Chapitre 27

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Le taxi les déposa devant l’immeuble de Mathis, le soir tombant lentement sur la ville. Les réverbères s’allumaient un à un, projetant des ombres longues sur le trottoir. Elior descendit en silence, la tête légèrement baissée, les mains dans les poches. Mathis sentit immédiatement que quelque chose clochait : son voisin n’était pas simplement fatigué par la journée de visites et de balades, il semblait… replié sur lui-même, comme si une barrière invisible l’empêchait de respirer pleinement.

« Elior… ça va ? » demanda Mathis en ajustant son sac sur son épaule.

Elior releva à peine les yeux, un frisson parcourant sa nuque. « Je… je… » Sa voix se brisa et il se détourna légèrement, cherchant à cacher son visage.

Mathis posa doucement une main sur son épaule. « Hé… je suis là, d’accord ? Rien ne peut t’arriver ici. Tu peux tout me dire. »

Un souffle tremblant sortit de la bouche d’Elior. Puis, soudain, comme s’il n’avait plus aucune force pour se retenir, il se jeta contre Mathis. Les bras de Mathis se refermèrent autour de lui, mais il sentit les sanglots secouer Elior de manière incontrôlable.

« Mathis… ils… ils vont… je… j’ai peur… ils vont te sacrifier ! » sanglota Elior, son corps se convulsant légèrement dans l’étreinte.

Mathis respira profondément pour calmer sa propre panique. Il posa sa main sur le dos d’Elior et murmura : « Écoute… écoute-moi… personne ne te fera du mal ici. Je serai là pour te protéger… je te le promets. »

Elior, en pleurs, secoua la tête contre lui. « Mais… Leo… Amanda… ils… ils sont sûrement déjà… » Sa voix se perdit, étranglée par les sanglots.

Mathis sentit son estomac se nouer. « Ne… ne pense pas à ça maintenant. On va… on va s’occuper de toi, et de tout ça. » Il inspira profondément, cherchant les mots justes pour calmer la peur qui irradiait d’Elior. « Tu n’as pas eu à faire de mal à quelqu’un, pas vrai ? »

Elior leva lentement la tête, les yeux rougis. « Non… je… je n’ai jamais tué personne… »

Mathis serra ses mains, essayant de transmettre toute sa force. « Et tu n’as jamais été obligé de faire quoi que ce soit contre quelqu’un ? »

« Non… jamais… » murmura Elior, la voix tremblante.

Mathis inspira profondément, son regard plongé dans celui d’Elior. « Alors écoute-moi bien… même si un jour… si ta famille est arrêtée, ou que tout s’écroule… il ne t’arrivera rien, tant que tu ne participes pas à… ça. » Il désigna vaguement l’ombre des rituels et des sacrifices qui planaient sur leur vie, sans vouloir prononcer le mot à voix haute.

Elior hocha faiblement la tête, encore tremblant mais semblant un peu plus rassuré. Ses mains tremblaient toujours, mais sa respiration se stabilisait. Mathis sentit qu’il devait maintenant créer un environnement plus sûr, plus calme, pour que les prochaines heures soient un refuge.

Une fois dans l’appartement, Mathis alluma une lumière douce dans le salon. Il plaça deux tasses de chocolat chaud sur la table basse et s’assit près d’Elior, l’invitant silencieusement à faire de même. Elior hésita un instant, puis accepta, prenant la tasse avec des mains encore un peu tremblantes.

« Tu sais… » murmura Elior en regardant son chocolat, « je n’ai jamais eu… de moments comme ça. Comme si je pouvais juste… être moi-même… sans que quelqu’un observe ou menace… »

Mathis posa sa main sur la sienne, doucement, et pressa légèrement. « Alors profite… on a le temps. Rien ne presse, et je ne te laisserai jamais tomber. »

Le silence qui suivit n’était pas pesant. Il était chargé d’une intimité nouvelle, fragile mais précieuse. Mathis observait Elior, attentif à chaque petit mouvement, chaque respiration, chaque regard. Il savait que la semaine qui suivrait serait cruciale pour leur lien et pour la sécurité d’Elior.

