Un programme chargé
Cette année j’ai décidé de m’inscrire à l’Opéra de Paris, ma professeure me soutient à fond et m’entraîne dur. Au départ, je faisais de la danse uniquement le mercredi soir pendant deux heures, mais comme le concours d’entrée à l’opéra a lieu dans trois mois, il faut que mon niveau augmente. Maintenant, je vais à la danse pratiquement tous les soirs, pendant au moins une heure ou deux. C’est un programme très chargé car j’ai les cours en plus, et qui dit cours, dit devoirs. Alterner les deux est assez complexe. Au début, j’avais du mal à tenir le coup, c’était beaucoup plus compliqué que ce que je pensais. Quand je rentre le soir, je vais directement au gymnase car mon bus est à 18h10. J’enchaîne avec deux heures de danse, de 19h00 à 21h00. Je n’ai donc clairement pas le temps de faire mes devoirs avant, sauf si j’ai de la permanence.
Aujourd’hui, cela fait déjà un mois que je m’entraîne toutes les semaines. J’ai les pieds bourrés de blessures et des cernes immenses à en tomber par terre.
Ce matin je commence à 8h00, je suis exténuée, mais bon, je tiens le coup ! Il le faut. Quand j’arrive, mon amie me saute dessus.
- Salut ! Me dit-elle.
- Coucou, comment tu vas ?
- Je vais bien et toi ?
- Ça va… répondis-je d’un air fatigué.
- Tu as l’air exténuée ! Me demande-t-elle.
- Je le suis.
- Faut que tu y ailles doucement sinon tu vas finir par t’écrouler.
- Je n’ai pas le choix si je veux réussir à intégrer l’Opéra de Paris.
- Fais quand même attention à toi, ne néglige pas ta santé. Promis ?
- Oui, promis.
On s’installe à nos places et le cours commence. Soudain, je sens la fatigue m’envahir.
Il ne faut pas que je m’endorme, non il ne faut pas. Cette phrase, je me la répète longtemps afin de lutter, mais je finis quand même par tomber de fatigue.
Je rêve de danse, de l’opéra et de tout ce qui me fait le plus rêver. J’aimerais que tout ça soit réel.
J’ai eu de la chance, je suis en cours de mathématiques et mon professeur est vraiment adorable, il m’a laissé dormir car il sait que j’ai un programme compliqué. L’ensemble de mes professeurs ont été avertis de mon cas quand j’ai commencé cet entraînement intensif. Grâce à ça, ils sont un peu plus indulgents avec moi. À la fin de l’heure, je me réveille brusquement en entendant la sonnerie. Mon professeur me regarde et demande à me parler.
Je me lève et me dirige vers lui. Il entame la conversation.
- Anaïs, tout va bien ?
- Oui, oui, tout va très bien. Dis-je en bégayant.
- Vous en êtes sûre ? Vous vous êtes endormie durant mon cours. Vous m’avez l’air très fatiguée.
- Le programme est très dur, mais je tiens le coup. Dis-je en forçant un sourire.
- Vous devriez y aller doucement. Ne forcez pas trop, sinon vous allez finir par vous écrouler.
- Je vais essayer Monsieur, merci.
La journée passe assez rapidement. En sortant des cours le soir, je prends mon bus et vais au gymnase. Il faut que je demande un programme un peu moins chargé car je ne tiens plus. Je vais finir par m’écrouler de fatigue et mes performances ne seront plus aussi bonnes. Je me prépare dans le vestiaire. J’enfile mes collants, mon justaucorps et mes chaussons. J’attache mes cheveux pour en faire un chignon et rejoins ma professeure dans la salle. Je lui raconte ce qu’il s’est passé aujourd’hui et demande si je peux avoir un programme un peu plus léger. Elle me répond que c’est possible, étant donné que j’ai beaucoup progressé. Je me sens tellement soulagé de cette nouvelle, j’ai l’impression que je vais pleurer. Je fais mes échauffements et le cours commence. « Arabesque, pas de bourrée et un, deux, trois, quatre ». Le rythme de la musique me transporte dans un univers magique et j’ai l’impression de voler, d’être sur un nuage. À la fin du cours, je suis en sueur, les gouttes tombent par terre. Je me précipite sur ma bouteille d’eau et me laisse tomber par terre. J’ai les pieds en sang à cause des pointes, mais bon, j’ai l’habitude maintenant. Retirer le collant est un enfer. De retour au vestiaire, je mets des pansements sur mes plaies et enfile mes chaussettes. Je me rhabille et rentre chez moi, à pied, avec mes écouteurs. J’écoute du classique, « Vivaldi, Mozart, Tchaïkovski, Chopin,… ». L’air frais me caresse les joues, et je ne peux m’empêcher de danser. Ce doux vent qui m’entraîne dans mon élan, me fait sauter toujours plus haut. Cela m’apaise, c’est un moment très calme. Personne n’est dehors, à part quelques voitures de temps à autre, mais, je m’en fiche, je me sens légère, comme un oiseau. Quand je rentre chez moi, je me déchausse et cours à la douche. Mes parents n’ont même pas le temps de me demander comment s’est passée ma journée. Je leur dirai plus tard.
