Chapitre 43

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Les policiers, une fois la maison sécurisée, se mirent à fouiller les pièces les unes après les autres. Mathis et ses parents restaient proches, tandis qu’Elior et Leo, encore pâles et fragiles, observaient chaque mouvement avec une prudence mêlée de peur. Mathis ne pouvait détacher son regard d’eux, ses mains crispées sur les leurs. Le silence était pesant, seulement ponctué des ordres des officiers et du froissement des chaussures sur le sol.

Puis un policier signala quelque chose au sous-sol. Les escaliers grinçaient sous leurs pas tandis que le groupe descendait, chaque souffle de Mathis résonnant comme un tambour dans ses oreilles. Là, dans l’obscurité partiellement éclairée par leurs lampes torches, ils tombèrent sur une vision qui le glaça : plusieurs corps étendus, immobiles, certains cachés dans des coins, d’autres enchaînés comme si on les avait retenus là depuis des semaines. Mathis reconnut certains visages de camarades de classe et de jeunes de la ville. Les corps étaient recouverts de sang séché, l’odeur métallique emplissant la pièce.

Elior se pencha légèrement, la voix tremblante et à peine audible : « C’est… c’est ce que Père appelle la purification… » Son regard ne quittait aucun des corps, et Mathis sentit son estomac se nouer. Il serra Leo par l’épaule : la peur qu’il ait été obligé de faire semblant d’y participer le rongeait.

Les policiers fouillèrent la pièce en silence, chaque objet, chaque recoin potentiellement dangereux. Mathis et les autres restaient en retrait, tentant de respirer, de contenir le vertige de l’horreur. Tharah et Lina se rapprochèrent de lui, lui tenant les mains pour le rassurer, mais la tension restait palpable. Chaque seconde semblait durer une éternité.

Soudain, un bruit sourd provenant de l’étage supérieur retentit. La police se raidit, et les officiers pointèrent leurs armes vers le couloir. Quelqu’un bougeait ; quelqu’un tentait peut-être de fuir. Mathis sentit la peur lui remonter dans la gorge : était-ce le "Père" ? Le cœur lui battait à tout rompre tandis qu’un policier commença à monter les escaliers à pas précipités.

Le bruit s’intensifiait, comme des courses rapides et des respirations haletantes. Finalement, la police déboula dans le couloir, et un homme encapuchonné tenta de s’échapper par la porte arrière. Une course s’engagea, tendue et rapide. Mathis sentait son corps prêt à se figer, incapable de détourner le regard. L’homme, aux gestes précis et déterminés, savait probablement où se cacher. Mais les policiers étaient préparés : un coup de sifflet, des ordres, et quelques instants plus tard, ils le neutralisaient.

Elior, debout près de Mathis, murmura, le souffle court : « C’est… c’est lui… Père… » Son visage blêmit, et il se tourna vers Mathis, cherchant instinctivement son soutien. Mathis lui prit la main, la serrant avec toute la force de sa promesse silencieuse : il protégerait Elior coûte que coûte.

Les policiers escortèrent l’homme capturé vers la sortie, tandis que Mathis sentait la colère et l’inquiétude se mélanger en lui. Père : le nom résonnait comme un écho funeste dans sa tête. Tout ce temps, cet homme avait manipulé, contrôlé, menacé et éliminé ceux qu’il considérait comme des obstacles ou des "inutiles". Et maintenant, ils tenaient enfin sa capture, mais la peur restait : que s’était-il passé ailleurs ? Combien d’autres étaient encore retenus ?

Elior, incapable de détourner le regard de l’homme, murmura : « Je… je savais qu’un jour ça arriverait… mais pas comme ça… pas avec eux… » Sa voix se brisait, et des larmes glissèrent sur ses joues. Mathis, le cœur serré, l’attira contre lui, le protégeant du mieux qu’il pouvait, essayant de lui insuffler un peu de courage.

Alors que la police continuait sa fouille, ils découvrirent plusieurs autres pièces cachées, certaines verrouillées de l’intérieur. À l’intérieur, des adolescents effrayés, malnutris et enchaînés attendaient, certains gémissant doucement. Les officiers commencèrent immédiatement à libérer ces captifs, tandis que Mathis et les autres les soutenaient, tentant de calmer leur peur. La maison, qui semblait déjà vide et abandonnée, révélait un monde de terreur caché derrière ses murs.