Après quelques minutes, Elior rompit le silence d’une voix basse, presque un murmure : « Mathis… je veux… te dire… que je t’aime… je crois… »

Mathis sentit un frisson parcourir son corps. Il recula légèrement, son cœur battant à tout rompre, incapable de parler pendant un instant. Puis il se pencha, posant doucement son front contre celui d’Elior. « Moi aussi… je… je suis là pour toi, toujours. »

Les mains d’Elior se crispèrent un instant sur les siennes. Ses yeux étaient encore embués de larmes, mais un léger sourire apparut, fragile et sincère. Pour la première fois depuis longtemps, Mathis sentit une chaleur dans son cœur, une bouffée de normalité dans ce chaos qu’était devenue la vie d’Elior.

La nuit tomba sur l’appartement, enveloppant la pièce d’une pénombre douce. Ils restèrent assis, immobiles, se tenant la main, échangeant quelques mots doux et des gestes de réconfort. Mathis savait qu’il devait y aller doucement, respectant le rythme d’Elior, tout en lui montrant qu’il pouvait se fier à lui.

Le sommeil finit par les gagner, mais Mathis se réveilla plusieurs fois, tendu, veillant à chaque souffle d’Elior. Il savait que la menace de la secte planait toujours, et que chaque instant de paix était précieux mais fragile.

Au matin, Mathis prépara un petit-déjeuner simple mais chaleureux : céréales, pain grillé et jus d’orange. Il invita Elior à s’asseoir, posant une main réconfortante sur la sienne pour l’encourager à manger. Elior accepta lentement, presque timidement, et Mathis resta à ses côtés, le regardant avaler chaque bouchée avec un mélange de fierté et d’inquiétude.

Pendant qu’Elior mangeait, Mathis aborda les disparitions avec précaution. « Tu… tu as parlé de Tim l’autre jour… » dit-il doucement. « Je sais que ça te concerne… mais… tu veux en parler ? »

Elior posa sa cuillère, le regard fuyant. « Oui… je… je suis inquiet pour lui… et pour les autres. Ce que j’ai vu… ce qu’ils font… je ne veux pas que quelqu’un… quelqu’un que j’aime… souffre. »

Mathis hocha la tête, serrant sa main plus fermement. « Rien ne leur arrivera tant que tu restes avec moi. On va gérer ça ensemble… »

Puis Elior parla, sa voix plus ferme, mais toujours empreinte de crainte. « Mathis… ma famille… mon père… ils… ils contrôlent tout… et je… je dois… je dois respecter ce qu’ils veulent. Mais je ne veux pas que ça touche quelqu’un d’autre… surtout toi… »

Mathis sentit un mélange de colère et de protectivité l’envahir. « Alors reste ici… avec moi. Rien ne te forcera à participer. Et si un jour… ils tentent quelque chose… je te protégerai, quoi qu’il en coûte. »

Elior inclina légèrement la tête, une larme glissant sur sa joue. « Merci… merci d’être là… je… je n’ai jamais eu ça avant… »

Mathis sourit doucement, sentant que malgré l’ombre qui planait autour d’eux, une lueur d’espoir commençait à percer. Il savait que les jours à venir seraient décisifs, mais il était prêt à affronter le danger, pour Elior et pour tous ceux qu’ils pouvaient protéger.

Et alors que le soleil matinal filtrait à travers les rideaux, Elior et Mathis restèrent ainsi, silencieux mais connectés, unis par la peur, le danger et un lien naissant qui allait bientôt devenir bien plus profond qu’ils ne l’avaient jamais imaginé.

Après le petit-déjeuner, Mathis s’installa à côté d’Elior, sa tasse de chocolat chaud encore tiède entre les mains. Il observa son ami, remarquant le léger bleu sur son poignet et les traces de l’épreuve de la veille, puis se força à parler. « Elior… je sais que tu n’as pas à tout me dire… mais… j’ai besoin de comprendre. Les rituels, les règles… ces… sacrifices… Comment ça se passe exactement ? »

Elior baissa les yeux, jouant avec le bord de sa tasse, un silence pesant s’installa. « Mathis… ce n’est pas simple… et je… je n’ai jamais été censé en parler. »

« Je comprends… je ne veux pas te mettre en danger, je veux juste… savoir. Si jamais quelque chose arrive, je veux être prêt… » Mathis approcha sa main de celle d’Elior, la serrant doucement.