J’entre dans la salle de bain et me déshabille. Je regarde mon corps attentivement. J’ai l’impression d’avoir pris du poids, il faut que je mange moins. Quand je sors de la douche, mes parents me disent de venir manger. Je diminue ma quantité et dis que je n’ai plus faim. Ce qui est faux, j’ai l’impression d’avoir le ventre vide, mais il faut que je mange un peu moins si je veux réussir à rentrer dans leurs critères. C’est très mauvais, j’en suis consciente, mais je n’ai pas le choix. Je fais quand même attention à ma santé, je ne m’arrête pas totalement de manger. Seulement, je diminue la quantité.
Les semaines passent et ce fameux jour arrive, le concours d’admission de l’Opéra de Paris. Le stress monte. J’ai tellement peur de ne pas être à la hauteur et de ne pas correspondre à leurs critères. Je vais devoir passer devant des professeurs et juges et on va regarder mon physique, mon poids, ma taille, mon âge, ma musculature et plein d’autres choses encore. Pour y entrer, c’est extrêmement dur, et à la moindre petite hésitation on nous recale. C’est pour cela que je me suis entraînée si durement, je ne veux pas rater ma chance. J’ai un numéro attribué qui est accroché sur mon torse. Au bout d’une vingtaine de minutes à attendre, on m’appelle enfin : « numéro 118 ». On est beaucoup à participer pour très peu de places et la concurrence est rude. Toutes ces filles qui s’étirent, se préparent et essaient de ne pas stresser, j’en fais partie. Mais je ne dois reculer devant rien. Mon objectif est devant moi et je dois l’attraper avec fierté. Je rentre dans la salle et quatre juges m’y attendent. Parmi eux se trouve donc deux professeurs. Je les salue et on me demande de montrer ce que je sais faire, dans une chorégraphie de mon choix. Alors, je me positionne face à eux et quand la musique retentit dans la pièce, je danse, « arabesque, pirouette, attitude, glissade et grands jetés ». En rythme sur la musique, j’exécute chacun de ces pas en espérant les impressionner. Ma chorégraphie n’a duré que trois minutes et pourtant j’ai travaillé tellement longtemps pour si peu de temps de danse. Je finis par une révérence et sors de la salle. Ce fut un moment délicat, mais je pense avoir retenu leur attention. Pour savoir si on a été sélectionnées pour intégrer l’opéra, il faut attendre un peu plus de deux semaines et ils vont nous envoyer un courrier. Pendant ce temps, je continue ma vie. Je diminue un peu la danse et je reprends mon rythme d’avant.
Ces deux semaines furent les plus longues de ma vie. Et puis un jour, je me rendis à la danse. En arrivant devant le gymnase, je vois ma professeure qui m’attendait devant la porte, avec une lettre. Je me mis à courir vers elle et lui dis :
- Vous avez reçu la lettre ? Dis-je en criant
- Oui, et on va l’ouvrir ensemble.
Le stress et l’impatience me montaient au cœur. Dans ma tête, la phrase « Et si je n’étais pas prise ? » Me rendait malade. Ma professeure sortit la feuille de l’enveloppe et lit : « À la suite du concours passé et à l’examen physique, nous souhaitons que Mademoiselle Anaïs Morel, intègre l’Opéra de Paris ». Je me fige, net. J’ai bien entendu ? Je suis prise ? Je vais intégrer l’Opéra ? Je lui saute dans les bras et j’ai les larmes qui coulent.
« Je suis prise ! » Criais-je.

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