Réel et fictif : les descriptions de lieux.

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Au précédent atelier, il était question de tenter de deviner entre deux descriptions de lieux celui qui était "réel" pour son auteur et celui qui ne l'était pas. Il est possible de faire un sans faute dans cet exercice, c'est à dire de détecter les éléments de langage qui vont révéler que le lieu représente quelque chose de singulier pour l'auteur. Inconsciemment, on ne le décrit pas de la même façon, ce sont de petits éléments très subtils, qui nécessitent une grande attention de lecture pour les détecter mais qui, saupoudrer ici ou là, vont entraîner le lecteur attentif ou non plus profondément dans votre univers qu'une simple description d'un lieu totalement inventé.

Si on récapitule un peu tout ce qui s'est dit lors du dernier atelier :

1) Plus la description est "organisée" (en particulier dans un lieu clos type bâtiment) par pièces ou par éléments du décor, plus on va avoir un effet "agent immobilier". Vous aurez beau respecter les conseils habituels de faire évoluer le personnage et son regard pour que la description soit plus vivante, pour donner un effet caméra, ça ne fera qu'atténuer légèrement un ressenti déjà trop présent. Gardez à l'esprit qu'aucun lieu pour vous, aucune maison qui vous est familière, ne se dessine en premier dans votre tête par un plan cadastral ! Alors pourquoi imprimer ça à vos lecteurs ?

2) Vous avez sans doute noté le conseil d'associer le lieu à une émotion de votre personnage lorsqu'il l'investi. Là aussi, attention ! Plus l'émotion évoquée est superficielle (émerveillement, surprise, oppression) plus vous allez tomber dans un lieu "cliché". Car souvent ces émotions superficielles sont de l'ordre de l'évidence : un paysage à couper le souffle, un palais majestueux, une demeure chaleureuse, un corridor exigu et oppressant. C'est cliché certes, mais cela présente aussi l'intérêt d'être "efficace". Mais lorsque le lieu est vrai, les émotions sont différentes, plus singulières. N'hésitez pas à raccrocher ces lieux "imaginaires" à des lieux qui vous sont communs et qui peuvent être similaires pour vous extraire de ce "défaut" et évoquer des émotions plus sincères. Dans ce cas, tenir un petit carnet de voyage pour décrire les endroits où vous posez vos fesses peut-être un excellent support à vos romans.

3) Plus le regard est distant, plus on sent la photo de magazine ou le reportage télé. Car vous êtes un auteur hyper consciencieux, vous avez à coeur d'offrir à votre lecteur quelque chose de concret, de réel, et vous êtes tombés sur ce conseil fameux trouvé dans "comment écrire un best-seller" (véridique le conseil et la source) de vous abonner au National Geographic pour vous imprégner de superbes photos de voyages. Dedans, vous avez trouvé New York comme vous ne l'avez jamais vu en tapant sur Google Images, le Sri-Lanka, les sommets du Nepal, le désert de Gobi, vous avez plongé votre regard dans une yourte des plaines Mongoles. Donc c'est bon, votre description sentira le vrai car vos sources sont vraies. Attention, le risque est surtout que vos descriptions sentent le filtre du photographe et se résument à sa profondeur de champ. Faites un petit tour sur les comptes Instagram vs reality et vous verrez ce que je veux dire. Pour un paysage grandiose et désertique, vous avez une foule de gens qui font la queue et se bousculent pendant trois heures. Pour une randonnée au sommet du Piton de la Fournaise et son magnifique paysage lunaire et flamboyant, vous avez un créneau d'une heure à peine avant que la brume vienne boucher le paysage, vous coller l'imper à la peau tout en se glissant juste entre les omoplates à vous glacer l'échine ; et vous donne l'impression que vous êtes en Angleterre ; seule la roche noire avec ses odeurs de bitume mal séché vous rappelle que l'agence de voyage ne s'est pas foutu de votre gueule à vous balader à travers le globe pour vous perdre dans le smog.

Pour un burger dans un resto atypique un peu underground de Manhattan, perdu dans le hall du Parker's Building pas loin de la 5ème avenue, et tapissé des signatures des stars hollywoodiennes que vous découvrez sous une lumière surranée, vous avez les odeurs de fritures et de viandes qui dégoulinent des murs et la voix hurlante de la serveuse qui braille au dessus de la foule votre nom dans un anglais accentué d'américain à vous faire douter de votre état civil ou d'avoir eu mention "très bien" au bac grâce aux cours de cette chère madame Loisel qui aurait tout aussi bien pu s'abstenir de vous apprendre à placer correctement ce putain d'accent ou "emphasis" ! (pour info, les burgers y étaient incroyables ! et j'espère qu'il existe encore ce boui boui mais j'ai rarement vu quelqu'un arriver à me percer les tympans avec autant de force !)

Il y a la photo et il y a le vrai, le hors champ, le paysage qui va au delà de la lumière, d'un instant figé. Beaucoup d'émotions se dégage d'une photo, mais il est difficile de s'approprier le regard d'un autre, ce qu'il a voulu exprimer au travers du cliché sans l'usurper d'une certaine manière et le trahir.

Une vigilance aussi, dans vos recherches assidues et consciencieuse, n'oubliez pas que les lieux changent. Voilà, c'est tout con mais regardez les quartiers de votre enfance, certains lieux sont figés et d'autres ont complètement changé. Les commerces, les bâtiments, les ambiances ne sont plus les mêmes. Tous ces petits détails rendra votre lieu réel au lecteur.

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