Elior inspira profondément, et pour la première fois depuis longtemps, il sembla décider à se confier. « Les rituels… il y a plusieurs niveaux. Certains sont symboliques, des gestes pour montrer l’obéissance ou la foi. Mais d’autres… sont plus sombres… ils parlent de purification… parfois, on utilise le sang… pas toujours le sien, mais celui de… ceux qui… qui transgressent les règles. »

Mathis sentit son estomac se nouer. « Des sacrifices… ? » demanda-t-il d’une voix tremblante.

Elior hocha la tête, le regard fuyant. « Oui… ils parlent de purification par le sang… et de punition. Les rituels sont codifiés. On doit suivre les étapes exactement. La moindre erreur… peut… attirer la colère de “père”. »

Mathis fronça les sourcils. « Et… ces règles… tu dois les suivre toi aussi ? »

« Oui… parfois. Mais… je n’ai jamais été obligé de faire du mal à quelqu’un. Jusqu’ici… je n’ai participé qu’aux gestes “symboliques”. Mais il y a ceux qui… ceux qui n’écoutent pas… ils disparaissent… » Elior murmura ces mots, la voix tremblante.

Mathis serra les poings, essayant de contrôler la panique qui montait. « Et tu dis que ces disparitions… c’est lié à ces rituels ? »

Elior avala difficilement sa salive. « Oui… c’est pour… maintenir l’équilibre. Ceux qui manquent aux règles, ou qui sont jugés trop faibles, trop… impurs… sont retirés. »

Mathis sentit son cœur se serrer. « Elior… je… je ne veux pas que tu participes à ça. Jamais. »

Elior leva enfin les yeux vers lui, un mélange de tristesse et de détermination dans le regard. « Je sais… et je fais attention. Mais parfois… il faut montrer qu’on est loyal. Que l’on respecte la hiérarchie. »

Mathis inspira profondément. « Et les règles… elles sont strictes ? Il y a des limites ? »

« Oui… et non… » répondit Elior avec un petit sourire triste. « Les limites dépendent de “père”. Ce qu’il juge nécessaire pour purifier… pour protéger la famille, le groupe… » Il baissa la voix. « Et parfois… ces limites sont floues… on ne sait jamais si c’est trop… ou pas assez… »

Mathis sentit un frisson parcourir son échine. « Je comprends… un peu… mais… c’est horrible, Elior. Personne ne devrait… »

« Je sais… je sais… » murmura Elior, posant sa main sur celle de Mathis. « Mais toi… tu n’as rien à craindre tant que tu n’es pas impliqué. Et je ferai tout pour que ce soit le cas… »

Mathis sentit sa gorge se nouer, touché par la sincérité d’Elior. « Alors promets-moi… que si jamais tu dois te défendre, tu ne te mettras pas en danger inutilement. Et… que tu ne laisseras jamais faire du mal à quelqu’un que tu aimes. »

Elior hocha lentement la tête, un petit sourire triste aux lèvres. « Je te le promets… mais parfois… on ne peut pas tout contrôler… »

Mathis sentit un mélange de colère et de peur. « Alors on fera en sorte que tu ne sois jamais seul. Je serai là, toujours. Même si ça doit être… compliqué… dangereux… je te protégerai. »

Elior inspira profondément, sentant un poids s’alléger un peu dans sa poitrine. « Merci… Mathis… je… je n’ai jamais eu quelqu’un comme toi… à mes côtés… »

Mathis lui sourit, doucement. « Alors, on va continuer… un jour après l’autre. Je serai là. Et on fera en sorte que tu puisses être toi-même… loin de tout ça… »

Elior sourit faiblement, les yeux brillants, et pour la première fois depuis longtemps, il sembla respirer sans crainte immédiate. Mathis savait que ce n’était qu’un répit, mais il comptait bien profiter de chaque instant.

Mathis se laissa tomber dans le fauteuil à côté d’Elior, le cœur battant à tout rompre. Il savait qu’il venait d’entrer dans un monde bien plus sombre qu’il n’avait jamais imaginé, mais il devait comprendre, pour pouvoir protéger celui qu’il commençait à aimer.

« Elior… je… je veux savoir ce que tu peux me dire… même un peu… sur les rituels… sur la façon dont ils… se déroulent… » demanda-t-il avec prudence.

