Chapitre 25
La lumière matinale filtrait à travers les rideaux fins de la chambre d’hôtel, dessinant des rayons dorés sur le parquet clair. Mathis se réveilla doucement, le visage encore chaud du souffle d’Elior contre sa joue, un souvenir de la nuit précédente qui le faisait sourire malgré la fatigue. Elior était déjà assis sur le rebord du lit, regardant par la fenêtre les reflets de l’eau serpentant entre les maisons typiques d’Amsterdam. Ses doigts jouaient distraitement avec le bracelet que Mathis lui avait offert la veille.
« Tu regardes quoi ? » demanda Mathis en s’étirant, ses mains effleurant celles d’Elior pour se réchauffer.
Elior détourna la tête et haussa les épaules, un sourire presque imperceptible sur le visage.
« Les canaux… ils sont… différents de ce que j’imaginais. » Sa voix tremblait légèrement, comme s’il cherchait ses mots.
Mathis s’assit à côté de lui, posant sa main sur celle d’Elior.
« Différents mais beaux, hein ? »
Elior hocha la tête, et leurs doigts s’entrelacèrent un instant. Le contact, simple mais chargé de douceur, les réchauffa plus que le soleil du matin. Mathis savait qu’il devait y aller doucement, qu’Elior était encore en train de comprendre le monde, leurs sentiments, et ce qu’il pouvait partager avec lui.
Après un moment de silence, Mathis proposa de descendre prendre le petit-déjeuner. Ils se dirigèrent vers la salle du petit-déjeuner de l’hôtel, et Mathis choisit pour eux deux une table avec vue sur un canal. L’odeur du pain frais, du café et des croissants emplit la pièce. Elior semblait nerveux mais intrigué, ses yeux explorant chaque détail, des tables bien alignées aux serveurs qui circulaient avec des plateaux fumants.
« Tu manges souvent dehors ? » demanda Mathis doucement.
Elior secoua la tête.
« Non… je… je n’ai pas l’habitude. Le vide doit être là, autour… et je ne peux le sentir si je suis… distrait… » Il baissa les yeux, jouant avec ses mains.
Mathis sourit, essayant de détendre l’atmosphère.
« Alors aujourd’hui, on oublie le vide. Juste toi et moi, et on profite. »
Leurs yeux se croisèrent, et pour la première fois depuis leur arrivée, Elior sembla vraiment se détendre. Il prit quelques croissants, les mangeant lentement, presque timidement. Mathis posa sa main sur la sienne, juste un contact léger, rassurant.
« Tout va bien aller… je suis là. »
Après le petit-déjeuner, ils sortirent dans les rues animées. Mathis tenait la main d’Elior, le guidant entre les vélos et les passants. Les façades colorées, les canaux étroits et les ponts suspendus créaient un paysage à la fois charmant et féerique. Elior restait silencieux par moments, contemplant tout avec des yeux écarquillés, comme s’il essayait de tout graver dans sa mémoire.
Ils passèrent devant une librairie ancienne et Mathis proposa d’entrer. Les étagères regorgeaient de livres reliés, certains datant de plusieurs siècles. Elior parcourut les couvertures avec délicatesse, effleurant les lettres dorées.
« C’est… impressionnant… tout ce savoir… » murmura-t-il.
Mathis sourit.
« Tu aimes lire, non ? »
Elior hocha la tête.
« Oui… mais je n’avais pas vraiment le temps avant… ou la permission. »
Ils continuèrent leur promenade, s’arrêtant parfois pour prendre des photos, pour observer un petit café ou un canal particulièrement pittoresque. Elior riait timidement lorsque Mathis se moquait gentiment des touristes maladroits qui tentaient de prendre des selfies sur les ponts étroits. Ces éclats de rire, rares mais sincères, réchauffaient le cœur de Mathis.
Puis, alors qu’ils traversaient une place animée, Elior s’arrêta brusquement. « Mathis… » dit-il, la voix presque tremblante.
« Oui ? »
Il montra un groupe de personnes rassemblées autour d’un panneau d’information pour les touristes.
« Je… je connais ce visage… »
Mathis fronça les sourcils.
« Qui ? »
Elior détourna la tête rapidement, serrant les doigts de Mathis.
« C’est… rien… juste un souvenir… »
Ils poursuivirent leur route, mais Mathis sentit une tension nouvelle. Elior semblait préoccupé, jetant des regards furtifs autour d’eux.
« Tu veux parler ? » demanda Mathis doucement.
Elior secoua la tête, mais dans son silence, Mathis percevait la gravité, un poids invisible qui pesait sur le garçon. Il se promit de rester attentif, de le protéger autant que possible pendant leur séjour.