Mathis se concentra sur Elior, son corps tremblant toujours sous le poids de l’épuisement et du traumatisme. Il passa une main douce dans ses cheveux : « Tu es en sécurité maintenant… je suis là… on ne te laissera plus jamais seul. » Elior hocha la tête, les yeux humides, mais un léger sourire traversa son visage fatigué. Pour la première fois depuis longtemps, il semblait croire que quelqu’un le protégerait réellement.

Dans le silence pesant qui suivit, Mathis sentit un frisson parcourir son échine. La maison avait été le théâtre d’horreurs inimaginables, et pourtant la lutte n’était pas terminée. Le Père pouvait encore avoir des complices, et il y avait d’autres endroits où des innocents étaient retenus. Mais la capture de l’homme fournissait enfin une piste : des interrogatoires allaient suivre, et peut-être que des indices sur l’emplacement de Julien et des autres disparus pourraient être découverts.

Les policiers rassemblèrent les preuves, photographièrent les lieux, et sécurisèrent chaque recoin. Mathis et les autres observaient, silencieux, incapables de prononcer un mot. La maison, autrefois témoin de rituels et de sacrifices, se transformait lentement en une scène de crime à charge contre la secte.

Mathis se tourna vers Elior et Leo : « On va s’en sortir… vous allez voir… » Elior hocha la tête, toujours tremblant mais un peu plus apaisé. Leo, les yeux brillants d’angoisse et de soulagement, murmura : « Merci… merci d’être là… »

Mathis serra encore leurs mains, la promesse de protection gravée dans chaque contact, conscient que ce n’était que le début. Le Père était neutralisé, mais les membres de la secte restaient une menace. Et surtout, il y avait toujours Julien, pris dans ce tourbillon d’horreur.

La nuit tombait doucement, et pour la première fois depuis des jours, Mathis sentit un peu de calme. L’angoisse et la peur n’étaient jamais loin, mais il savait que ce soir, Elior, Leo, et lui étaient vivants. Et que, pour la première fois depuis longtemps, ils avaient un peu d’espoir.

Mais dans un coin de son esprit, Mathis savait que le combat pour sauver tous ceux que la secte avait pris ne faisait que commencer. Le Père avait été arrêté, mais la route vers la sécurité complète restait longue, incertaine et dangereuse. Et lui, plus que jamais, devait rester vigilant, protéger ses amis, et ne jamais relâcher sa garde.

Les heures qui suivirent furent étrangement calmes, malgré la tension encore palpable dans l’air. Mathis ne lâchait plus Elior d’une semelle, comme si la peur de le perdre à nouveau pouvait renaître à chaque instant. Ils marchaient côte à côte dans le jardin de la maison des parents de Mathis, main dans la main, les doigts s’entrelacent avec une douceur presque maladroite. Elior, encore pâle et secoué par ce qu’ils avaient vu, se raccrochait à cette proximité, trouvant dans la chaleur de Mathis un refuge contre le vertige de la peur.

Mathis se pencha légèrement, effleurant les cheveux d’Elior : « Je suis là… plus personne ne pourra te faire de mal. Je te le promets. » Elior, sans répondre, enfouit sa tête dans le cou de Mathis, laissant échapper un souffle tremblant. Un silence complice s’installa entre eux, seulement ponctué par le bruissement des feuilles et le chant lointain d’un oiseau. Pour la première fois depuis longtemps, Elior sembla pouvoir respirer sans crainte.

Quelques minutes plus tard, Elior fut appelé à parler aux policiers, qui avaient besoin de ses informations pour retrouver Julien et sécuriser les lieux. Mathis le suivit de près, refusant de le laisser seul. Dans le salon, Elior répondit calmement, donnant les détails précis qu’il avait observés dans la maison de la secte : les cachettes, les lieux de passage, les pièces verrouillées. Les policiers prenaient des notes rapidement, et chaque mot d’Elior rapprochait un peu plus la police de la localisation exacte de Julien.

« Ils vont le retrouver », murmura Mathis à Elior, posant doucement sa main sur la sienne. Elior leva les yeux vers lui, un faible sourire apparaissant sur son visage fatigué : « Merci… merci d’être là… même quand je ne suis pas sûr de pouvoir tout gérer. »

Quelques heures plus tard, un appel retentit dans la maison des parents de Mathis. Le cœur de Mathis s’emballa instantanément. Un policier confirma d’une voix ferme : Julien avait été retrouvé sain et sauf. Le « Père » avait tout avoué, coopérant face à la police, et tous les adolescents retenus avaient été libérés. Un immense soulagement emplit la pièce ; les larmes coulaient sur les joues d’Elior, tandis que Mathis le serrait contre lui, incapable de prononcer un mot tant l’émotion était forte.

