Chapitre 29
La voiture glissait dans les rues étroites et éclairées par les lampadaires, la tension dans l’air presque palpable. Mathis tenait toujours la main d’Elior, comme pour lui rappeler qu’il n’était pas seul, et qu’il n’allait pas affronter ces horreurs seul. Lina et Tharah, assises à l’arrière, échangèrent des regards lourds de gravité. La disparition de Tim, puis la mort de Jannie, et maintenant la menace sur Julien… tout se mêlait dans leurs esprits, et la peur se transformait peu à peu en une détermination silencieuse.
« On ne peut pas rester les bras croisés », dit Lina finalement, rompant le silence. Sa voix était ferme, mais trahissait l’angoisse. « Chaque minute compte. S’ils sont sérieux à propos de Julien, on n’a plus de temps à perdre. »
Tharah hocha la tête. « Oui. On doit savoir ce qu’ils préparent, comment ils choisissent leurs victimes… et surtout comment protéger ceux qu’on peut. »
Mathis regarda Elior du coin de l’œil. Le jeune garçon semblait épuisé, les yeux cernés par la peur et le stress accumulés. Pourtant, il hochait la tête, prêt à participer autant qu’il le pouvait. « Elior, tu dois nous dire tout ce que tu sais. Même les détails que tu trouves insignifiants. Chaque information compte. »
Elior soupira, jouant nerveusement avec la manche de son sweat. « Il y a… il y a des règles. Certaines choses sont immuables. Je peux vous dire certaines choses, mais pas tout… pas encore. »
Mathis serra un peu plus sa main. « On comprend. Mais on a besoin de savoir ce qu’ils comptent faire avec Julien. Même un petit indice peut nous sauver. »
Le silence s’installa à nouveau. Puis Elior murmura : « Julien… il est… marqué. »
Les trois autres échangèrent un regard choqué. « Marqué ? » répéta Tharah. « Tu veux dire… que… »
« Oui », répondit Elior, la voix basse. « Ce n’est pas encore trop tard, mais… ils le surveillent. Julien ne se doute de rien. »
Mathis sentit son cœur s’accélérer. Il avait imaginé tous les dangers possibles, mais entendre ces mots à voix haute lui fit l’effet d’un coup de poing. « On doit faire quelque chose. Maintenant. »
Lina sortit son téléphone et commença à noter rapidement chaque détail. « On va créer un plan. D’abord, il faut comprendre leurs habitudes, les horaires… tout ce qu’on peut. Puis on trouvera un moyen de prévenir Julien sans le mettre directement en danger. »
Elior hocha la tête, mais ses yeux trahissaient la peur. « Il ne faut pas que ‘eux’ sachent que je vous parle. »
« Bien sûr », répondit Mathis. « On sera prudents. On ne fera rien sans toi. »
Ils passèrent le reste de la soirée à élaborer un plan détaillé. Lina et Tharah interrogèrent Elior sur les horaires de ses proches, les lieux qu’ils fréquentaient, les habitudes de la secte, les rituels auxquels il avait assisté. Chaque réponse était précieuse, même lorsqu’elle était partielle. Elior, bien que réticent au départ, se laissa guider par la détermination de Mathis, et peu à peu, il commença à dévoiler certains mécanismes et règles de Lumen Aeterna.
« Quand ils choisissent quelqu’un… » commença Elior, la voix tremblante, « il y a un rituel de surveillance. Quelqu’un les observe pendant quelques jours pour s’assurer qu’ils respectent les règles… ou pour les préparer. »
Mathis fronça les sourcils.
« Les préparer ? »
Elior hocha la tête.
« Oui… préparer. Pas pour tout le monde, mais certains. Ceux qui sont considérés comme… sensibles. Julien pourrait être… » Il ne termina pas sa phrase, mais le sous-entendu était clair.
Tharah avala sa salive et se passa une main dans les cheveux.
« On doit le prévenir… mais comment ? »
« On doit rester discrets », répondit Mathis. « Si la secte découvre qu’Elior parle… ça pourrait être pire pour lui. » Il se tourna vers le jeune garçon. « Tu peux nous aider à trouver un moyen de le protéger ? Même à distance ? »
Elior hocha lentement la tête. « Oui… je… je peux vous donner des indications sur les lieux, les personnes… mais je ne peux pas intervenir directement. »
Mathis inspira profondément. « Très bien. On fait ça ensemble. Et je te promets… rien ne t’arrivera. »
Après une longue discussion, ils établirent un code simple pour communiquer et partager des informations sans attirer l’attention. Chaque mot, chaque geste devait être calculé. Mathis sentit le poids de la responsabilité s’alourdir, mais il savait qu’il ne pouvait pas reculer.
