voix faible et distante répondit :
— Allô ?
— Salut… c’est Mathis, dit-il doucement, essayant de garder une voix calme. Je… je voulais juste te parler un peu, si tu en avais envie.
Un silence, puis un souffle léger :
— Oui… je peux parler. Mais doucement… je n’aime pas… la précipitation.
— Bien sûr, répondit Mathis avec un petit sourire qu’Elior ne pouvait pas voir. Tu peux parler à ton rythme.
Un silence passa, et Mathis se lança doucement :
— J’ai trouvé ce site… enfin, un blog… je ne sais pas trop ce que c’est… mais ça m’a semblé… étrange. Je voulais savoir si… tu savais quelque chose à ce sujet.
Elior souffla, comme hésitant, puis murmura :
— Ce… site… oui… je connais… en quelque sorte. Mais je… je ne voulais pas en parler avant. C’est… compliqué.
— Si tu veux, tu peux me raconter… juste ce que tu veux partager, dit Mathis, essayant de ne pas le brusquer.
Elior resta silencieux quelques secondes, puis ses mots sortirent doucement :
— C’est… lié à ma religion… murmura-t-il. Ce que j’ai… ce que j’apprends… ce n’est pas facile à expliquer. Les cercles, les prières… certains rituels… c’est pour… purifier… je… je ne sais pas comment le dire clairement… mais… ça existe vraiment, et je fais partie de quelque chose qui a ses règles…
Mathis sentit un mélange de surprise et de curiosité. Il ne s’attendait pas à ça. Elior venait de lui révéler un aspect de sa vie dont il n’avait absolument pas conscience.
— Merci de me le dire… murmura Mathis doucement. Tu n’as pas à tout expliquer, juste ce que tu veux partager.
— Oui… souffla Elior. C’est… étrange de parler de ça… à quelqu’un que je connais à peine… mais… je sens que je peux… te dire quelques choses…
Mathis se contenta d’acquiescer mentalement, respectant le rythme du garçon. Il savait qu’il fallait du temps pour gagner la confiance d’Elior.
— Il y a des moments… dit Elior, sa voix tremblante mais calme, où je dois suivre les règles… et parfois… parfois je ne comprends pas. Je ne sais pas pourquoi certains choix sont faits… mais il faut… obéir… sinon… les conséquences sont… sévères.
— Je comprends… répondit Mathis doucement. Merci de me le confier. Tu n’es pas seul. Même si je ne peux pas tout comprendre, je suis là pour t’écouter.
Un long silence s’installa. La respiration de Mathis se calait sur le rythme régulier de la nuit, le vent qui frappait doucement contre sa fenêtre. Puis, pour détendre un peu l’atmosphère, il changea de sujet :
— Et… tu as déjà voyagé ? demandant-il avec curiosité.
— Non… murmura Elior. Je n’ai jamais vraiment quitté… je n’ai jamais fait de vrais voyages… Je lis des livres, parfois… mais voir le monde… je ne sais pas…
— Ah… vraiment ? s’étonna Mathis. Tu aimerais voir d’autres endroits ?
— Oui… murmura Elior. Mais… je ne sais pas comment c’est… ou ce que je pourrais y trouver.
Mathis sourit intérieurement. C’était une occasion de partager quelque chose de lumineux, de réel.
— Eh bien… je suis allé aux Pays-Bas une fois, dit-il. C’est un pays assez plat, avec beaucoup de canaux et de moulins à vent. Les villes sont colorées, les gens aiment le vélo, et partout il y a des petits cafés et des librairies. J’ai visité Amsterdam, et c’était incroyable : les rues pavées, les maisons étroites qui se penchent légèrement en avant… on pourrait passer des heures à les observer.
Elior émit un souffle, comme fasciné malgré lui.
— Ça… ça a l’air… magnifique… murmura-t-il. J’aurais aimé voir ça…
— Oui, c’est très beau, répondit Mathis. Et il y a beaucoup de musées aussi, avec des peintures célèbres… des œuvres de Rembrandt, Van Gogh… les couleurs sont très vives, les détails incroyables… On pourrait passer la journée entière rien qu’à regarder chaque tableau.
