Chapitre 21

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Le lycée était plongé dans un silence lourd ce matin-là. La nouvelle de la disparition de Tim, un camarade de classe et ami proche de Tharah et Julien, circulait déjà dans les couloirs. Les visages des élèves reflétaient une inquiétude palpable, certains murmurant, d’autres fixant le sol, incapables de comprendre ce qui avait pu se passer.

Mathis se tenait contre un mur près de la cour, le regard fixé sur le vide. Il sentait un mélange de colère et de culpabilité le traverser. Il aurait peut-être dû remarquer quelque chose, intervenir, empêcher que cela arrive. Mais tout était arrivé trop vite. Il savait qu’Elior, pour sa part, était déjà sous un poids invisible depuis longtemps, et cette nouvelle disparue n’allait pas l’aider.

Le groupe d’amis de Mathis, Julien et Tharah, passaient de longues minutes à discuter à voix basse, se reprochant de n’avoir rien fait pour protéger Tim. Tharah avait les yeux rouges, serrant la main de Julien comme pour se rassurer. « On aurait dû… on aurait vraiment dû… » murmurait-elle, la voix brisée.

Mathis sentit son téléphone vibrer. Un message d’Elior : « Je peux te voir aujourd’hui ? » Son cœur se serra. Il prit une décision. Il allait le retrouver, être là pour lui, même si le monde autour s’effondrait.

Mathis avait préparé le déjeuner chez lui et attendait Elior sur la petite table de la cuisine. Quand Elior arriva, il était légèrement pâle, le poignet toujours bandé, mais il hocha la tête en guise de salutation.

« Viens t’asseoir… je… j’ai préparé quelque chose pour toi, tu dois manger un peu, ok ? » dit Mathis avec douceur.

Elior s’assit lentement, la tête basse. Mathis posa une assiette devant lui et remarqua immédiatement la lenteur avec laquelle il prenait chaque bouchée. Il semblait presque honteux de se nourrir, comme si ce simple geste était un fardeau.

Mathis posa sa main sur celle d’Elior, doucement mais fermement. « Tout va bien aller… je suis là, Elior. Je serai toujours là… tu n’as pas à avoir honte. »

Elior leva les yeux, un léger éclat d’émotion traversant son regard, mais il ne parla pas. Il continuait de manger lentement, mais le geste de Mathis semblait le rassurer, lui offrir un appui silencieux.

Pendant le repas, Mathis sentit que c’était le bon moment pour aborder la disparition de Tim. « Tu… tu as entendu pour Tim… ? » demanda-t-il, la voix à peine audible.

Elior hocha la tête, silencieux quelques secondes. Puis, d’une voix basse, il murmura : « Je… je le connaissais un peu… ce n’est pas le premier… il y en a d’autres… trop… »

Mathis fronça les sourcils. Cette fois, il vit une fissure dans la façade détachée d’Elior, quelque chose de profondément humain et fragile. « D’autres… ? Elior… tu peux me parler… je veux comprendre… »

Elior prit une profonde inspiration. « Mes… proches… ils… nous imposent… des règles… une religion… c’est… c’est dur à expliquer… pas exactement ce que tu imagines… »

Mathis sentit son estomac se nouer. La peur qu’il ressentait pour Elior se mêlait à un désir intense de le protéger. « Elior… tu peux venir chez moi. Je veux que tu sois en sécurité… loin de tout ça… au moins pour un moment. »

Le garçon baissa les yeux, hésitant. « Je… je dois en parler à… « père ». Il y a un… devoir obligatoire… je dois voir s’il accepte… »

Mathis sentit la frustration monter, mais il comprit. Elior ne pouvait pas simplement quitter son environnement, pas encore. « D’accord… on fera comme tu peux… mais je serai là… chaque fois que tu auras besoin… » murmura-t-il, en serrant légèrement sa main.

Le soleil commençait à disparaître derrière les immeubles quand Mathis et Elior quittèrent le parc. L’air du soir était doux, chargé d’un mélange de senteurs de terre humide et de fleurs tardives. Les arbres de la petite allée frissonnaient sous la brise, et les derniers rayons projetaient des ombres longues et vacillantes sur le sol. Mathis sentit son cœur battre un peu plus vite alors qu’il marchait aux côtés d’Elior, leurs mains se frôlant timidement.

