Chapitre 18
De retour chez lui après sa rencontre avec Elior, Mathis était encore plongé dans ses pensées. La chaleur du chocolat et l’air frais du dehors semblaient déjà loin, remplacés par un mélange de souvenirs de l’après-midi et d’inquiétude pour Elior. Il ne remarqua pas tout de suite sa mère, qui l’attendait dans le salon, un sourire doux mais curieux sur le visage.
"Alors… est-ce que tu as parlé à ton… amoureux ?", demanda-t-elle d’un ton léger, mais malicieusement curieux.
Mathis sentit ses joues s’enflammer instantanément, jusqu’aux oreilles. Il bafouilla, incapable de répondre immédiatement.
Clara et Julien, qui étaient là pour un café improvisé, éclatèrent de rire en voyant la réaction de Mathis. Comme si un déclic se faisait dans leur tête, leurs neurones semblèrent se connecter soudainement, et la tension de la journée s’allégea un peu.
"Allez, raconte ! Qui c’est ? Comment il est ?", demanda Clara, ses yeux pétillants de curiosité.
Mathis tenta de répondre, mais Clara fit un geste rapide et vola son téléphone de ses mains avant qu’il puisse réagir.
"Elior… bah tiens ! J’en étais sûre !" s’exclama-t-elle avec un sourire malicieux. "Julien, tu me dois encore mes dix euros pour le pari !"
Mathis resta abasourdi quelques secondes, le rouge lui montant encore aux joues. Ses amis avaient parié sur quoi exactement ? Sur le fait qu’il parlerait à Elior ? Il ne sut pas comment réagir. Puis, petit à petit, un rire sincère monta en lui, le premier depuis presque deux semaines. Ce rire lui fit un bien fou, comme si un poids invisible venait de se lever.
Clara, toujours malicieuse, lui tapota l’épaule en souriant :
"T’inquiète pas, on va t’aider à séduire Elior. On te donnera des conseils, tu verras !"
Mathis tenta de protester, ses joues toujours brûlantes :
"Non, non… je… je peux gérer, vraiment !"
Mais Clara secoua la tête, implacable :
"Pas de négociations ! On ne te laisse pas seul là-dedans. Allez, un peu de fun, ça te fera du bien !"
Mathis soupira, résigné, mais un sourire franc s’étira sur son visage. Pour la première fois depuis des jours, il sentit un peu de normalité revenir. La peur et l’inquiétude pour Elior étaient toujours là, mais elles étaient tempérées par l’amitié, l’humour et cette petite complicité qui venait de renaître.
Clara, toujours avec son téléphone à la main, fit défiler les messages, et Mathis sentit une chaleur réconfortante l’envahir. Julien le regarda avec un sourire complice, et Mathis sut que, malgré tout, il n’était pas seul. Et peut-être, juste peut-être, cette légèreté lui donnerait la force d’affronter ce qui l’attendait, avec Elior, les disparitions et les mystères qui pesaient sur leur ville.
Le soir s’étira, rempli de rires étouffés et de petites discussions sur tout et rien. Mathis sentit qu’il pouvait enfin respirer un peu, même si dans un coin de son esprit, il savait que l’inquiétude pour Elior et les disparitions n’étaient jamais loin.
Mathis avait à peine fini de se glisser dans la douche que Clara et Julien échangèrent un regard complice. L’air de la maison était chargé de légèreté et d’excitation. Sans perdre une seconde, Clara attrapa le téléphone de Mathis laissé sur la table basse et commença à taper des messages à sa place. Julien surveillait, riant sous cape à chaque mot qu’elle envoyait.
"Il va vraiment nous détester si on fait ça…" murmura Julien, amusé mais légèrement inquiet.
"Pas du tout !" répliqua Clara, les yeux brillants de malice. "Au contraire… on va juste mettre un peu d’action. Il ne sait pas à quoi il s’attend."
Quelques minutes plus tard, Mathis sortit de la salle de bain, les cheveux encore mouillés, enveloppé dans sa serviette. Il s’apprêtait à récupérer son téléphone… et s’arrêta net. L’écran affichait une série de notifications de messages. Son cœur fit un bond.
Il prit son téléphone, le regard tremblant, et commença à lire.
