Chapitre 41
La pièce était plongée dans une obscurité oppressante. Les bougies avaient été soufflées et les chaînes mordaient encore la peau de Mathis, Tharah et Lina. La peur s’était installée comme un poids constant sur leurs épaules, chaque souffle semblait une épreuve, chaque bruit un présage de danger imminent.
Ils ne savaient pas depuis combien de temps ils étaient là. Les minutes, les heures, le temps lui-même semblait s’être figé. Le silence pesant était seulement rompu par les murmures des ravisseurs et le grincement occasionnel du parquet. La respiration de Mathis était rapide, presque incontrôlable, et il sentait Tharah trembler à ses côtés, sa main pressée contre la sienne. Lina, elle, essayait de maintenir un calme apparent, mais le léger tremblement de ses doigts trahissait son angoisse.
Puis, sans avertissement, l’un des membres de la secte s’approcha et dit d’une voix glaciale : « À tour de rôle. Deux minutes chacun. Vous allez voir vos proches. »
Mathis sentit son cœur s’emballer. Ses proches… Elior et Leo. Il n’y avait pas de mots pour décrire ce mélange de soulagement et d’angoisse. Mais l’instant de bonheur fut immédiatement terni par la crainte. Que verraient-ils ? Dans quel état ? Et surtout, combien de temps encore devraient-ils rester ici, impuissants ?
Tharah fut la première à être appelée. Elle fut traînée doucement vers une porte, et dans l’embrasure, elle aperçut Elior et Leo. Les deux jeunes garçons étaient assis, silencieux, les visages marqués par la fatigue et les blessures. La peur et la douleur étaient visibles, mais il y avait aussi cette lueur de reconnaissance dans leurs yeux en voyant Tharah.
Lina fut la suivante. Elle sentit ses jambes fléchir alors qu’elle s’approchait. Deux minutes… ce n’était rien, et pourtant, chaque seconde semblait durer une éternité. Leo détourna les yeux, mais Elior lui lança un regard chargé d’émotion. Mathis, enchaîné dans le coin, sentit son cœur se serrer à la vue de ce simple échange.
Enfin, ce fut le tour de Mathis. Il fut poussé vers l’embrasure, et il sentit son souffle se couper en apercevant Elior et Leo. Les deux semblaient affaiblis, mais l’éclat de leurs yeux montrait qu’ils étaient encore là, vivants. Elior tenta un sourire, maladroit et fragile, mais il suffisait à faire trembler Mathis.
« Mathis… » murmura Elior, la voix étranglée par la fatigue et la peur.
« Je… je vais bien… » répondit Mathis, bien qu’il sache que ce n’était pas vrai. Chaque seconde passée là, sous surveillance, était une torture mentale. Il sentit la main d’Elior effleurer la sienne à travers la distance. Ce simple contact électrisa son corps, mélange de soulagement et de terreur.
Mais la porte se referma avant qu’ils ne puissent échanger davantage. Les volets furent tirés, et la lumière s’éteignit. Les chaînes les retenaient toujours, et l’obscurité totale engloutissait leurs sens. Ils ne savaient pas combien de temps s’était écoulé. Les minutes devenaient des heures, chaque tic-tac imaginaire résonnait comme un écho dans leurs têtes.
La peur était omniprésente, s’infiltrant dans chaque pensée. Mathis sentait ses muscles tendus, son esprit incapable de trouver le repos. Il savait que tout mouvement pouvait être surveillé, que tout mot pouvait être interprété comme une tentative de rébellion. Le silence était lourd, étouffant, et la respiration de ses amis était le seul lien tangible avec la réalité.
Mathis tenta de se concentrer sur autre chose, mais ses pensées revenaient sans cesse à Elior. Que subissaient-ils maintenant ? Était-il blessé ? Était-il en danger ? Chaque image de lui attaché, de son visage marqué par la peur, revenait comme un couperet. Il sentit une colère sourde monter en lui, mêlée à une impuissance écrasante.