— Je… murmura Elior. J’aimerais… voir ça un jour…
— Tu peux rêver, répondit Mathis doucement. Et je pourrai te raconter, te montrer des photos… ça compte un peu, même si ce n’est pas pareil que d’y aller toi-même.
— Merci… murmura Elior. C’est gentil… tu es… différent des autres…
Un léger sourire monta sur les lèvres de Mathis. C’était un pas vers la confiance, un pont fragile qu’Elior commençait à construire.
— Et toi ? demanda Mathis doucement. Quand tu n’étais pas ici, qu’est-ce que tu aimais faire ?
— Lire… murmura Elior. Et observer… réfléchir… beaucoup… Mais je ne parle pas beaucoup aux autres. C’est… plus sûr… comme ça…
— Je comprends… répondit Mathis. Parfois, c’est plus simple de rester en retrait. Mais tu n’as pas à rester seul. Même si tu parles juste un peu, ça aide.
Elior soupira doucement, comme soulagé de pouvoir partager.
— Oui… merci… murmura-t-il. Je… je me sens… un peu mieux… à parler comme ça.
Leurs voix prenaient un rythme plus détendu, les échanges devenaient naturels. Mathis racontait ses anecdotes de voyages, les lieux qu’il avait visités, et Elior écoutait, murmurant parfois des réactions ou des questions timides.
— Et les moulins à vent… c’est vrai qu’ils tournent avec le vent ? demanda-t-il.
— Oui, exactement, répondit Mathis. Et parfois, tu peux entendre le bruit des pales dans le vent… c’est un son très apaisant.
— J’aimerais… entendre ça un jour… murmura Elior.
— Peut-être que tu pourras… un jour… dit Mathis doucement. Pour l’instant, tu peux imaginer. Et je pourrai continuer à te raconter des choses si tu veux.
— Oui… murmura Elior. J’aimerais ça…
Un silence confortable s’installa. Ni l’un ni l’autre ne se sentait obligé de remplir chaque instant par des mots. C’était suffisant de simplement parler, de partager un espace de confiance à travers le combiné.
— Je suis content… murmura Elior. De parler à quelqu’un comme toi… je ne sais pas pourquoi… mais c’est… rassurant.
— Moi aussi, répondit Mathis. Et je suis content que tu m’aies laissé parler de tes voyages… et de tes rêves.
Elior soupira doucement, comme si un poids venait de s’alléger un peu.
— Merci… murmura-t-il. Je vais essayer… de ne pas rester enfermé dans ma vie comme avant… de voir un peu plus…
Mathis sentit un mélange de soulagement et d’inquiétude. Elior restait mystérieux, mais c’était un premier pas.
— On peut continuer à parler demain, si tu veux, proposa Mathis. Et tu pourras me poser des questions sur ce que tu veux, je te raconterai.
— Oui… murmura Elior. J’aimerais… continuer…
Après quelques échanges supplémentaires, ils raccrochèrent. Mathis resta un moment assis, le téléphone à la main, repensant à la conversation. C’était un lien fragile mais réel, un début de confiance qui, il le sentait, pourrait changer beaucoup de choses.
Quelques minutes plus tard, son téléphone vibra. Un message d’Elior :
"Merci encore… je n’ai jamais parlé comme ça à personne."
Mathis sourit, son cœur battant un peu plus vite. Il répondit :
"C’est normal… tu peux me parler quand tu veux. On est là pour ça."
Les SMS continuèrent, courts mais réguliers, permettant à Elior de partager ses impressions, ses pensées et ses questions. Chaque message renforçait le lien, créait une complicité silencieuse et un espace sûr pour Elior.
— Il commence à s’ouvrir… murmura Mathis en relisant le fil de discussion. C’est peu, mais c’est important…
Et dans le silence de sa chambre, entre les notes sur les disparitions et les observations sur la ville, Mathis sentit pour la première fois une lueur d’espoir : peut-être qu’Elior pourrait trouver un peu de lumière, un peu de confiance… et peut-être qu’ensemble, ils pourraient comprendre ce qui se passait réellement autour d’eux.

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