Le premier message :
"Salut… euh… merci pour ce que tu m’as dis, c’est… gentil…"
Mathis sentit ses joues chauffer instantanément, son cœur battre à toute allure. Il parcourut la suite :
"J’ai trouvé ça agréable… de parler avec toi… même si c’est nouveau pour moi…"
Puis, un autre message apparut :
"Je… je ne suis pas sûr de ce que je ressens… mais être près de toi… ça me fait quelque chose… je n’ai jamais ressenti ça avant…"
Mathis devint littéralement une écrevisse sur place, ses jambes tremblantes, le téléphone presque brûlant dans ses mains. Il avait les yeux écarquillés, incapable de croire ce qu’il lisait. Clara et Julien éclatèrent de rire, incapables de contenir leur joie, mais rapidement, voyant la réaction de Mathis, se calmèrent un peu.
Puis un dernier message :
"Si tu veux… on pourrait se revoir… au musée du coin… un vrai rendez-vous… juste toi et moi…"
Mathis sentit le monde tourner autour de lui. Ses jambes ne le portaient plus très bien ; il fit les cents pas dans le salon, incapable de s’arrêter, la tête pleine de pensées contradictoires. Était-ce vraiment réel ? Et si Elior regrettait ? Et s’il s’était mal exprimé ?
Clara posa une main sur son épaule :
"Respire… ça va bien se passer. Tu as déjà parlé avec lui… et il a proposé lui-même le rendez-vous !"
Julien hocha la tête :
"Exact. Et puis… arrête de te torturer. On est là, tu n’es pas seul."
Mathis s’arrêta un instant, inspira profondément, et un sourire se dessina enfin sur ses lèvres. Les joues encore rouges, il murmura presque pour lui-même :
"Je… je suis heureux…"
Clara et Julien échangèrent un regard complice et souriant. Pour la première fois depuis des semaines, Mathis semblait léger, presque libéré, comme si un poids invisible venait de se détacher de ses épaules. La tension, les inquiétudes, la peur pour Elior, tout cela était toujours là, mais pour la première fois, il sentait qu’il pouvait partager quelque chose de beau, de fragile et de réel.
Il se laissa tomber sur le canapé, le téléphone toujours serré dans sa main, relisant les messages encore et encore, un sourire béat sur le visage. Clara et Julien, malgré leur espièglerie, savaient qu’ils avaient aidé leur ami à franchir un pas immense : le premier vrai lien avec Elior, loin de l’angoisse et du mystère, mais plein de promesses.
La soirée continua, mais cette fois avec un nouvel air de légèreté. Mathis sentait que quelque chose de précieux venait de naître, et malgré les dangers, les disparitions et les secrets qui pesaient sur Elior, il avait trouvé un moment de normalité et de bonheur. Et pour la première fois depuis longtemps, il pouvait respirer et sourire… vraiment sourire.
Le lendemain matin, Mathis se réveilla avec un mélange d’excitation et de nervosité. Le soleil filtrait à travers les rideaux, illuminant sa chambre d’une lumière douce et chaleureuse. Son téléphone reposait à côté de lui sur la table de chevet, et les messages d’Elior étaient toujours là, comme une promesse silencieuse de la journée à venir. Il prit une grande inspiration, tentant de calmer son cœur qui battait à toute allure.
Il descendit lentement les escaliers, sentant le parquet froid sous ses pieds. Sa mère était déjà en cuisine, préparant le petit-déjeuner, et le parfum du café et des tartines chaudes emplit la maison. Elle jeta un coup d’œil à son fils et lui sourit :
"Alors, tu es prêt pour ton rendez-vous ?" demanda-t-elle, d’un ton qui oscillait entre amusement et curiosité maternelle.
Mathis sentit ses joues rougir, mais il hocha la tête avec un léger sourire.
"Oui… je crois…" répondit-il, essayant de paraître détendu.
Après un petit-déjeuner rapide, il remonta dans sa chambre. Chaque geste semblait peser lourdement sur ses épaules, mais son excitation rendait ses mouvements nerveusement rapides. Il choisit soigneusement ses vêtements : un jean confortable, un pull légèrement ample, et ses baskets préférées. Il passa plusieurs minutes à ajuster sa coiffure, même si, en réalité, Elior ne remarquait probablement pas ces détails. Pourtant, pour Mathis, chaque geste était un rituel, un moyen de se rassurer et de se préparer mentalement.
Alors qu’il vérifiait une dernière fois son téléphone, Clara et Julien envoyèrent quelques messages d’encouragement. Clara écrivit avec enthousiasme :
"Tu vas gérer, Mathis ! Rappelle-toi juste de respirer et d’être toi-même !"
Julien ajouta :
"Et si tu oublies tout, pense juste à tous les bons moments que tu as passés avec lui hier. Ça ira !"