« On doit rester calme… » murmura-t-il à Tharah et Lina, plus pour lui-même que pour elles. « On doit réfléchir, trouver un moyen… »
Mais la peur était trop forte. Chaque craquement, chaque souffle, chaque odeur de cire et de bois brûlé le ramenait à la réalité de leur captivité. L’angoisse devenait physique, une pression constante sur sa poitrine. Mathis savait qu’il devait rester éveillé, mais chaque minute était un combat contre le sommeil, contre la panique.
Soudain, un murmure étouffé attira son attention. Une silhouette approcha, et il sentit le courant de l’air changer. Les chaînes le contraignaient, et il était incapable de bouger pour voir qui venait. Le murmure devint un ordre : « Préparez-les. »
Mathis sentit ses muscles se tendre, sa respiration s’accélérer. L’angoisse monta d’un cran. Il avait l’impression que le monde entier s’était réduit à cette pièce, à ces chaînes, à cette obscurité oppressante. Et pourtant, malgré la peur, une lueur d’espoir subsistait. Elior et Leo étaient vivants. Ils devaient survivre, ensemble.
Les heures s’égrainèrent, lentes et interminables. Chaque deux minutes avec Elior et Leo devenaient un supplice et un réconfort à la fois. Mathis apprenait à lire dans leurs regards, à percevoir la fatigue, la douleur, mais aussi l’amour et la détermination. Chaque contact visuel, chaque geste, même minime, était une ancre dans cet océan d’angoisse.
Lina et Tharah tentaient de calmer Mathis, murmurant des mots réconfortants, mais la tension ne diminuait pas. Les chaînes étaient une barrière physique, mais la peur était une cage mentale encore plus lourde. Chaque bruit de pas à l’extérieur, chaque grincement de plancher, chaque souffle dans l’obscurité était amplifié dans leur imagination.
Le temps devint un concept flou. Ils ne savaient plus combien de tours ils avaient eu pour voir Elior et Leo. Chaque apparition était un mélange de soulagement et de terreur. Mathis apprenait à savourer ces instants, malgré la brièveté et l’angoisse, comme s’ils étaient les seuls moments où la réalité n’était pas totalement écrasante.
Puis, sans prévenir, les portes s’ouvrirent à nouveau. Cette fois, c’était pour leur apporter un simple bol d’eau. Le geste, banal dans un contexte normal, prenait une dimension presque tragique ici. Chaque mouvement des ravisseurs, chaque simple action, devenait un événement d’une intensité terrifiante.
Mathis but lentement, savourant l’eau comme une précieuse délivrance. La peur, la tension, l’angoisse, tout cela se mélangeait dans un cocktail qui lui coupait presque le souffle. Il savait que chaque minute était comptée, que chaque erreur pouvait leur coûter la vie.
Alors que la nuit s’étirait, Mathis sentit un moment de clarté. Il devait observer, mémoriser, planifier. Chaque détail de la pièce, chaque position des bougies, chaque geste des ravisseurs, chaque expression sur le visage de ses amis, tout devait être enregistré dans son esprit. La survie dépendait de la mémoire, de l’attention, de la capacité à rester calme malgré l’angoisse.
Mais même avec cette lucidité, l’atmosphère restait suffocante. L’impression d’être observé, traqué, écrasé par une force invisible, était constante. Mathis savait que cette peur les changerait, que cette nuit les marquerait à jamais. Et pourtant, au milieu de cette horreur, il y avait Elior et Leo. Leur présence, même à travers deux minutes de contact, était un fil fragile mais réel qui le rattacherait à l’espoir.
Et dans ce silence lourd, alors que la nuit semblait interminable, Mathis comprit une chose : ils n’avaient pas d’autre choix que de rester forts, ensemble, et d’attendre le moment où ils pourraient agir. La peur était leur compagne, mais la volonté de protéger ceux qu’ils aimaient était plus forte.
La nuit continuait de s’égrener, longue, pesante, chaque minute semblant une éternité. Mathis, toujours attaché, n’osait presque plus respirer. Ses mains et ses poignets lui faisaient mal, mais la douleur physique n’était rien comparée à ce qu’il ressentait dans sa poitrine : une peur diffuse, rampante, qui s’infiltrait dans ses pensées et refusait de le lâcher. Chaque bruit extérieur, chaque craquement du plancher, chaque souffle derrière la porte lui donnait l’impression que quelqu’un était en train de les observer, prêt à frapper.