Quelques instants après, une assistante sociale arriva pour discuter du placement d’Elior. La perspective d’un foyer d’accueil semblait inévitable, mais la mère de Mathis intervint rapidement, sa voix ferme et douce à la fois : « Serait-il possible qu’il reste avec nous, au moins pour un moment ? Il a besoin de stabilité, et il est déjà comme un membre de la famille. » L’assistante sociale consulta ses notes puis acquiesça : « Oui, nous pouvons organiser cela. Il pourra rester ici, sous la surveillance de vos soins et avec le soutien de votre famille. »

Mathis, abasourdi et soulagé, se précipita vers Elior et l’enlaça avec toute la force de sa gratitude et de son amour. Elior s’accrocha à lui, sanglotant doucement mais sereinement, comme si la fin du cauchemar avait enfin ouvert la porte à une paix qu’il n’avait jamais connue.

« Tu vois… tout est terminé, Elior… plus personne ne pourra te faire de mal ici. Je te le promets. » Les mots de Mathis étaient porteurs de chaleur et de promesse, et Elior les absorbait, sentant une sécurité nouvelle s’installer autour d’eux.

Dans cette étreinte, les deux garçons laissèrent filer toutes les tensions accumulées, leurs souffrances et leurs peurs se dissipant lentement. Mathis pouvait enfin sentir Elior s’apaiser, ses épaules se détendre, son souffle redevenir régulier. La mère de Mathis observait la scène avec un sourire mêlé de soulagement et de fierté, consciente que le lien entre les deux adolescents avait été un pilier crucial dans la survie d’Elior.

Leo et les deux filles, Tharah et Lina, restèrent à proximité, silencieux mais attentifs, respectant ce moment de tendresse et de réconfort. Chacun sentait que le pire était passé, mais que le chemin vers la reconstruction psychologique serait encore long. Pour Mathis, il était clair qu’Elior serait désormais au centre de sa vie : protéger, rassurer, et partager chaque instant pour lui montrer que, malgré les horreurs traversées, il n’était plus jamais seul.

La soirée s’étira doucement, avec les rires légers des autres adolescents qui commençaient à retrouver un semblant de normalité. Mais Mathis et Elior restaient dans leur bulle, main dans la main, se tenant mutuellement et chuchotant des mots doux pour sceller ce sentiment nouveau. La peur de la secte semblait désormais loin, remplacée par un sentiment de sécurité et de chaleur humaine qui enveloppait chacun d’eux.

Enfin, avant de se coucher, Mathis s’assit sur le bord du lit, tenant la main d’Elior contre son cœur. « On a traversé l’horreur… mais maintenant, tu es en sécurité… et je suis là, chaque jour, chaque nuit. » Elior, les yeux encore brillants de larmes, hocha la tête et murmura : « Merci… merci d’être toi… et de ne jamais m’abandonner. »

Dans le silence de la nuit, les deux garçons s’endormirent côte à côte, le souffle calme et régulier, avec la certitude que, pour la première fois depuis longtemps, ils pouvaient fermer les yeux sans craindre les cauchemars. Le monde extérieur pouvait rester dangereux, la secte encore une menace pour d’autres, mais ici, dans cette maison, pour Mathis et Elior, l’horreur avait enfin cédé la place à la sécurité et à l’amour.

Une semaine s’étaient écoulés depuis la descente de police. Les médias locaux ne parlaient plus que de ça : arrestations, témoignages, maison scellée. Une partie des membres de la secte avait été capturée, mais quatre d’entre eux restaient encore introuvables.
Mathis avait bien compris que cela ne signifiait pas que tout danger était écarté. Pourtant, il s’efforçait de rester fort pour Elior.

Les premiers jours, celui-ci sursautait encore au moindre bruit. La nuit, il se réveillait parfois en sueur, les yeux grands ouverts, cherchant du regard la silhouette rassurante de Mathis avant de retomber, épuisé, contre son torse. Mais peu à peu, ces réflexes s’estompèrent. Les tremblements se firent plus rares, les silences moins pesants. Elior recommença à parler, à rire timidement, et à sourire de ce sourire discret mais lumineux qui, pour Mathis, valait toutes les promesses du monde.

Chaque matin, ils partageaient un petit-déjeuner tranquille à la table familiale. Elior avait repris des couleurs : son teint, auparavant presque diaphane, s’était réchauffé. Ses yeux, d’un vert clair presque transparent, semblaient à nouveau habités par quelque chose de vivant. Mathis, lui, oscillait entre soulagement et fascination. Voir Elior redevenir lui-même lui faisait un bien qu’il n’aurait pas su décrire.