Mathis sourit, sentant une chaleur agréable se répandre dans sa poitrine. Il rangea son téléphone dans sa poche et sortit de chez lui. L’air frais du matin le fit frissonner légèrement, mais il se concentra sur son objectif : retrouver Elior au musée.
En arrivant au musée, Mathis aperçut Elior près de l’entrée, debout, les mains dans les poches de son manteau, regardant les passants avec un mélange de curiosité et de méfiance. Mathis sentit son cœur se serrer. Il n’avait jamais vu Elior aussi proche, dans un cadre aussi ouvert et public. Le jeune garçon semblait fragile, presque vulnérable, et cette impression fit monter en lui un élan protecteur.
"Salut… Elior," dit-il doucement en s’approchant.
Elior leva les yeux, un léger sourire sur les lèvres, et hocha la tête :
"Salut… je… je suis content que tu sois venu."
Ils entrèrent dans le musée, et Mathis se sentit immédiatement fasciné par l’atmosphère. L’air était chargé de l’odeur des vieilles pierres et des peintures, et les pas résonnaient doucement sur le sol de marbre. Chaque salle semblait raconter une histoire, et les yeux d’Elior s’illuminèrent légèrement devant certaines œuvres.
"Tu aimes ça ?", demanda Mathis, essayant de briser le silence tout en observant les réactions d’Elior.
"Oui… c’est… intéressant… je n’ai jamais vu de choses comme ça," murmura Elior, la voix presque inaudible, comme s’il pesait chaque mot.
Mathis sourit et commença à lui expliquer certaines œuvres, décrivant les détails, les couleurs, les histoires derrière chaque tableau et sculpture. Il parlait avec passion, et peu à peu, Elior semblait se détendre, suivant ses explications avec attention. Leurs pas résonnaient dans les couloirs silencieux, et pour un moment, tout semblait normal.
Pourtant, Mathis ne pouvait s’empêcher de remarquer certains détails inquiétants : Elior évitait certaines salles, baissait le regard à la vue de certaines sculptures représentant des scènes de souffrance, et semblait parfois distant, perdu dans ses pensées. Une ombre invisible semblait peser sur lui, et Mathis sentit une inquiétude sourde, rappelant les disparitions récentes et les mystères qui entouraient la vie d’Elior.
Ils s’arrêtèrent devant une grande peinture représentant une scène de marché médiéval. Mathis décrivit les personnages, les couleurs vives, les détails des costumes et des étals. Elior écoutait attentivement, mais ses doigts tremblaient légèrement, et son regard se perdit un instant sur le sol.
"Ça va… ?", demanda Mathis doucement.
Elior secoua la tête, mais il murmura :
"Oui… juste… étrange… tout ça."
Ils continuèrent à parcourir les salles, échangeant des remarques sur ce qu’ils voyaient. Mathis s’efforçait de garder la conversation légère, parlant de leurs passions, des livres qu’ils lisaient, de la musique qu’ils aimaient. Il voulait que ce moment soit un refuge pour Elior, un espace où il pouvait être lui-même, loin des secrets, des peurs et des obligations qui pesaient sur sa vie quotidienne.
Après une heure de visites, ils s’installèrent sur un banc près de la grande verrière donnant sur la cour intérieure du musée. Le soleil brillait, projetant des motifs lumineux sur le sol, et Mathis sentit une vague de calme l’envahir.
"Tu sais… je… je n’ai jamais vraiment voyagé…" avoua Elior, la voix presque inaudible.
"Vraiment ? Mais tu pourrais… un jour… découvrir plein de choses," répondit Mathis avec enthousiasme. "J’ai visité les Pays-Bas l’année dernière… c’était incroyable. Les canaux, les vélos partout, les marchés… tout est si vivant. Tu aurais adoré voir ça."
Elior hocha la tête, un léger sourire aux lèvres :
"Oui… j’aimerais… vraiment."
Le temps passa vite, et bientôt, il fut l’heure de se quitter. Mathis sentit un mélange de satisfaction et d’inquiétude. Il savait que ce rendez-vous avait été un pas énorme pour Elior, mais il pressentait aussi que les dangers et les secrets qui pesaient sur lui n’étaient jamais loin.
Avant de se séparer, Elior murmura quelque chose de presque inaudible :
"Merci… pour aujourd’hui… c’était… différent."
Mathis hocha la tête, un sourire doux sur le visage :
"C’est moi qui te remercie… pour me faire confiance."
Ils se séparèrent devant l’entrée du musée, et Mathis rentra chez lui le cœur léger, mais la tête pleine de questions. Il savait qu’il devait rester vigilant pour Elior, que chaque moment de normalité était fragile, mais pour la première fois depuis longtemps, il sentit une étincelle d’espoir.