Quelques minutes plus tard, Elior envoya un message à Mathis. Ses doigts tremblaient légèrement en lisant l’écran.
« Poignet blessé. Punition. Tout va bien… mais soyez prudents. »
Mathis sentit son estomac se nouer. Il relut le message plusieurs fois. C’était pire que ce qu’il avait imaginé. La violence et la cruauté étaient plus réelles, plus proches de lui qu’il ne l’avait cru. « On doit le voir, maintenant », murmura-t-il.
Il décrocha son téléphone et composa le numéro d’Elior. La sonnerie résonna dans la pièce, et au bout de quelques instants, une voix tremblante répondit : « Allô ? »
« Elior ? » dit Mathis, la voix ferme malgré l’inquiétude. « Je viens te chercher. Tout de suite. »
Elior hésita. « Non… non, je… je dois rester prudent… »
« Je sais… mais on doit voir ton poignet. Et… » Mathis chercha ses mots, sentant son cœur battre la chamade, « … et je veux m’assurer que tu es en sécurité. »
Après un long silence, Elior finit par murmurer : « D’accord… mais je vous attends au parc. »
Quelques minutes plus tard, ils se retrouvèrent. Mathis attrapa doucement la main d’Elior et observa le poignet bandé et les ecchymoses sur son visage. Le bleu sur sa pommette était encore vif. Mathis sentit la colère et la peur monter en lui. « Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? »
Elior baissa la tête.
« J’ai… j’ai manqué le rituel de silence. Ils ont considéré ça comme une menace. Une quinzaine de personnes… chacun a frappé ma main… puis… mon visage. »
Mathis sentit sa gorge se nouer, mais il serra Elior contre lui.
« Je te promets… plus jamais ça. Personne ne te touchera tant que je suis là. »
Elior tremblait, et pour la première fois depuis des semaines, il se laissa aller, fondant en larmes sur l’épaule de Mathis.
« J’ai peur… de ce qu’ils pourraient te faire à toi… »
Mathis caressa ses cheveux, essayant de calmer sa respiration, tout en pensant aux mesures à prendre pour protéger Julien.
« On va s’en sortir… ensemble. Je te protège, et on protège Julien. »
Lina et Tharah restaient à proximité, prêtes à intervenir, mais respectant l’espace de Mathis et Elior. Les minutes passaient, et l’inquiétude laissait place à une certaine complicité silencieuse. Le plan prenait forme dans leur esprit, et tous se concentraient sur la mission commune : protéger Julien et comprendre la secte sans mettre Elior davantage en danger.
Elior se redressa légèrement, la tête appuyée contre le torse de Mathis.
« Merci… de ne pas m’avoir abandonné. »
Mathis lui sourit, le cœur rempli de détermination.
« Jamais. Et maintenant, on doit penser à la suite. Julien doit être en sécurité. Et toi… toi, tu dois rester loin de tout ça. »
La nuit s’installa doucement, enveloppant le parc d’une obscurité apaisante mais inquiétante. Les quatre jeunes gens restèrent là, silencieux, chacun absorbé par ses pensées, mais unis dans une même promesse : protéger ceux qu’ils aimaient, comprendre les sombres secrets de la secte, et ne pas laisser la peur les dominer.
Leur mission venait de commencer, mais la route serait longue, semée d’embûches et de révélations terrifiantes. Pourtant, dans le regard d’Elior, Mathis vit un éclat d’espoir. Et pour la première fois depuis longtemps, il sut qu’ensemble, ils pourraient peut-être changer le cours des choses.
Le lendemain matin, Mathis se réveilla avec une tension palpable dans la poitrine. Le souvenir des blessures d’Elior, des paroles qu’il lui avait confiées, et la lettre de menace toujours sur la table de la cuisine le hantaient. Il se leva sans bruit pour ne pas réveiller Elior, encore endormi sur le canapé où il avait passé la nuit. Le jeune garçon respirait calmement, mais ses traits restaient tirés, comme si chaque cauchemar, réel ou imaginé, persistait en lui.
Mathis prit son téléphone et composa rapidement le numéro de Julien. Il savait qu’ils devaient agir vite, et que chaque minute comptait. Après trois sonneries, la voix inquiète de son ami répondit.