Plus tard, assis sur un banc au bord d’un canal, Elior se pencha légèrement vers Mathis, posant sa tête sur son épaule. Les mains de Mathis se posèrent sur les siennes, caressant doucement ses doigts.
« Je suis content que tu sois là… » murmura Elior.
« Moi aussi… » répondit Mathis, le cœur battant.
Ils restèrent un long moment à regarder l’eau glisser sous les ponts, à écouter le clapotis des vagues et le chant lointain des oiseaux. Chaque bruit, chaque odeur, chaque sourire créait un moment de complicité qui semblait suspendre le temps.
Mais malgré ce calme apparent, l’ombre des disparitions planait. Mathis repensait à Julien.D, à Jannie… et il savait que ce voyage ne leur laissait pas seulement l’occasion de se rapprocher, mais qu’il pourrait aussi révéler de nouveaux dangers. Elior, inconscient de toute la gravité, partageait un instant de sérénité qu’il méritait. Mathis se fit la promesse silencieuse de le protéger, quoi qu’il arrive.
Ils finirent la journée par une balade en bateau sur les canaux, les lumières du coucher de soleil reflétant sur l’eau. Les mains de Mathis et Elior restèrent liées tout le long, des gestes tendres mais chargés de signification. Elior, pour la première fois, laissa tomber un peu de ses barrières, se laissant aller à un rire léger lorsque Mathis fit mine de se prendre pour un capitaine de navire.
La soirée se termina par un dîner dans un petit restaurant typique, où Mathis força doucement Elior à goûter différents plats. Il le regardait manger lentement, s’assurant que le garçon prenait le temps de savourer chaque bouchée.
« Tout va bien… tu es en sécurité ici… » répétait-il, comme pour ancrer Elior dans le présent, loin des ombres de son quotidien habituel.
Avant de retourner à l’hôtel, Elior leva les yeux vers Mathis.
« Merci… vraiment… pour tout… » murmura-t-il, les joues rougissant légèrement.
Mathis serra ses mains, les regarda dans les yeux et répondit, sincère :
« C’est normal… je veux juste que tu sois heureux. »
Ils rentrèrent ensemble, le silence rempli de complicité et de promesses silencieuses. La nuit tombée, alors qu’Amsterdam brillait sous les réverbères et les reflets des canaux, Mathis savait que cette journée, simple en apparence, avait renforcé un lien qui ne cessait de grandir, et que chaque moment passé avec Elior devenait précieux.
Le matin suivant, Amsterdam s’éveillait sous un ciel léger, à peine teinté de nuages roses. Les canaux reflétaient la lumière de l’aube, et l’air avait cette odeur particulière de pluie et de briques humides. Mathis ouvrit les yeux avec un mélange d’excitation et d’appréhension. Elior dormait encore, recroquevillé sur le côté, le visage à moitié caché dans l’oreiller. Son souffle régulier rassurait Mathis, mais il savait que la semaine risquait d’être chargée, autant pour le plaisir du voyage que pour la tension qui les entourait.
Il s’assit sur le bord du lit, admirant le calme du moment. La veille, Elior avait accepté de dormir chez lui pour une semaine entière, une victoire discrète mais importante. Mathis se rappela comment, avant de partir, il avait pris la main d’Elior et lui avait fait un baiser sur la paume. Le simple souvenir le fit sourire. Le pendentif qu’Elior lui avait offert brillait légèrement à la lumière du matin.
La première étape de leur journée était une visite au marché aux fleurs. Mathis guida Elior à travers les étals, commentant chaque tulipe, chaque pot de jacinthes. Elior observait tout avec des yeux ébahis, mais sa curiosité n’était pas uniquement touristique. Lorsqu’un bouquet particulièrement éclatant attira son regard, il murmura :
« C’est… beau. Mais pourquoi les fleurs… elles vivent si peu de temps… »
Mathis sentit un frisson le parcourir. Il connaissait ces réflexions, le lien que faisait Elior entre la beauté et la fugacité, et il devinait que quelque chose dans son passé amplifiait cette pensée. Il lui posa doucement une main sur l’épaule.
« Tout va bien, Elior. On est là ensemble. Tu n’as rien à craindre maintenant. »
Le reste de la matinée se passa dans une atmosphère légère, avec des petites anecdotes sur les canaux et les bateaux. Mathis expliquait comment la ville respirait à travers ses ponts et ses rues pavées, et Elior écoutait, parfois un sourire timide sur les lèvres. Cependant, la tension ne tarda pas à refaire surface. Lorsque Mathis évoqua le programme de la semaine, Elior se renfrogna légèrement à l’évocation de certains musées et monuments.