« Elior… » murmura-t-il, presque hésitant. Il tourna légèrement la tête, et leurs yeux se croisèrent. Le jeune garçon, toujours un peu détaché, esquissa un léger sourire, qui fit rougir Mathis.

Sans réfléchir, Mathis attrapa doucement la main d’Elior et la serra avec assurance. Puis, dans un geste à la fois délicat et presque cérémonieux, il porta sa main à ses lèvres et y déposa un baiser. « Je te promets… » souffla-t-il, « que cette semaine sera la meilleure de ta vie. »

Elior écarquilla légèrement les yeux, ses joues prenant une teinte rosée. Le silence qui suivit n’était ni gênant ni pesant, mais chargé d’une complicité nouvelle, fragile mais sincère. Mathis sentit qu’il venait de franchir un petit pas, un geste simple mais lourd de sens, et il sourit, partageant l’instant avec lui.

« Tu… tu as dit la meilleure semaine… » balbutia Elior, la voix basse, presque un souffle.

Mathis hocha la tête, le cœur battant : « Oui. Et j’ai même une petite surprise pour toi… pour fêter le début des vacances scolaires. Tu vas voir, ça va être sympa. »

Elior sourit davantage, cette fois sans retenue, et pour la première fois depuis longtemps, il semblait presque léger, comme si un poids invisible avait été soulevé de ses épaules. « Tu… tu as toujours des surprises… » murmura-t-il, d’un ton à la fois amusé et incertain.

Alors qu’ils approchaient de l’immeuble de Mathis, le garçon se figea un instant. « Euh… tu sais… je n’ai pas de chambre d’amis… » admit-il avec un petit rire nerveux, se grattant l’arrière de la tête.

Elior haussa les épaules et ricana doucement : « Ce n’est pas grave… je… je suis sûr que ça ira… »

Mathis se sentit rougir de plus belle. « Ok… mais je te préviens… je vais m’occuper de tout pour que tu sois à l’aise. »

En entrant dans l’appartement, une atmosphère familière et chaleureuse les enveloppa. La lumière douce des lampes baignait le salon dans une teinte ambrée. Les murs étaient ornés de quelques affiches de films et de photos de voyages que Mathis avait faites avec sa famille, et les étagères croulaient sous les livres, les vinyles et quelques souvenirs. L’endroit respirait la vie simple et rassurante.

« Tu vois… ce n’est pas très grand… mais c’est chez moi… » dit Mathis en laissant échapper un petit rire.

Elior regarda autour de lui, ses yeux s’attardant sur les détails, observant les livres, les posters, les petites plantes sur le rebord de la fenêtre. Un sentiment d’émerveillement tranquille passa dans son regard. « C’est… sympa… » souffla-t-il.

Mathis le guida vers le salon et l’invita à s’asseoir sur le canapé. Il sentit l’occasion parfaite de renforcer le lien naissant. « Alors… avant de te montrer la surprise, tu dois te reposer un peu. Cette semaine, on va faire plein de choses… mais pas trop vite… »

Elior acquiesça doucement, posant sa main sur celle de Mathis. Le contact, simple mais chargé de chaleur et de sécurité, semblait renforcer leur complicité. Mathis sentit le poids de la semaine à venir, de la protection qu’il voulait offrir, mais aussi de la confiance qu’Elior commençait à lui accorder.

« Tu sais… je… je suis content que tu sois là… » murmura Elior, presque pour lui-même.

Mathis sentit un frisson parcourir son échine. « Et je suis content que tu sois là aussi. On va passer un super moment… ensemble. »

Il se leva pour aller préparer une boisson chaude, tandis qu’Elior regardait autour de lui, visiblement impressionné par la simplicité et la chaleur de l’appartement. Mathis revint avec deux mugs, posant l’un devant lui et tendant l’autre à Elior. « À nous… » dit-il en levant légèrement son mug.