Les deux minutes avec Elior et Leo étaient terminées depuis longtemps, et la pièce était retombée dans l’obscurité complète. Les bougies dispersées au sol projetaient des ombres menaçantes sur les murs, qui semblaient se tordre à chaque mouvement. Mathis essayait de contrôler sa respiration, mais son esprit refusait de se calmer. Il avait l’impression que le silence lui parlait, lui murmurait des secrets qu’il ne voulait pas entendre.
Puis, un murmure étouffé parvint à ses oreilles, venant de l’extérieur. Ce n’était pas un son familier, mais quelque chose de froid, méthodique, comme un récit raconté pour effrayer. Mathis se redressa légèrement sur ses chaînes, tendant l’oreille.
« … Leo est prêt. »
Le cœur de Mathis manqua un battement. Il savait qu’ils parlaient de lui, de son ami, mais chaque mot sonnait comme un glas. Il sentit Tharah frissonner à ses côtés. Lina, en silence, observait la porte avec des yeux écarquillés, mais aucun son ne franchissait ses lèvres.
« Il a choisi… » continua la voix, neutre mais glaciale. « … de rester fidèle à nous. Il comprendra son rôle bientôt. »
Mathis sentit son estomac se nouer. Ses mains crispées sur les chaînes, il voulait hurler, mais aucun son ne sortit. Les mots résonnaient dans sa tête, des images effrayantes s’imposaient, des visions de Leo soumis, seul, dans l’obscurité, entouré de rituels et de flammes. Chaque pensée le faisait frissonner.
« Et Elior… » La voix se fit plus basse, plus menaçante. « … il est encore hésitant, mais il suivra. Il sait ce qu’il doit faire. »
Mathis sentit un vertige le prendre. Il avait envie de se précipiter à travers la pièce, de hurler pour briser le silence, de courir vers eux, mais les chaînes le retenaient. L’angoisse se transforma en panique pure. Son esprit tournait en boucle : « Elior… Leo… ils sont pris dans ce monde… et nous ne pouvons rien faire. »
Il tenta de respirer profondément, de calmer ses battements de cœur. Tharah posa sa main sur la sienne, et Mathis se concentra sur ce contact, fragile mais réel. Lina, silencieuse, semblait comprendre : leur survie dépendait de rester lucides, malgré la peur.
Puis, les murmures cessèrent. Tout redevint silencieux. La pièce était vide, mais la tension était palpable, comme si le danger flottait dans l’air. Mathis savait qu’ils étaient surveillés, et chaque instant loin de Leo et Elior semblait un gouffre.
Une idée s’imposa à lui : il devait savoir, comprendre, au moins un peu, ce qui se passait avec Leo. Il prit son téléphone, qui était passé sous les chaînes pour recevoir un signal. Un nouveau message s’afficha : c’était Leo. Mathis sentit son cœur bondir.
« Je vais bien. Ne t’inquiète pas. Suis ton instinct. »
Le message était court, mais il y avait une urgence cachée derrière ces mots. Mathis lut et relut, essayant d’en décoder le sens. Leo savait qu’il était observé, qu’il ne pouvait pas parler librement. Il jouait probablement le rôle qu’on attendait de lui pour survivre, mais la phrase « suis ton instinct » sonnait comme un avertissement.
« Ils… ils veulent me faire croire que je n’ai pas le choix… » murmura Mathis à voix basse, plus pour lui-même que pour les autres. « Mais je vais trouver un moyen… je dois… »
Les minutes s’étiraient, et à chaque tic-tac imaginaire du temps, la tension montait. Mathis avait l’impression que la maison entière respirait autour d’eux, que chaque mur, chaque objet, chaque ombre était vivant, prêt à les trahir. Il sentit Tharah trembler contre lui et la prit instinctivement dans ses bras, essayant de lui transmettre un peu de courage.
