Une mystérieuse lettre

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 Après les cours, les quatre filles firent route ensemble jusque chez Jacky. Cette dernière menait la marche avec enthousiasme. En bonnes pipelettes, elle et la gobeline évoquèrent tout un tas d’activités qu’elles pourraient faire ensemble le lendemain. À les entendre, il était difficile de deviner que l’épouvantail n’avait pas encore eu l’occasion de demander la permission pour organiser cette soirée pyjama.

 — On pourrait dormir sous tente, aussi ! Si on veut observer les étoiles, ce sera plus pratique !

 — Bonne idée, mais il faudra qu’on prépare de l’anti-moustique, j’ai horreur de ces bestioles !

 — Maintenant que tu le dis, moi, je me méfie plutôt des limaces…

 Agatha, qui poussait la brouette de Lisa à l’arrière, les écoutait débattre avec enthousiasme. La graine d’idée qu’elles avaient plantée avait eu le temps de fleurir depuis la récréation. Il ne leur restait plus qu’à avoir confirmation auprès de l’arrière-grand-mère de Jacky.

 Mais alors qu’elles approchaient de la demeure des épouvantails, un détail attira l’attention d’Agatha. Une calèche aux couleurs de la police était stationnée sur le côté. La petite sorcière échangea un regard avec Lisa. Celle-ci avait soudain perdu quelques couleurs. Pour le portrait, elles tombaient au mauvais moment. Pour Agatha, au contraire, c’était peut-être l’occasion de collecter quelques indices. Inconscientes de ce qui se tramait, Jacky et Béatrice n’avaient rien remarqué.

 Le Manoir Pumpqueen était une vieille bâtisse, couverte de lierre à l’excès sur les façades et même aux fenêtres. Si l’état du bâtiment pouvait poser question, le jardin, lui, était particulièrement bien entretenu. Un vaste potager était rempli de citrouilles, courges, melons et autres cucurbitacées en tous genres. Des buissons et parterres de fleurs colorées ou de plantes carnivores venaient égayer l’ensemble. Une grande cabane de jardinier se trouvait un peu à l’écart, seul rempart contre la végétation.

 Jacky frappa à la porte d’entrée. C’est la domestique de la famille qui leur ouvrit. Celle-ci, une dame araignée, se dressait sur deux fines pattes noires. Elle retenait les portes de deux autres et, des quatre restantes, leur fit signe de faire le moins de bruit possible.

 — Un problème, Gipsy ? s’étonna Jacky en la dévisageant.

 — Désolée, mademoiselle, mais Madame s’entretient avec ces messieurs de la police. Elle m’a demandé de ne surtout pas la déranger.

 — Oh, d’accord, ce n’est pas grave, on va attendre un peu dehors, alors…

 Disant cela, Jacky tenta tout de même de jeter un regard furtif vers une pièce adjacente. Elle recula ensuite et se tourna vers ses amies d’un air coupable.

 — Il vaut mieux ne pas l’embêter maintenant. Grand-mamy peut être de très mauvaise humeur. Normalement, elle fait une sieste et se réveille à peu près quand je reviens de l’école. Mais si on est venu la déranger avant, elle doit râler…

 — Oh, je n’aimerais pas être à la place du policier, ricana Béatrice.

 — Je me demande quand même ce qu’ils veulent à Grand-mamy…

 Agatha fronça les sourcils sans rien ajouter. Impossible d’écouter aux portes avec la domestique dans les parages, et encore moins si elle se trouvait avec Jacky. Comment pourrait-elle justifier ses actes alors que son amie ne semblait même pas au courant du meurtre de Victor Minka ? C’est Lisa qui lui offrit la solution sous forme de jeu.

 — On peut jouer silencieusement. Pourquoi pas un cache-cache ? Sans course, on reste planquée tant qu’on n’est pas trouvée et on évite de crier quand c’est le cas.

 — Bonne idée ! Tu t’occupes de Lisa, Agatha ?

 — Je m’occupe de Lisa.

 — On est chez moi, j’ai l’avantage, alors je compte !

 L’épouvantail se retourna aussitôt et entama un décompte jusque cent. Béatrice fila aussi vite que possible en direction du potager, convaincue qu’une citrouille serait capable de la dissimuler en entier. Quant à Agatha, après avoir attrapé le tableau de Lisa, elle hâta le pas et longea les murs de la bâtisse.

 Les deux copines profitèrent de la végétation pour rester les plus discrètes possibles. La fortune leur souriait car, en passant devant les fenêtres, elles aperçurent entre les tiges de lierre trois adultes dans la salle à manger. Deux policiers leur faisaient dos. Face à eux, une vieille épouvantail était couverte d’un épais manteau de fourrure et d’un long châle. Contrairement à Jacky, elle avait un gros pâtisson en guise de tête. Heureusement, avec les tiges de lierre, aucun d’eux ne semblait avoir remarqué leur présence. Agatha s’accroupit en silence et posa le cadre de Lisa contre le buisson. Toutes deux, elles dressèrent l’oreille. En effet, comble de la chance, une fenêtre était entrouverte.

 — Vous êtes sûre de ce que vous affirmez ? demanda le papa de Romulus.

 — Bien sûr, répondit une voix aigre qui devait être Madame Pumpqueen. Ce n’est pas de gaité de cœur que j’accuserais mon petit-fils, vous savez. Néanmoins, s’il a commis un crime, alors il doit l’assumer.

 — Nous n’en sommes pas encore là, madame, mais je reconnais que ce que vous me dites là est assez troublant. Comment en êtes-vous venue à croire que son ami le faisait chanter ?

 — Je ne le qualifierais pas d’ami, commissaire. Pas après ça. C’était il y a quelques jours, une lettre trainait sur son bureau. Elle a attiré mon attention parce qu’elle était écrite sur du vieux papier, on aurait dit du papyrus.

 — Vous l’avez donc lue ?

 — Oui. Quand j’ai voulu en parler avec Théodore, il m’a dit qu’il n’aurait pas besoin de mon argent, cette fois-ci, qu’il règlerait ça autrement…

 De l’autre côté du mur, Agatha et Lisa écoutaient l’interrogatoire avec des yeux gros comme les potimarrons du potager. Mais elles furent interrompues par des bruits de pas qui se dirigeaient vers elles. Jacky se faufilait tout près avec un grand sourire. Elle leur fit signe de la suivre, inconsciente de ce qu’elle interrompait. Dépitée, Agatha attrapa Lisa. Hélas, leur camarade n’avait pas été aussi discrète qu’elles et l’attention de madame Pumpqueen, puis celle des agents de police, se porta sur les trois gamines qui jouaient dehors.

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