Théodore Pumpqueen

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 La bibliothèque disposait d’une petite salle de conférence. Lorsqu’ils entrèrent, la pièce était vide. M. Mate fit s’asseoir ses élèves puis, comme personne ne venait, il alla frapper à une porte sur le côté. On lui répondit et, un court instant plus tard, un épouvantail en sortit. Contrairement à Jacky qui portait une citrouille en guise de tête, son tonton avait opté pour une grosse courge verte. Sans perdre plus de temps, il s’approcha du pupitre, régla le micro et s’adressa à la classe.

 — Bonjour, les enfants ! Je suis Théodore Pumpqueen, l’auteur d’ « Aventure en pleine jungle ». Accessoirement, je suis aussi l’oncle de votre camarade de classe.

 Il ponctua par un signe de main à Jacky qui le lui rendit en pouffant de rire.

 — Votre instituteur m’a contacté pour vous parler un peu de moi et de mon aventure. C’est avec plaisir que j’ai accepté de venir vous rencontrer aujourd’hui.

 Il leur résuma son roman dans les grandes lignes. Tout avait commencé lorsqu’il était parti en croisière avec ses parents et un ami, Victor Minka. Le voyage avait vite tourné au drame lorsque le navire avait sombré en mer pour une raison inconnue. Théodore ne devait son salut qu’à son camarade. En effet, celui-ci était un sphynx, capable de voler. Hélas, ses parents comptèrent parmi les nombreuses victimes de l’accident. Victor et Théodore se trouvaient alors proches des côtes brésiliennes. Là-bas, ils ne pouvaient se mélanger aux hommes et se réfugièrent un temps dans la jungle avant de rencontrer une tribu indigène. Ces derniers les prirent pour des divinités descendues sur terre, et tout un tas de péripéties s’enchaînèrent.

 La plupart des élèves restèrent attentifs tout du long. C’était du pain béni pour les quelques enfants qui, comme Romulus, avaient justement choisi de prendre son livre. L’auteur était en train de leur mâcher le travail qu’ils devaient réaliser pour la semaine prochaine. La publicité de sa nièce avait décidément bien fait les choses.

 Lisa et Agatha n’étaient pas particulièrement intéressées mais elles écoutèrent poliment, au contraire de Molly et Jérémy qui ne se privaient pas pour discuter derrière elles. La petite sorcière avait toutefois hâte de pouvoir poser des questions d’ordre pratique sur l’écriture du livre et sa diffusion.

 Le monologue prit fin sur une note assez frustrante. Lui et son ami venaient d’être démasqués par les indigènes, mais il ne leur en dit pas plus sur la manière dont il s’en était tiré. Les élèves les plus attentifs prirent un air vexé. Théodore Pumpqueen leur répondit avec un sourire en coin que, s’ils voulaient connaître la suite, il faudrait lire son livre.

 Il donna ensuite la parole aux enfants pour qu’ils lui posent toutes les questions qui leur venaient en tête. On l’interrogea sur divers sujets, la nourriture, la faune, s’il avait gardé le contact avec des amis indigène de là-bas, etc. Lorsque Agatha posa enfin ses questions, elle fut déçue d’apprendre qu’il avait laissé un agent littéraire s’occuper de tout à sa place. Évidemment, la famille Pumpqueen était assez riche pour se le permettre, mais la petite sorcière aurait aimé apprendre les ficelles du métier.

 — Qu’est-il arrivé à Victor ? demanda finalement Juliette, la jeune gorgone.

 — Il va bien, aux dernières nouvelles. Il est rentré avec moi à Halloween mais il est vite retourné chez lui, en Egypte, pour s’occuper de ses grands-parents. Je ne l’ai plus vu depuis, et le livre n’était pas encore édité.

 — Et ça vous a pris combien de temps, pour l’écrire ? questionna ensuite Lisa.

 — Oh, je ne sais pas trop, quelques mois ? Comme tout est véridique, j’avais déjà tout en tête, je devais juste mettre les mots sur le papier.

 — Bien, il est presque l’heure, maintenant ! s’exclama l’instituteur, au grand dam de Romulus qui avait encore le bras levé. Nous allons vous libérer, M. Pumpqueen, c’était très enrichissant. Que dit-on, les enfants ?

 — Merci !

 — Il n’y a pas de quoi, vous avez été un très bon public. Maintenant, je vous laisse, il faut que je me sauve. Jacky, ne rentre pas trop tard, je sais que tu as un exposé à préparer.

 — Oui tonton !

 Il salua une dernière fois la classe et se dirigea en vitesse vers la sortie, bientôt suivi de M. Mate qui exigea de sa classe qu’ils forment un rang. Il les accompagna jusqu’à la sortie, leur rappela brièvement ses consignes pour leur devoir et conclut en les libérant.

 Leurs parents avaient été prévenus que la sortie des classes se ferait là aujourd’hui, mais la plupart des élèves rentraient à pied chez eux. Aussi seule la mère de Molly et le père d’Harry attendaient. Il y avait aussi une calèche sombre tirée par un centaure. À Halloween, c’était le moyen de transport le plus utilisé, mais rares étaient ceux à s’en servir tous les jours pour récupérer leurs enfants à l’école. Seul Jérémy avait droit à ce privilège. D’habitude, c’était un domestique qui venait le raccompagner mais pas ce jour-là. À la grande surprise de tout le monde, le Comte Carotide lui-même occupait la place de passager à l’intérieur. Il fit signe à son héritier de se dépêcher avant de fermer les tentures du véhicule et se protéger du soleil. Aussitôt Jérémy à l’intérieur, le centaure démarra en trombe.

 Leur départ libéra le champ de vision d’Agatha sur la place de la ville. Juste en face de la bibliothèque se trouvait la gare, unique moyen d’entrer ou de sortir d’Halloween. Or, près de l’entrée de celle-ci, il y avait tout un attroupement de monstres divers et variés. Plus curieux encore, deux calèches aux couleurs de la police locale se trouvaient sur le côté.

 — Ça vous dérange, si on fait un rapide détour ? demanda la sorcière.

 Lisa, dans sa brouette, pencha la tête pour mieux voir. Romulus, lui, avait déjà deviné par quoi la curiosité de sa copine venait d’être piquée. Il soupira.

 — C’est sûrement juste une affaire de vandalisme, ou un humain qui a embarqué dans le Spectre Express par erreur.

 — Sans doute, mais juste au cas où…

 Portrait et loup-garou échangèrent un regard entendu. Évidemment, la sorcière rêvait de se mêler à un crime et à sa résolution. Mais Halloween était une cité paisible. Quoi qu’il soit arrivé, il y avait peu de chance que ça l’intéresse.

 — De toute façon, j’ai pas le choix, c’est vous qui poussez ma brouette !

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