Lina, malgré son calme apparent, serra ses poings. « On ne peut pas rester ici à ne rien faire. » murmura-t-elle. « On doit trouver un moyen de savoir où ils les tiennent. »
Mais Mathis savait que tout mouvement imprudent serait fatal. Il devait réfléchir, mémoriser, analyser chaque détail. Les chaînes, les portes, les fenêtres, chaque recoin devenait un indice potentiel. Mais chaque seconde passée là-bas était une torture psychologique, et l’angoisse s’insinuait dans ses os.
Soudain, un bruit de pas résonna derrière eux. Mathis sentit son corps se raidir, Tharah murmura son nom, et Lina retint son souffle. Les pas s’approchèrent, puis s’arrêtèrent, et un souffle froid caressa leur nuque. L’adrénaline monta, mais aucun geste hostile ne suivit. Un membre de la secte passa simplement et murmura :
« Encore une chance de voir vos proches… faites attention à vos secondes. »
Ils furent entraînés une fois de plus vers la pièce où Leo et Elior apparaissaient. La vue de leurs visages fatigués mais vivants fit naître un mélange de soulagement et d’angoisse chez Mathis. Les deux jeunes garçons échangèrent un regard, et Mathis sentit une tension encore plus lourde : ils étaient captifs, mais au moins, ils existaient.
Le temps imparti passa comme un éclair, et la porte se referma de nouveau. Mathis sentit sa poitrine se serrer, sa peur grandir. Les chaînes lui faisaient mal, mais c’était la peur de perdre ses proches qui l’écrasait. Il voulait hurler, frapper, mais il n’avait aucun contrôle sur la situation.
Dans ce silence, il se mit à réfléchir. Leo avait envoyé ce message : il jouait un rôle, probablement pour survivre. Elior, lui, était toujours dans un état d’angoisse constante. Et tout autour, la secte orchestrant chaque mouvement, chaque interaction. Mathis comprit qu’il n’y avait pas de place pour l’erreur. Chaque geste, chaque mot, chaque silence pouvait être décisif.
Il fixa l’obscurité, imaginant la pièce à l’extérieur, les silhouettes de la secte, les objets, les bougies, les chaînes. Il mémorisait tout, essayant de transformer la peur en stratégie, la panique en plan.
« On doit tenir… » murmura-t-il encore une fois. « On doit les protéger, coûte que coûte. »
La nuit continua, longue et étouffante. Chaque pas des ravisseurs, chaque souffle dans le silence devenait un signal. Mathis savait que leur survie dépendait de la patience, de l’attention, et de leur capacité à rester lucides malgré l’angoisse.
Et au fond de son esprit, une pensée persistante : Leo et Elior étaient vivants, mais combien de temps encore ? Combien de temps avant que la peur et la manipulation de la secte ne les brisent ? Chaque tic-tac imaginaire semblait répondre : trop peu, trop vite.
ChatGPT a dit :
Ils ne eurent aucun avertissement. La porte s’ouvrit sur une lueur vacillante, et des silhouettes glissèrent dans la salle comme des ombres qui prennent forme. On les poussa — sans brutalité excessive, comme si on leur administrait la politesse d’un passage obligé — vers une estrade basse où, contre toute logique, on avait disposé des bancs de bois. Ils étaient forcés de s’asseoir. Autour d’eux, la pièce sentait la cire fondue, le bois humide et une pointe métallique qui pique la gorge — une odeur qu’ils avaient déjà rencontrée et qui maintenant leur collait à la peau comme un avertissement.
Mathis n’arrivait plus à penser en phrases longues. Ses pensées étaient de petits éclats puissants : froid, lumière, visage d’Elior, la main d’un ravisseur qui l’a ramené. Il scrutait la pénombre jusqu’à ce que ses yeux s’habituent et découvrent le centre de la pièce : un cercle tracé au sol, entouré de bougies noires et blanches, et au milieu, un support bas, à la fois banal et sacré aux yeux de ceux qui s’en servaient.
