Agatha Petipois a du culot

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 Alors que les filles se regroupaient de nouveau devant l’entrée du manoir, les portes s’ouvrirent à la volée. La colère du commissaire Scotyard avait dû réveiller sa pilosité car il était désormais couvert de fourrure. D’une vitesse impressionnante, il vint se planter face à Agatha, les mains sur les hanches. Sa mâchoire aussi avait subi quelques transformations, car de longues dents dépassaient de ses lèvres. Ses yeux d’un jaune vif la fusillaient.

 — Miss Petipois, gronda-t-il d’une voix qu’il tentait de garder calme. Puis-je savoir ce que vous venez faire ici ?

 C’est dans ces moments-là qu’on comprenait pourquoi Romulus préférait éviter de provoquer l’ire de son père. Dans son tableau, Lisa se sentit presque défaillir, alors que ces reproches ne lui étaient pas directement adressés. Sur le côté, Jacky et Béatrice étaient partagées entre surprise sincère et angoisse croissante. Mais Agatha, elle, adressa un grand sourire au commissaire. La petite sorcière lui répondit d’un ton détaché, feignant l’ignorance.

 — Jacky m’a invitée à venir jouer, monsieur Scotyard. Et vous, qu’est-ce que vous faites ici ? Vous n’étiez pas censé enquêter sur cette terrible affaire ?

 Devant tant de culot, Lisa eut bien du mal à réprimer un gloussement nerveux. Le commissaire lui-même parut dépourvu. Ses longs sourcils velus se froncèrent et il ouvrit la bouche pour répondre, sans qu’aucun son n’en sorte. Son regard passa un instant sur les trois autres enfants. Il n’était pas dupe, mais l’excuse de la petite sorcière n’en restait pas moins acceptable. Finalement, il souffla un coup et fit un signe son collègue qui discutait avec Gipsy.

 — Je vais passer l’éponge cette fois-ci, grogna-t-il en s’avançant vers la sortie de la propriété. Mais que je ne te surprenne pas à écouter aux fenêtres la prochaine fois !

 — Oh, vous partez déjà ? s’étonna la sorcière en lui courant après. Vous ne deviez pas… fouiller pour trouver la lettre ?

 Elle avait attendu d’être à bonne distance de Jacky pour poser la question. Si elle allait devoir s’expliquer sous peu avec elle, autant éviter de pointer une évidence qu’elle risquait de ne pas apprécier, à savoir l’implication de son oncle.

 — Ce n’est pas aussi simple. Je dois obtenir un mandat, le justifier auprès du juge, qui est un bon ami avec Scott, le frère de Théodore. Quand j’ai voulu les interroger hier, Scott s’est montré très protecteur, en bon avocat… Puis, il se pourrait qu’une autre grande famille soit mêlée à tout ça, et je ne veux rien précipiter…

 Une déclaration qui figea Agatha. Une autre grande famille ? Ce n’est pas ce qui manquait, à Halloween, mais le ton qu’avait employé le commissaire ne laissait pas indifférent. La sorcière savait, par Romulus, que la police essayait depuis longtemps de faire tomber un personnage particulièrement riche et influent : Le comte Lestat Carotide, le papa de Jérémy. Hélas, le vampire parvenait toujours à prouver son innocence ou, à défaut, pointer l’absence de preuve tangibles.

 — Je ne te veux plus dans mes pattes, Agatha, lança le loup-garou. C’est une affaire d’adultes. Passe quand même le bonjour à ta mère.

 Agatha resta interdite en arrière tandis que le deuxième agent de police lui passait devant. En temps normal, elle aurait été frustrée et boudeuse d’être rabrouée pour sa jeunesse. Au lieu de cela, ses petites cellules grises étaient en effervescence. Bien sûr, elle pouvait se tromper sur les Carotide, peut-être qu’il parlait d’une autre famille. Mais si elle avait vu juste, cela rendait son enquête encore plus palpitante que prévue !

 Elle finit de se ressaisir et courut rejoindre ses trois amies. Celles-ci avaient finalement pu rentrer à l’intérieur du manoir. Agatha les retrouva au pied des escaliers en compagnie de Gipsy. Madame Pumpqueen, elle, peinait à monter les escaliers.

 — Tu comprends, mamy, c’est pour la lune de sang, ça arrive pas souvent, tu sais !

 — Nous en discuterons plus tard, ma chérie, répliqua sa grand-mamy sans même la regarder. Je vais encore me reposer un moment, ces messieurs ne se rendent pas compte que j’ai besoin de sommeil pour être en forme. Ces goujats, je ne veux plus en entendre parler !

 — Madame, vous ne voulez vraiment pas…

 — Non, Gipsy, je peux me débrouiller seule !

 Elles la regardèrent atteindre le palier à l’étage et disparaitre derrière la porte de sa chambre. La dame-araignée inspecta ensuite le vieux pendule et se hâta de rejoindre les cuisines pour préparer le souper. Jacky, enfin haussa les épaules face à ses copines.

 — Je vous téléphonerai demain matin pour vous dire si c’est toujours bon, soupira l’épouvantail. Désolée, mais quand elle n’a pas eu ses heures, elles est vraiment toute ronchonne !

 Puis elle se tourna vers la petite sorcière. Les deux trous qui servaient d’yeux dans sa citrouille se contractèrent pour lui donner un air suspicieux.

 — Tu n’as rien à me dire, Agatha ? C’est quoi cette histoire ?

 — Oh, eh bien, hier, en sortant de la bibliothèque, on a croisé le commissaire en plein sur une scène de crime. Tu me connais, j’ai voulu en savoir plus, mais il a refusé. Mais je ne pouvais pas deviner qu’il serait ici à enquêter !

 — Enquêter ici ? répéta Jacky, soudain plus inquiète que fâchée. Mais on n’a rien fait ! Qu’est-ce qu’il va s’imaginer ?

 Agatha et Lisa échangèrent un regard. Le portrait était très impressionné par l’audace de son amie. Surtout, cette dernière n’avait pas menti. Elle s’était contentée de ne pas tout révéler. Mais l’enquêtrice en herbe hésitait à en dire plus.

 — Écoute, Jacky, il faut que tu saches que… la victime, c’était Victor Minka. Tu sais, l’ami de ton oncle dans son livre ? Alors du coup, je suppose qu’ils le suspectent.

 — Tonton Théo, un tueur ? Ça, c’est la meilleure ! C’est pas possible ! Tu crois pas ça, toi, quand même ?

 — Bien sûr que non ! D’ailleurs, je suis sûre que la police, ou quelqu’un d’autre, prouvera vite son innocence !

 Rassurée, Jacky changea de sujet et leur proposa plutôt un programme pour la journée du lendemain. Elle libéra ensuite ses trois amies et Béatrice repartit de son côté. Une fois seules, Lisa s’extirpa de son tableau pour regarder Agatha tandis que celle-ci poussait sa brouette.

 — Je suis épatée par ton sang-froid. Comme tu as parlé au commissaire, et même à Jacky juste après !

 — C’est simple, il suffit de ne dire que des vérités !

 — Enfin, tu as quand même sous-entendu que son tonton était innocent. Mais tu as entendu comme moi, c’est super louche, cette lettre !

 — Oh, mais je pense vraiment que, tant qu’on n’a pas plus de preuve, on ne peut pas encore affirmer qu’il soit coupable.

 — Mouais. Tu serais surtout déçue si c’était trop facile, non ?

 Appliquant sa propre astuce de ne dire que la vérité, la petite sorcière resta muette comme une câpre.

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