« Mathis ? »
« Julien, écoute-moi attentivement », dit-il, essayant de maîtriser son ton pour ne pas paniquer son ami. « Il y a quelque chose de grave… et tu dois me faire confiance. Ne quitte pas ta maison seul aujourd’hui, reste entouré. »
Julien hoqueta, la peur dans sa voix.
« Qu…quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? »
« Je peux pas tout te dire par téléphone, mais fais-moi confiance. Ne sors pas, reste avec des proches. Et… si quelqu’un vient te voir… ne laisse entrer personne. Tu comprends ? »
« Oui… oui, je comprends… mais Mathis… c’est sérieux ? »
« Très sérieux. »
Après l’appel, Mathis sentit le poids de la responsabilité. Il devait protéger Julien, surveiller Elior, et en même temps continuer de déchiffrer les mystères de la secte. Il fit signe à Elior de se lever. Le garçon se frotta les yeux et bâilla doucement.
« Bon, il est temps », dit Mathis, « on doit se préparer. J’ai besoin de toi lucide et concentré. »
Elior hocha la tête, encore un peu endormi, mais obéissant. Ils prirent rapidement un petit-déjeuner – cette fois, Mathis fit attention à ce qu’Elior mange correctement, posant sa main sur la sienne de temps en temps pour l’encourager. Le simple contact semblait lui donner du courage.
« Merci… pour hier soir », murmura Elior. « Je… je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi. »
Mathis lui sourit.
« C’est normal. Et tu n’auras jamais à traverser ça seul, compris ? »
Ils passèrent ensuite en revue le plan qu’ils avaient commencé la veille avec Lina et Tharah. Chaque détail était crucial : les horaires des proches d’Elior, les trajets possibles de Julien, les personnes susceptibles de le surveiller. Elior fournit des précisions sur les mouvements de la secte, ses propres contraintes, et la manière dont ils procédaient pour sélectionner leurs victimes.
« Ils ne laissent jamais de traces directes », expliqua Elior. « Tout est pensé pour paraître normal, pour que personne ne soupçonne rien… jusqu’au dernier moment. »
Lina fronça les sourcils.
« Et combien de temps d’avance préparent-ils ces ‘rituels’ ? »
Elior hésita, ses yeux fuyants.
« Quelques jours, parfois une semaine… parfois plus. Mais il y a toujours un moment où tu réalises que tu n’as pas le choix. »
Mathis sentit son sang se glacer. La gravité de la situation était encore plus palpable en entendant ces mots de la bouche d’Elior. Il respira profondément. « Alors on doit agir maintenant. Julien doit rester en sécurité. On doit prévoir un plan pour qu’il ne soit jamais seul. »
Ils décidèrent d’organiser des tours de surveillance, mais de manière discrète. Tharah et Lina devaient se relayer pour rester auprès de Julien sous différents prétextes, tandis que Mathis et Elior continueraient de collecter des informations sur les déplacements des membres de la secte.
Plus tard dans la matinée, Mathis reçut un message d’Elior.
« Poignet encore douloureux. Mais je peux marcher. Fais attention à toi aussi. »
Mathis sentit son cœur se serrer. Il s’approcha d’Elior et posa doucement sa main sur le poignet bandé. « On va faire en sorte que personne ne te touche plus. Tu m’entends ? »
Elior hocha la tête, mais la peur brillait dans ses yeux. « Merci… »
Ils décidèrent ensuite de faire un test : se déplacer ensemble dans un lieu public, mais sans attirer l’attention. Mathis voulait s’assurer qu’Elior pouvait gérer des interactions normales tout en restant vigilant. Chaque regard, chaque geste, chaque mouvement devait être calculé.
« Regarde autour de toi », dit Mathis. « Personne ne doit te remarquer. Marche calmement, respire. »
Elior hocha la tête et marcha à côté de lui, la main de Mathis toujours sur la sienne pour le rassurer. La tension diminuait légèrement à mesure qu’ils progressaient, mais Mathis sentait toujours le poids de la menace invisible.
Au déjeuner, Mathis força une nouvelle fois Elior à manger. Il posa doucement sa main sur la sienne et lui dit : « Tout va bien se passer. Je suis là. »
Elior mangea lentement, presque honteux, mais l’attention de Mathis le calma. Ils parlèrent de choses plus légères : la Belgique, les musées qu’ils voulaient visiter plus tard, et les livres qu’ils avaient lus récemment. La complicité revenait peu à peu, malgré la gravité des événements.