Durant le déjeuner, ils s’assirent dans un petit café surplombant un canal. Mathis força doucement Elior à manger, posant sa main sur la sienne de manière rassurante. Elior prenait chaque bouchée avec lenteur, comme si la moindre morsure avait besoin d’une approbation invisible. Mathis le regarda un instant et murmura :
« C’est juste toi et moi ici, tout va bien. » Elior hocha la tête, le regard fixé sur la table, mais un léger sourire trahit un peu de soulagement.
En début d’après-midi, leur promenade les mena à une librairie ancienne, aux étagères hautes et aux livres poussiéreux. Elior, toujours discret, effleura les reliures, curieux. Il finit par choisir un petit carnet, presque un journal, qu’il caressa comme un trésor.
« Je… j’aime les histoires… même celles qui ne sont pas vraies. » Mathis sourit, comprenant que c’était sa manière de parler de sa propre vie sans vraiment la révéler.
Alors qu’ils sortaient, Mathis sentit son téléphone vibrer. C’était un message d’Elior :
« Je peux te parler ce soir, après la journée ? » Mathis lut et relut le message. La simplicité de la phrase contrastait avec le poids des jours passés. Il répondit immédiatement :
« Bien sûr. Je t’attends. »
La fin d’après-midi approchait, et ils regagnèrent leur hôtel. Mathis proposa un détour par le parc, pour profiter de la lumière douce avant le dîner. Alors qu’ils marchaient côte à côte, Mathis tenta un sujet délicat.
« Tu as entendu parler de Tim, non ? » Elior baissa la tête légèrement.
« Oui… je… je sais. » Mathis sentit son cœur se serrer. « On aurait peut-être pu… faire quelque chose. » Elior haussa les épaules, étrangement détaché.
« Parfois… ce n’est pas de notre ressort. » La phrase, simple, était glaçante, mais Mathis devina qu’Elior ne voulait pas montrer sa peur.
Plus tard dans le parc, ils s’assirent sur un banc, les pieds effleurant l’herbe humide. Mathis força une main dans la sienne, comme il l’avait fait au petit-déjeuner.
« Je serai là, Elior. Je veux que tu saches… quoi qu’il arrive. » Elior détourna le regard, puis murmura : « Je… je sais. Merci… »
Le soir, après le dîner, ils s’installèrent dans la chambre de l’hôtel. La lumière des lampes créait des ombres dans la pièce, et Elior semblait plus détendu. Mathis posa une question sur Lumen Aeterna, mais Elior esquiva légèrement. « Je t’expliquerai… mais pas maintenant. Ce soir, je veux juste… rester avec toi. » Le ton était sérieux, mais la tendresse dans son regard était évidente.
Ils s’installèrent sur le lit, côte à côte, et Elior se rapprocha, posant sa tête sur l’épaule de Mathis. Les mains s’entrelacèrent naturellement. Quelques baisers doux se glissèrent sur les joues et la nuque. Mathis sentit son cœur battre à toute vitesse, conscient de la fragilité et de la force de ce lien.
« Tu es sûr que tout va bien ? » murmura-t-il. Elior hocha la tête.
« Avec toi… oui. »
Le reste de la soirée passa dans un mélange de confidences légères, de rires étouffés et de silence confortable. Mathis raconta de nouvelles anecdotes sur la Belgique, décrivant les paysages, les canaux et les musées qu’il avait visités. Elior l’écoutait, fasciné, parfois rougissant à certaines descriptions un peu trop personnelles. Mathis en profita pour poser sa main sur la sienne, rassurant Elior, et lui fit promettre de manger un peu plus régulièrement, ce qu’Elior accepta timidement.
À la fin de la soirée, Mathis regarda le téléphone : un nouveau message d’Elior l’attendait.
« Merci pour aujourd’hui. Je… je ne savais pas que le monde pouvait être si vaste. » Mathis sourit, sentant une chaleur envahir sa poitrine. Il répondit avec un simple :
« On a encore beaucoup à découvrir ensemble. »
Mais la soirée ne fut pas entièrement paisible. Dans l’ombre, un frisson de malaise persistait. Le souvenir des disparitions, de Tim et des autres, planait toujours au-dessus d’eux. Mathis savait que la semaine à Amsterdam serait aussi l’occasion de protéger Elior, de partager des moments précieux, tout en restant vigilant. Chaque sourire d’Elior, chaque geste tendre, était à la fois une victoire et un rappel de ce qu’ils risquaient de perdre.
Alors qu’ils éteignirent la lumière et s’installèrent pour dormir, Mathis sentit le poids du monde s’atténuer légèrement, mais jamais complètement. Elior, blotti contre lui, murmura quelques mots doux, et Mathis répondit par un baiser sur le sommet de sa tête. La nuit les enveloppa, douce mais lourde de sens, promettant une semaine où chaque moment de complicité serait précieux, chaque sourire fragile serait un trésor, et chaque pas dans la ville serait une aventure partagée.

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