Une fois rentré, il s’installa dans sa chambre et reprit son téléphone. Les messages d’Elior étaient déjà là, et il les relut avec attention. Elior partageait ses impressions sur le musée, ses émotions face aux œuvres, et timidement, il commença à poser des questions à Mathis sur sa vie, ses passions et ses voyages.
"Merci encore… pour hier… c’était… agréable," écrivait Elior dans l’un de ses messages.
Mathis répondit, prenant soin de rester naturel et encourageant, tout en laissant Elior s’exprimer à son rythme. Petit à petit, leur conversation se fit plus fluide, plus légère. Ils parlaient de livres, de musique, de dessins, et des petites choses du quotidien. Elior posait des questions simples, mais profondes, et Mathis sentait qu’il apprenait à connaître le vrai Elior, au-delà des mystères et des secrets.
La journée se termina sur une note douce et apaisante. Mathis se coucha le soir avec un sentiment de sérénité mêlé à l’excitation. Il savait que ce lien naissant avec Elior était fragile, mais précieux. Et pour la première fois depuis des semaines, il se sentit capable de sourire sans culpabilité, de rêver sans peur, et de croire que, malgré les dangers et les disparitions qui pesaient sur eux, une petite lumière pouvait exister dans leur monde.
Ils arrivaient à la fin de leur visite dans la dernière salle du musée. La lumière du soleil déclinant filtrait à travers les grandes fenêtres, projetant des reflets dorés sur le sol de marbre. Mathis sentait son cœur battre un peu plus vite, conscient que ce moment partagé avec Elior était différent de tout ce qu’il avait connu.
Elior s’arrêta soudain, sortant de sa poche une petite boîte qu’il avait soigneusement cachée jusque-là. Il la tendit à Mathis avec une hésitation visible.
"C… c’est pour toi…", murmura Elior, presque timide, ses doigts tremblants.
Mathis ouvrit la boîte et découvrit un petit pendentif, délicatement travaillé, représentant un symbole que Mathis ne connaissait pas. Il leva les yeux vers Elior, surpris et touché par ce geste.
"C’est… magnifique…", souffla-t-il, sentant une chaleur agréable se répandre dans sa poitrine.
Elior fit un petit sourire, et dans un élan de courage, il prit la main de Mathis, la tenant un instant plus long que nécessaire. Le contact fit frissonner Mathis, et il sentit ses joues s’enflammer. Lorsqu’Elior relâcha sa main, il baissa le regard vers ses pieds, rougissant, comme s’il venait de se révéler d’une manière trop intime pour lui.
"Je… je voulais juste… te montrer que… tu comptes pour moi," murmura Elior, presque pour lui-même, la voix tremblante mais sincère.
Mathis, encore sous le choc de ce geste et de la proximité, sentit un mélange de tendresse et de protection envers Elior. Il ne dit rien immédiatement, se contentant de garder le pendentif dans sa main, le serrant doucement, comme pour en garder la chaleur et la signification.
Le silence entre eux n’était pas gênant. Au contraire, il semblait chargé de quelque chose de fragile mais précieux. Le simple fait de se tenir là, ensemble, avec ce petit échange, faisait naître une complicité qu’aucun mot n’aurait pu exprimer pleinement.
"Merci… vraiment," finit par dire Mathis, la voix douce, presque étranglée par l’émotion.
Elior leva à peine les yeux, un léger sourire flottant sur ses lèvres, et hocha timidement la tête.
Ils quittèrent le musée quelques instants plus tard, marchant côte à côte, le pendentif autour du cou de Mathis. Même si leurs pas étaient légers, Mathis ne pouvait s’empêcher de repenser au contact des doigts d’Elior, à sa timidité, à ce rouge qui colorait ses joues. Chaque détail de ce moment semblait gravé dans sa mémoire.
Alors qu’ils atteignaient l’entrée du musée, Elior murmura à nouveau, presque inaudible :
"Je… je suis content que tu sois venu aujourd’hui…"
"Moi aussi… Elior… moi aussi," répondit Mathis, un sourire sincère illuminant son visage.
Le chemin du retour fut silencieux mais confortable. Mathis sentait que quelque chose venait de changer entre eux, que la barrière invisible qui séparait leurs mondes avait été légèrement levée. Il savait que de nombreux obstacles restaient à franchir, que les secrets et les dangers qui entouraient Elior ne disparaîtraient pas, mais pour la première fois depuis longtemps, il sentit que leur lien était réel, tangible, et surtout prometteur.

Annotations
Versions