Plus tard dans l’après-midi, Elior parla de Tim, ce qui surprit Mathis. « Tu… tu connaissais Tim ? »
Elior hocha la tête. « Oui… et il était proche de certains membres… ce n’était pas toujours facile pour lui. »
Mathis sentit une colère sourde monter en lui. « Alors on doit le protéger aussi. Julien, Tim… et toi. Tous. On ne peut pas les laisser… »
Elior baissa les yeux. « Je sais… et je fais de mon mieux. »
La discussion dériva sur la secte et ses règles. Elior parla de certains rites, des obligations imposées, mais insista sur le fait qu’il n’avait jamais participé directement aux sacrifices. Mathis écoutait attentivement, sentant que chaque mot avait un poids immense. Il proposa de nouveau à Elior de venir chez lui pour passer plus de temps en sécurité, et Elior répondit qu’il devait en parler avec « Père » au sujet d’un devoir obligatoire.
La soirée arriva, et le calme de l’appartement de Mathis offrit un bref répit. Les jeunes s’installèrent pour dîner, puis Lina et Tharah discutèrent avec Mathis pour élaborer la suite des opérations. Mathis sentait que chaque détail comptait : la protection de Julien, la sécurité d’Elior, et la nécessité de ne pas alerter la secte.
Puis, Elior s’approcha de lui. Il prit doucement la main de Mathis et, pour la première fois depuis plusieurs jours, il sembla détendu. « Merci… de me protéger. »
Mathis sentit son cœur se remplir d’émotion. « Toujours. Et maintenant, on doit protéger ceux qui nous sont chers. »
La soirée se poursuivit avec des échanges discrets de messages pour s’assurer que Julien allait bien. Elior raconta certaines anecdotes sur sa vie, ses peurs, et sa manière de percevoir la secte. Les confidences étaient partielles, mais chaque information ajoutait une pièce au puzzle.
À un moment, Mathis et Elior se retrouvèrent seuls dans le salon. Mathis posa sa main sur celle d’Elior. « Écoute… quoi qu’il arrive, je serai là. »
Elior leva les yeux vers lui, et pour la première fois depuis longtemps, un éclat de soulagement et de gratitude passa dans son regard. « Merci… je… je ne sais pas ce que je ferais sans toi. »
Le reste de la nuit se passa dans un mélange de tension et de douceur. Mathis et Elior se rapprochèrent, partageant des moments de complicité et de réconfort. Les dangers extérieurs semblaient lointains à ces instants précis, mais l’ombre de la secte restait toujours présente, silencieuse et menaçante.
Alors qu’ils se préparaient à se coucher, Mathis reçut un dernier message d’Elior :
« Julien est en sécurité pour l’instant. Merci… et continue à me protéger aussi. »
Mathis sourit faiblement, le cœur à la fois lourd et réconforté. Il savait que la semaine à venir serait éprouvante, mais il était déterminé : protéger Elior, protéger Julien, et affronter les sombres secrets de Lumen Aeterna. Ensemble, ils allaient affronter l’inconnu, dans un équilibre fragile entre amour, peur, et courage.
Mathis sentit un vide s’installer dans son appartement lorsque la porte se referma derrière Elior. La semaine qu’ils avaient passée ensemble avait été intense, douce et effrayante à la fois, et désormais, le silence le frappait de plein fouet. Chaque coin de la pièce semblait lui rappeler la présence du garçon : la chaise légèrement reculée à côté de la table, la couverture froissée sur le canapé, l’odeur de son parfum encore perceptible. Mathis passa sa main sur le dossier de la chaise et inspira profondément, essayant de contenir l’angoisse qui le gagnait.
Il ne pouvait pas rester sans nouvelles, alors il envoya un message rapide à Elior, demandant comment s’était passée la route et si tout allait bien. Les minutes passèrent, mais aucune réponse ne vint. L’inquiétude s’installa et devint presque physique. Mathis savait que la secte pouvait être partout, et chaque seconde sans nouvelles le rapprochait de la panique.
Il se mit à préparer les plans et stratégies avec Elior via téléphone, mais même ces échanges prudents n’étaient pas suffisants pour calmer son cœur. Le jeune garçon lui confia, à travers quelques messages codés, la manière dont la secte réagissait à leur absence et à leur protection de Julien. Les mots étaient précis mais effrayants : surveillance accrue, présence de proches qu’Elior identifiait comme membres de Lumen Aeterna, et rituels planifiés auxquels ils ne participaient pas encore, mais dont l’ombre planait.