On fit entrer la victime comme on introduit un acteur sur une scène. Pas de hurlements au début — juste des pas feutrés, des bruits de tissus, un visage pâle qu’ils reconnaissaient par l’angle douloureux d’un souvenir. Mathis sentit son cœur se crisper : c’était un garçon de leur lycée — il n’avait pas besoin de noms pour savoir qui il était. On l’entraina, les yeux fuyants, il tremblait, les mains liées, la bouche plâtrée d’un silence imposé. Tharah, à côté de Mathis, pressa sa main jusqu’à lui faire mal. Lina avait les lèvres blanches.
Le maître de cérémonie s’avança. Sa robe était simple, presque austère, mais il portait autour du cou un collier où pendent trois petites plaques, chacune gravée d’un signe ancien. Quand il parla, sa voix n’éleva pas le ton ; c’était pire : elle pénétrait la pièce, lente et sûre, et obligeait à écouter.
« Vous êtes venus pour purifier, » dit-il. « Vous êtes venus pour rendre l’âme claire. La purification réclame un passage. Ceux qui se rependent offrent le pont entre l’ombre et la lumière. »
Les gens murmurèrent en chœur un refrain monotone qui fit vibrer les voûtes basses. Les syllabes étaient connues de Mathis par fragments — des mots déjà entendus dans la maison d’Elior, mais ici ils prenaient une forme rituelle, répétée jusqu’à l’engourdissement. Les lèvres des fidèles bougeaient sans frémir, comme des machines réglées.
On fit asseoir la victime au centre du cercle. Ils l’attachèrent cependant moins pour le retenir que pour sceller la scène : signe de soumission, rituel public. Un assistant s’avança avec une fiole rouge opaque, et Mathis sentit son estomac se nouer. L’image devint nette et immuable : la fiole, la main qui la verse lentement dans une coupe, la coupe qu’on offre en tremblant à la victime. Les doigts qui renversent, les gouttes qui scintillent dans la lumière des chandelles — rien n’était spectaculaire, et c’était précisément ce qui rendait la scène plus terrifiante. Tout était rodé.
La victime fut contrainte de boire. Il n’y eut pas de cri long, plutôt un hoquet étouffé, un visage qui se contracte, une gorge qui avale comme on avale une vérité trop amère. Quelques personnes autour prirent une gorgée aussi, rituel d’appartenance. Mathis regarda la tasse, le rouge semblait absorber la lumière, un rouge trop profond pour être seulement du vin. Il pensa au goût d’une blessure, à la première nuit où il avait vu des coupures et une fiole rouge sur une table — le lien cognitif fit naître une nausée qui lui serra la poitrine.
Le maître de cérémonie prononça alors quelques paroles, lentes, solennelles. On alluma plus de bougies, on diminua la lumière extérieure, comme pour concentrer tout l’espace sur ce moment. La victime, les yeux à moitié clos, semblait lâcher quelque chose — pas un cri, pas même une parole : un petit souffle qui ressemblait à une capitulation. Certaines personnes autour inclinèrent la tête comme à un enterrement qui ne veut pas s’avouer. D’autres pleuraient doucement, non pas de chagrin mais d’un soulagement collectif, comme si l’acte venait d’atteindre un but.
Mathis sentit quelque chose se rompre en lui. La révolte, d’abord, se heurta à la terreur totale. Il voulut se lever, huer, arracher ses liens. Il n’eut que le silence. Ses mains, serrées contre le bois, le lui rappelèrent : il ne pouvait rien faire. À travers les chaînes, à travers la bougie, le visage du garçon se détendit — non en paix, mais en résignation. L’assistance chuchotait de plus en plus bas, comme pour sacraliser l’acte.
Puis on fit passer, lentement, un voile sombre sur la scène. Les volets furent claqués, la fenêtre obstruée, la pièce redevint presque aveugle. Dans le noir, le son prit des reliefs nouveaux : le froissement d’un tissu, le raclement d’une chaise, les respirations profondes d’un groupe qui vient d’accomplir quelque chose. Mathis, les yeux humides, sentait son pouls comme un tambour dans l’obscurité. Il n’entendit pas de cri strident. Il n’y eut pas besoin de ça pour sceller la douleur : la cérémonie avait fait son œuvre dans la lenteur et l’ordre.