Elior détourna le regard, jouant avec un fil du tapis. « Je ne peux pas tout révéler… » murmura-t-il. « Mais je peux te parler des règles… de ce que j’ai vu… et de ce qu’on attend des participants. »

Mathis se pencha, attentif. « Je t’écoute. »

« Les rituels… » commença Elior, la voix basse et tremblante, « ils sont très codifiés. Chaque geste a un sens, chaque objet, chaque parole. Les participants doivent suivre précisément les instructions… sinon… il y a des conséquences… »

Mathis sentit un frisson glacé parcourir son échine. « Et toi… tu as déjà été obligé de participer ? »

Elior secoua la tête vivement. « Non… jamais. Je n’ai jamais touché à quoi que ce soit, je n’ai jamais fait de mal à quelqu’un… je ne fais que… observer, parfois être présent… pour montrer que je respecte leurs règles. Mais je connais la gravité de ce qu’ils font… »

Mathis inspira profondément. « Alors tu n’as jamais été en danger ? »

« Je… j’ai eu peur, bien sûr… mais je n’ai jamais été obligé de faire quoi que ce soit de mal. Les autres… ceux qui transgressent… ou qui sont choisis… parfois ils ne reviennent pas. » Elior baissa les yeux, serrant ses mains sur ses genoux.

Mathis serra les poings. Il devait rester calme, pour ne pas effrayer Elior. « Alors tu ne seras jamais seul… je serai là. Et on fera en sorte que tu ne sois jamais forcé à quelque chose… jamais. »

Elior posa sa main sur celle de Mathis, un petit sourire fragile aux lèvres. « Merci… Mathis… je… je n’ai jamais eu quelqu’un à qui parler… à qui faire confiance… »

Mathis hocha la tête. « On va trouver un moyen de te protéger. Et si jamais il y a une menace… on réagira ensemble. »

Un silence s’installa, lourd mais apaisant. Mathis réfléchissait déjà à des stratégies : surveiller les allées et venues autour de la maison d’Elior, noter les événements étranges, tenir un journal discret de tout ce qu’Elior lui confierait. Il devait être vigilant, sans inquiéter Elior davantage.

Après un moment, Elior parla à voix basse. « Je peux te confier une chose… pas tout, mais une partie… ce que je sais sur les rituels… »

Mathis se pencha. « Je t’écoute. »

« Ils observent des cycles… la lune, le soleil, des phases spécifiques. Chaque geste a une signification. On utilise parfois le sang… et parfois… des objets… qui sont censés canaliser l’énergie. Ceux qui participent… doivent être précis. Une erreur, un geste oublié… et… ça peut être dangereux pour eux. Moi… je n’ai jamais eu à participer, mais je connais la gravité de tout ça… »

Mathis sentit la tension dans sa poitrine monter. « Alors tu n’as jamais touché à rien ? »

« Non… jamais. Je suis simplement là, je regarde… j’apprends… je sais ce qu’il se passe… » Les yeux d’Elior brillaient d’un mélange de peur et de tristesse.

Mathis prit doucement la main d’Elior. « Alors on va s’assurer que tu ne sois jamais forcé à rien… et qu’aucun mal ne t’arrive. Même si c’est dangereux, on fera tout pour que tu sois en sécurité. »

Elior inspira profondément, un léger sourire aux lèvres. « Merci… c’est… rassurant… de savoir que tu es là… »

Mathis sentit son cœur battre plus vite. « Et si jamais tu vois quelque chose… ou que tu entends quelque chose… tu me le dis tout de suite. On ne garde rien pour soi. »

Elior hocha la tête. « Oui… je te le promets. Mais je… je veux que cette semaine soit… normale… autant que possible… »

Mathis sourit doucement. « On fera en sorte que tu puisses te détendre. Et si tu veux, on parlera de tout… quand tu seras prêt… »

La conversation continua, un mélange de confidence et de douceur, avec Mathis qui écoutait attentivement, et Elior qui révélait petit à petit ce qu’il pouvait, sans jamais franchir la ligne qu’il ne voulait pas dépasser.

Mathis réfléchissait déjà à comment protéger Elior à l’avenir, notant mentalement les détails qui pourraient les aider. Les disparitions, les rituels, les moments où Elior était vulnérable… tout devait être surveillé, mais discrètement, pour ne pas éveiller les soupçons de “père” ou de ses proches.

Et malgré la gravité de ce qu’il venait d’apprendre, Mathis sentit une détermination nouvelle. Il serait là pour Elior, coûte que coûte, et il n’abandonnerait jamais.

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