Julien vint les rejoindre un après-midi, accompagné de Tharah et de Lina. L’ambiance était simple, presque joyeuse, bien que chacun d’eux portât encore, en silence, les traces de ce qu’ils avaient vu.
Assis sur la terrasse, le soleil de fin de journée peignant la table d’une lumière dorée, Julien avoua d’une voix grave :
— J’ai cru que j’allais y passer. Si Elior et toi n’aviez pas agi… je serais mort là-bas.
Elior leva les yeux vers lui, visiblement gêné.
— Ne dis pas ça… Je… je n’aurais pas supporté que tu… qu’un ami meure à cause de tout ça.

Julien posa une main sur son épaule et répondit simplement :
— Alors on est quittes. Toi, tu m’as sauvé la vie. Moi, je compte bien t’aider à la reconstruire.

Un silence tendre suivit ces mots. Même Tharah, d’habitude bavarde, resta muette, émue par la sincérité du moment.
Lina essuya discrètement une larme avant de proposer un toast improvisé avec un grand sourire :
— À la fin des cauchemars. Et à la vie qui recommence.

Les verres s’entrechoquèrent, et pour la première fois depuis longtemps, Mathis sentit une chaleur familière, douce et humaine envahir son cœur. Il jeta un regard à Elior, assis en face de lui. Leurs yeux se croisèrent, et le sourire qu’ils échangèrent à cet instant suffisait à dire tout ce qu’ils n’arrivaient pas encore à exprimer à voix haute.

La soirée se prolongea dans une atmosphère tranquille. On parla d’avenir, de lycée, de rêves laissés en suspens. Puis, peu à peu, la maison s’assoupit. Le silence revint, seulement troublé par le bruit du vent contre les volets et la respiration régulière de ceux qui, enfin, pouvaient dormir sans peur.

Mathis entra doucement dans la chambre. Elior était déjà couché, les yeux à demi fermés, sa silhouette reposant calmement sous la lumière tamisée. Mathis s’assit au bord du lit, hésitant, puis lui caressa la joue du bout des doigts.
Elior entrouvrit les yeux et lui adressa un faible sourire.
— Tu ne dors pas ?
— Pas encore… J’ai juste envie d’être là, murmura Mathis.

Elior lui tendit la main, l’attirant doucement contre lui. Leurs souffles se mêlèrent, leurs regards se croisèrent dans une proximité brûlante et fragile à la fois. Mathis sentit le cœur d’Elior battre contre sa poitrine, rapide, nerveux, vivant.
Le premier baiser fut d’une douceur infinie : hésitant, tremblé, presque timide. Puis, peu à peu, il devint plus sûr, plus tendre, plus profond. Elior passa une main dans les cheveux de Mathis, l’attirant un peu plus près.

Ils s’allongèrent côte à côte, leurs doigts s’enlaçant, leurs respirations s’accordant dans une lenteur qui apaisait tout. Les gestes restaient empreints de pudeur, de tendresse, mais aussi d’un besoin viscéral de sentir, enfin, que tout cela était réel : qu’ils avaient survécu, qu’ils pouvaient aimer, toucher, exister sans peur.

Leurs baisers se firent plus langoureux, plus sincères encore. Les caresses, elles, restaient empreintes d’un respect infini — une manière pour chacun de dire à l’autre : tu es là, et je ne te laisserai plus tomber.
Elior murmura contre les lèvres de Mathis :
— Tu m’as ramené à la vie, tu sais ?
— Non, répondit Mathis dans un souffle. Tu t’es battu tout seul. Moi, je t’ai juste retrouvé.

Un léger rire leur échappa. Ils restèrent ainsi un long moment, enlacés, dans le silence d’une maison endormie. La lune glissait à travers les rideaux, dessinant sur leurs visages deux ombres paisibles.

Lorsque Mathis sentit Elior s’endormir contre lui, il comprit que la peur s’était enfin dissipée. Il resserra son étreinte, la tête pleine de promesses qu’il n’osait pas encore formuler à voix haute : que demain serait un jour sans cri, sans chaînes, sans sang. Que, désormais, ils construiraient quelque chose de vrai.

Dehors, le vent portait encore l’écho lointain d’un monde dangereux, mais dans cette chambre, il n’y avait plus que la paix, la chaleur et la certitude silencieuse d’un amour né dans l’ombre, mais désormais libre.

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