Alors qu’il essayait de rester concentré, Mathis découvrit dans sa boîte aux lettres une nouvelle enveloppe, sans nom. Il sentit son estomac se nouer dès qu’il la prit dans ses mains. Ses doigts tremblaient légèrement. La lettre contenait un message clair et froid :
« Nous savons que tu interviens pour protéger l’un des nôtres. Si tu continues, les conséquences pourraient être irréversibles. Prudence et silence sont tes seules protections. »
Les mots étaient simples, mais leur signification était terrible. Quelqu’un dans la secte savait qu’ils protégeaient Julien. Mathis sentit un frisson glacé lui parcourir la colonne vertébrale. Le danger n’était plus théorique ; il était tangible, immédiat.
Pendant plusieurs heures, aucune nouvelle d’Elior ne vint. Le téléphone resta silencieux, et chaque vibration ou son de notification fit battre le cœur de Mathis à tout rompre. Il finit par s’effondrer sur le canapé, les mains sur le visage, incapable de retenir ses larmes. La peur et l’impuissance se mélangeaient à un sentiment d’amour profond et brûlant.
C’est alors que Tharah, inquiète de voir Mathis dans cet état, entra dans l’appartement. Elle avait suivi les événements de près, consciente des dangers liés à la secte et des disparitions. Elle s’agenouilla devant lui, posant doucement ses mains sur ses épaules.
« Mathis… » dit-elle doucement, « regarde-moi. »
Il leva à peine les yeux, ses larmes coulant toujours, et secoua la tête.
« Ça se voit… » reprit Tharah, la voix ferme mais tendre, « tu es fou amoureux d’Elior. Depuis le premier jour. »
Mathis inspira profondément, le souffle court.
« Oui… je… je ne peux pas m’empêcher de penser à lui. Je… j’ai peur qu’il lui arrive quelque chose, qu’ils… »
Tharah le coupa en serrant doucement ses mains dans les siennes. « Je sais, je sais… et tu ne peux pas tout contrôler. Mais ça ne change rien à ce que tu ressens. Et crois-moi, Elior ressent la même chose pour toi. »
Leurs regards se croisèrent. Pour la première fois depuis le départ d’Elior, Mathis sentit un peu de chaleur et de réconfort. Les mots de Tharah, la certitude qu’elle voyait ce qu’il ne voulait pas avouer à lui-même, lui donnèrent la force de respirer à nouveau.
« Alors… je dois juste attendre ? » demanda Mathis, la voix brisée.
« Attendre, mais rester vigilant. Planifier et protéger ceux que tu aimes. Et surtout, ne t’oublie pas toi-même dans tout ça. Tu dois rester fort pour lui. »
Mathis acquiesça, laissant pour un moment les larmes se tarir. Il savait qu’il allait falloir combiner patience et prudence, continuer à surveiller Julien, protéger Elior à distance, et attendre le bon moment pour agir si la secte montrait des signes de danger imminent.
Dans un coin de son esprit, il repensa à la lettre. La menace était claire : quelqu’un savait pour eux. Il devrait redoubler de vigilance, peut-être revoir leurs communications, leurs déplacements. Mais plus que tout, il sentait un lien avec Elior qui le poussait à continuer, à ne pas céder à la peur.
Tharah, en voyant qu’il se reprenait légèrement, posa une main sur sa joue et sourit légèrement. « Tu n’es pas seul, Mathis. Même quand Elior n’est pas là, tu as des alliés. Et tu n’as pas à porter tout ce poids seul. »
Mathis inspira profondément et hocha la tête. « Merci… vraiment. »
Pour la première fois depuis l’annonce des disparitions, depuis les menaces et les secrets de la secte, il sentit un soupçon de calme. Il savait que la semaine à venir serait encore plus éprouvante, mais il avait trouvé une force nouvelle : la certitude que son amour pour Elior et son désir de le protéger ne faibliraient jamais.
Le soir venu, il relut les messages précédents d’Elior, la manière dont le garçon avait confié certaines informations, et comment, malgré tout, il avait fait preuve de courage. Mathis sourit légèrement, une émotion douce et fragile au creux de son cœur. Il savait que, malgré l’ombre de Lumen Aeterna, leur lien était une lumière qu’aucune menace ne pourrait éteindre.
Et alors qu’il s’asseyait à sa table pour continuer à planifier la protection de Julien, il se permit de rêver un instant : un futur où Elior serait en sécurité, où les disparitions appartiendraient au passé, et où leur amour, même dans ce monde dangereux, pourrait enfin s’épanouir librement.

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