On leur ramena deux minutes encore, juste assez pour que chacun voit, comme pour les poser au bord d’un abîme. Elior et Leo furent amenés à l’embrasure. Ils avaient l’air vidé, leur regard était vitreux — ni suppliant ni accusateur, juste lourd de choses qui ne se disent pas. Quand leurs yeux croisèrent ceux de Mathis, un fil électrique passa entre eux : un avis, un pardon, peut‑être une promesse muette. Elior tenta de parler, mais sa voix resta un souffle. Leo, les mâchoires serrées, fixa le sol comme pour retenir un ressac.
Le rideau retomba. Les volets se refermèrent, isolant la pièce du monde. Le temps perdit toute mesure. Ils ne savaient pas combien d’heures avaient filé. On les laissa dans cette chambre obscure où l’air portait la suie et la cire, et la peur fit son lit dans leur gorge. Personne ne parlait. À quoi bon ? Les mots semblaient inutiles face à la mécanique implacable qui venait de tourner.
Quand enfin la porte s’ouvrit à nouveau, ce ne fut pas pour libérer la violence — ce fut pour rappeler leur impuissance. Un homme apporta un simple linge imbibé d’eau tiède et le posa sur la table. « Buvez, » ordonna-t‑on. Ils avalèrent par obligation, comme on avale un sirop amer. Puis on les remit à l’écart, chaînes algorithmiques et doigts sur leurs épaules, comme des guides trop fermes.
La nuit avançait, mais ils n’avaient plus sommeil. La peur, plus efficace que l’insomnie, les maintint éveillés. Mathis revoyait les gestes au ralenti : la fiole rouge, la coupe, le visage de la victime qui s’abaissait vers la liqueur, l’ordre systématique des participants. Chaque détail s’inscrivait au creux de sa mémoire comme pour qu’il n’oublie jamais. Il sentait la honte et la rage l’assaillir ensemble : honte d’avoir été témoin impuissant, rage d’avoir été placé là, instrument d’un théâtre macabre.
Quand ils furent enfin laissés seuls — pas relâchés, seulement laissés seuls — Mathis, Tharah et Lina se regardèrent. Les traits tirés, la voix basse, ils commencèrent à murmurer des bribes de plan, non pas pour réparer le présent mais pour préparer l’après. Ils savaient maintenant ceci : la secte avait montré ce qu’elle était prête à faire, et ils ne pouvaient plus ignorer l’évidence : si Leo et Elior restaient là, ce qu’ils avaient vu n’était que la première pièce d’un rituel aux conséquences réelles.
Ils firent ce qu’on peut faire dans l’œil d’une tempête : noter mentalement les visages, les accents, l’ordre des choses, la position des fenêtres et la disposition des bougies. Ils transformèrent leur horreur en mémoire tactique. Puis, dans un souffle qui tenait plus de la promesse que de la foi, Mathis murmura : « On sortira quelqu’un d’ici. On trouvera. »
La peur était toujours là, basse, insistante. Mais au milieu de la suffocation, quelque chose d’autre s’alluma : une détermination sèche, froide, née de celui qui a vu l’irrémédiable et refuse qu’il advienne encore.
ChatGPT a dit :
La porte claqua derrière eux, et le silence fut instantané, pesant, presque palpable. Mathis sentit son cœur se contracter, chaque battement résonnant comme un avertissement. Devant eux, au centre du cercle de bougies, le garçon qu’ils avaient vu arriver quelques instants plus tôt était à genoux, les mains attachées derrière le dos, les yeux écarquillés de peur. Ses traits étaient pâles, déformés par l’angoisse. Le souffle de Tharah et Lina se mêlait au sien, tremblant et court.
Un homme s’avança, tenant un couteau qui brillait sous la lumière tremblante des bougies. Sa robe sombre glissait sur le sol sans bruit. Les murmures monotones des participants formèrent un rythme obsédant, un chant hypnotique qui semblait aspirer l’air, la raison, et la volonté des témoins.