Elior imita le geste, et leur toast silencieux marqua le début officiel de cette semaine. Les premières minutes se passèrent dans une conversation légère, ponctuée de sourires timides et de regards échangés, la tension et les inquiétudes de la journée semblant s’effacer peu à peu.

Mathis, pour détendre l’atmosphère, parla de petites anecdotes de l’école, de Tharah et Julien, et même de quelques mésaventures avec ses propres amis. Elior écoutait, parfois riant doucement, parfois seulement hochant la tête, mais toujours attentif.

Puis, Mathis sortit un petit carnet de son sac. « Voilà… la surprise… rien de spectaculaire… mais je me suis dit que tu pourrais noter les choses qu’on va faire cette semaine. Les endroits qu’on veut visiter… ou juste les moments qu’on veut garder pour nous. »

Elior prit le carnet, le feuilletant avec curiosité. « C’est… bien… merci… » dit-il, un sourire sincère cette fois sur ses lèvres.

Mathis s’assit à côté de lui, posant sa main sur celle d’Elior une nouvelle fois. « Et tu sais… si jamais quelque chose te fait peur… tu peux me le dire. Je ne jugerai jamais… je veux juste que tu sois en sécurité… et heureux, même un petit peu. »

Elior leva les yeux vers lui, le regard brillant. « Merci… je… je n’ai jamais eu… ça… » murmura-t-il.

Mathis sentit un mélange de fierté et de tendresse l’envahir. Cette semaine ne serait peut-être pas simple, mais il savait que ce moment marquait un vrai tournant pour eux deux. Il serra légèrement la main d’Elior, un geste protecteur mais aussi affectueux.

Alors que la lumière de la soirée baignait encore le salon, Mathis se leva pour fermer doucement les rideaux, laissant la pièce dans une semi-obscurité rassurante. Il sentit Elior se rapprocher un peu, presque instinctivement, et il comprit que ce lien fragile mais puissant qu’ils commençaient à tisser allait être leur force pour les jours à venir.

Et avant que la nuit ne tombe complètement, Mathis murmura : « Demain… on commence l’aventure… »

Elior, les joues légèrement rosies, hocha la tête. « Oui… »

Un silence confortable suivit, et pour la première fois depuis longtemps, Mathis sentit que tout pouvait aller, que même au milieu de la peur et des menaces qui pesaient sur Elior, il y avait ce petit îlot de normalité, de chaleur et de complicité.

Le crépuscule avait laissé place à une nuit douce, parsemée de lumières timides des lampadaires et de l’éclat doré d’une lune presque pleine. Mathis et Elior s’étaient installés dans le petit salon, et après quelques discussions légères et rires timides, ils avaient fini par se diriger vers la chambre, le cœur chargé d’une nervosité agréable.

Mathis posa son sac sur le sol et s’assit sur le bord du lit, prenant un moment pour observer Elior. Il se disait qu’il fallait y aller doucement. Elior ne connaissait presque rien aux relations entre hommes, et ce n’était pas le moment de précipiter quoi que ce soit. Pourtant, il sentait la chaleur de sa présence, la fragilité et la confiance qu’Elior semblait lui offrir.

« Tu… tu veux t’asseoir ? » demanda Mathis d’une voix douce.

Elior hocha la tête, mais au lieu de s’asseoir, il s’approcha et se colla doucement contre lui, comme un geste instinctif de proximité. Mathis sentit son cœur s’emballer, les battements résonnant dans sa poitrine. Puis, dans un murmure presque imperceptible, Elior posa ses lèvres sur sa nuque et y souffla quelques mots doux.

Mathis eut l’impression que son corps se déconnectait un instant de la réalité. Était-ce un rêve ? Il sentit les doigts d’Elior effleurer son bras, une caresse tendre qui fit frissonner chaque parcelle de sa peau. La main de Mathis s’arqua instinctivement pour soutenir Elior, mais il resta immobile, appréciant la délicatesse du geste.

« Mathis… » murmura Elior, la voix tremblante mais pleine de sincérité. « Je… je… »

Mathis tourna légèrement la tête pour croiser son regard. Les yeux d’Elior brillaient dans la pénombre, mélange de curiosité, d’appréhension et d’affection.