« Regardez bien, » ordonna l’homme, sa voix basse mais autoritaire. « C’est par le sang que la purification se fait. C’est par le sacrifice que l’équilibre est maintenu. »
Mathis sentit son estomac se nouer, ses mains trembler. Le garçon fut forcé de se pencher, et le couteau descendit lentement, méthodiquement. La lame entailla sa peau, d’abord superficiellement, puis plus profondément, jusqu’à ce qu’une première goutte de sang tombe dans la coupe au centre du cercle. Le rouge vif, presque luminescent dans l’obscurité, fit frissonner Mathis. Il voulait détourner les yeux, mais une pression invisible le força à rester, à regarder, à ne pas cligner.
Le garçon hurla, un cri bref et déchirant qui sembla résonner dans leurs propres corps. Les larmes montèrent aux yeux de Mathis, et il sentit Tharah et Lina sangloter silencieusement à ses côtés. Mais avant qu’ils ne puissent réagir davantage, on leur tendit une petite coupe, contenant le sang chaud et odorant du garçon. La scène, pourtant insoutenable, n’était pas encore terminée.
« Buvez, » dit l’homme, sans attendre de réponse. « Chacun doit participer. Chacun doit accepter. »
Mathis recula instinctivement, mais une main ferme le maintint en place. Tharah, en larmes, secoua la tête, mais la peur et la contrainte étaient trop fortes. Ils furent obligés de prendre la coupe. Mathis sentit la chaleur du liquide contre ses lèvres, l’odeur métallique qui piquait sa gorge. Il avala à contre-cœur, la nausée lui nouant l’estomac. Le goût était âcre, épais, chaque gorgée gravée dans sa mémoire comme une horreur qu’il ne pourrait jamais effacer.
Les participants autour du cercle, eux, semblaient presque sereins, comme si cet acte barbare était naturel, quotidien. Elior et Leo, eux, regardaient la scène avec un mélange de terreur et de résignation. Mathis vit les yeux d’Elior se remplir de larmes, mais aucune plainte ne sortit de sa bouche. Il comprit que la peur était partagée, silencieuse mais profonde, et qu’Elior était tout aussi prisonnier que le garçon sur le sol.
Quand le sacrifice fut terminé, le corps sans vie fut retiré lentement, les bougies continuant à brûler autour du cercle. La pièce sentait le fer, la cire fondue et la peur, une odeur indélébile qui s’infiltra dans les poumons de Mathis et lui serra la poitrine. Ils furent laissés là, obligés de contempler ce qu’ils venaient de boire, ce qu’ils venaient de voir. Le silence pesait, interrompu seulement par le souffle tremblant des trois adolescents.
Mathis sentit son esprit vaciller, submergé par la culpabilité, la terreur et l’incompréhension. Tharah et Lina pleuraient en silence, essayant de contenir leur horreur. Chaque seconde semblait s’étirer, les chaînes invisibles de l’angoisse les maintenant captifs de cette vision atroce. Il comprit que la secte n’était pas simplement cruelle : elle utilisait la peur, le contrôle et le sang pour asservir et manipuler, et que chaque participant, chaque témoin, était marqué à jamais.
Elior, à leurs côtés, murmura un mot que Mathis n’entendit presque pas, mais qui fit vibrer son cœur : « Pardonne… » Ses yeux étaient emplis de détresse et de désespoir, et pour la première fois, Mathis ressentit une haine froide, dirigée non pas contre la victime ou la secte, mais contre l’injustice même de ce monde qu’ils avaient découvert.
Quand on les relâcha enfin, ils ne furent pas libres. La peur continuait de les enserrer, les chaînes psychologiques de l’horreur plus puissantes que les cordes qui les avaient maintenus attachés. Mathis savait que ce qu’ils venaient de vivre ne pourrait jamais être effacé de sa mémoire. Et pourtant, au milieu de cette abomination, une résolution naquit : protéger Elior, comprendre la secte, et ne jamais permettre que de telles horreurs se reproduisent.
Ils quittèrent le cercle avec des mains encore tremblantes, des âmes marquées par la violence et le sang. Les bougies continuèrent à brûler derrière eux, comme un écho silencieux de la mort et de la cruauté qu’ils venaient de contempler. Et Mathis sut, avec une certitude glaciale, que leur combat ne faisait que commencer.

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