La main d’Elior se déplaça lentement sur son bras, traçant de petits cercles, et Mathis sentit un mélange de chaleur et de vertige. Il inspira profondément, essayant de garder son calme, de ne pas précipiter les choses. Puis Elior s’arrêta, le fixa intensément et demanda, presque avec une pointe d’angoisse :

« Tu… tu crois que je me suis trompé… dans ce que j’ai compris ? »

Mathis éclata soudainement de rire, un rire léger, libérateur. « Non, Elior… t’as juste à être toi-même. On a le temps. Il n’y a aucune urgence. »

Elior le regarda, les yeux ronds, cherchant peut-être à capter un indice de vérité dans le sourire de Mathis. Puis, dans un souffle presque inaudible mais chargé de sincérité, il lâcha :

« Je… je suis amoureux de toi. »

Un silence se fit, lourd et tendre à la fois. Mathis sentit son cœur exploser dans sa poitrine. Le monde extérieur semblait s’effacer, laissant place uniquement à cet instant suspendu, où la peur, la joie et la tendresse se mêlaient. Il rapprocha doucement Elior de lui, le serra avec précaution mais fermeté, et murmura :

« Moi aussi… je crois… »

Elior sourit, un sourire timide mais lumineux, et se blottit contre lui. Les mains se cherchaient encore, les doigts s’entrelacèrent, et Mathis sentit une chaleur rassurante l’envahir. Il se répéta silencieusement qu’ils avaient le temps, que chaque geste devait être guidé par la confiance et le respect, mais en même temps, il savourait chaque seconde de cette proximité.

Les minutes passèrent, ponctuées de mots doux, de chuchotements et de légères caresses. Mathis sentait le souffle d’Elior contre sa peau, le parfum subtil de son shampoing, et chaque frôlement semblait graver un souvenir dans son esprit. Il savait que ce moment resterait à jamais gravé, un tournant dans leur relation.

Elior, quant à lui, semblait se libérer petit à petit. Ses mains tremblaient légèrement au début, mais il osait désormais plus de contact, posait sa tête sur l’épaule de Mathis et lui murmurait des confidences, des impressions sur sa journée, sur ses émotions. Il parlait avec une candeur qui toucha profondément Mathis, et qui rendait l’instant encore plus précieux.

Finalement, après de longs instants à se tenir l’un contre l’autre, à partager des mots doux et des sourires, Elior se recula légèrement, les joues encore rouges, et murmura :

« Je… je veux rester avec toi… même si… je ne comprends pas tout… encore… »

Mathis lui caressa doucement la joue. « Tu n’as rien à comprendre tout de suite. Il suffit d’être ensemble. On apprendra à avancer à notre rythme… »

Elior sourit, laissant échapper un léger rire nerveux, et se laissa retomber contre le torse de Mathis. Les deux restèrent ainsi, immobiles, écoutant les bruits de la nuit à l’extérieur, partageant un silence plein de complicité et de promesses.

Mathis sentit alors une paix fragile, mais réelle, les envelopper tous les deux. Malgré la peur et les dangers qui pesaient sur Elior, malgré les secrets et les menaces du monde extérieur, il savait que cette nuit marquait le début d’une intimité sincère, d’une confiance réciproque.

Et alors que leurs respirations se calaient l’une sur l’autre, Mathis pensa qu’ils avaient tout le temps devant eux. Rien ne pressait, chaque geste, chaque mot, chaque sourire devait être apprécié, et surtout respecté. Cette première nuit n’était pas seulement leur première nuit ensemble, c’était la première pierre d’un lien solide, doux et sincère.

Elior ferma les yeux un instant, puis murmura à nouveau, cette fois avec une assurance nouvelle :

« Je veux vraiment être avec toi… Mathis. »

Mathis sourit dans le noir, le cœur battant à mille à l’heure. « Moi aussi… » répondit-il, posant un baiser sur son front.

Et pour la première fois depuis longtemps, ils s’endormirent côte à côte, en sécurité, entourés par la chaleur de leur proximité, prêts à affronter ensemble les jours à venir.

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