Les doutes d'Agatha Petipois

4 minutes de lecture

 Le premier jour de la semaine, à l’école, on laissait aux élèves l’occasion de jouer à des jeux de société au lieu de sortir pour la récréation de midi. On appelait cela le lundi-loisir. C’était le moment préféré de Lisa car elle n’était pas défavorisée à cause de son tableau. Agatha l’y amenait et elles disputaient des parties, parfois en compagnie de Romulus ou de Juliette. Cette dernière, cependant, restait focalisée sur son jeu préféré : échelles et serpents.

 Aujourd’hui, les quatre amis s’étaient rassemblés autour du plateau soigneusement disposé par la gorgone. Au lieu de se servir des serpents en carton qui se trouvaient dans la boite de jeu, Juliette avait dispatché ses propres reptiles, ceux qui s’agitaient dans sa chevelure au rythme de son humeur. Romulus les surveillait avec méfiance. Lisa, par contre, était habituée et se saisit des dés pour démarrer.

 — Faut se réveiller, Agatha, t’as l’air complètement ailleurs, souligna la gorgone face à une sorcière qui n’avait pas remarqué que c’était son tour.

 — Oups, pardon !

 Agatha lança les dés mais n’avança pas plus son pion, déjà de retour dans ses pensées. Magnanime et amusée, Juliette le fit à sa place.

 — Comme dirait M.Mate, la nuit, il faut essayer de dormir.

 — Laisse, elle est encore obnubilée par son enquête, soupira Romulus.

 — Quoi, tu enquêtes vraiment sur le mort de la gare ?

 — Et pas que…

 Lisa et Agatha s’associèrent pour raconter leur week-end chez les Pumpqueen, la soirée pyjama, le meurtre de la Grand-Mamy et l’arrestation de l’écrivain. Si Juliette essaya de cacher sa déception de ne pas avoir été conviée, ses serpents, eux, furent moins discrets.

 — C’est donc pour ça que Jacky n’est pas là aujourd’hui… De ce que j’entends là, je comprends la police. Il avait toutes les raisons d’en vouloir au sphinx, puis à sa grand-mère.

 — Il y a quand même des choses qui clochent dans cette histoire. Je me pose pas mal de questions…

 — Est-ce que tu as eu le temps de vérifier pour le woua… l’oya… le poison ?

 — Je n’ai pas appris grand-chose de plus. Seulement que, même à petite dose, ça peut provoquer un arrêt cardiaque, plus particulièrement si on est sensible.

 — Et où est-ce qu’il aurait pu dénicher ça ?

 — J’ai deux possibilités. La première, c’est la Clinique du Saint-Sortilège, parce que c’est parfois utilisé en médecine. La seconde, c’est le jardin botanique de la ville, là où travaille le papa de Jacky. Mais j’ignore s’il y a un de ces arbres là-bas.

 — Mais alors, comment Théodore Pumpqueen s’en serait procuré, lui ? demanda Juliette en empruntant une échelle pour avancer sur le plateau de jeu.

 — Justement. C’est ça que je trouve louche.

 — Est-ce qu’un des parents de Jacky pourrait être son complice ? proposa Romulus en dévisageant un serpent qu’il était censé suivre avec son pion.

 — N’empêche, qui d’autre que lui aurait pu utiliser une fléchette empoisonnée ? pointa Lisa en secouant les dés. C’est lui qui s’est rendu en Amérique, non ?

 — On a pu lui voler dans ses affaires pour l’accuser, justement.

 — Oui mais ça ne doit pas être si simple de tirer sur quelqu’un discrètement, si ? Faut bien viser, et assez fort pour que la flèche envoie le poison, non ?

 La remarque de la gorgone provoqua d’intenses réflexions chez la petite sorcière. Juliette soulignait un point important : Comment le meurtrier a-t-il fait pour tuer Victor Minka sans se faire attraper ? Sortir une sarbacane de sa poche ne devait pourtant pas passer inaperçu ! Et s’en servir était-il simple ? Comme elle ne réagissait pas, ses camarades passèrent son tour et Juliette commença le sien.

 — Romulus, toi qui lis « Aventure en pleine jungle », est-ce qu’il apprend à se servir des sarbacanes ?

 — Oui, confirma le loup-garou en hochant la tête. Il dit qu’il était plutôt doué mais que son ami est passé à côté de la catastrophe en aspirant la première fois au lieu de souffler.

 — Tiens, d’ailleurs, dans le livre, est-ce qu’il est question de souci de santé de Victor Minka ? demanda la sorcière pendant que les autres riaient en s’imaginant la scène.

 — Quelques fois, il était cardiaque et c’est pas passé loin quand ils ont échappé au naufrage.

 — Donc, Théodore Pumpqueen était au courant.

 — Non Lisa. En fait, s’il le dit dans son livre, tout le monde est au courant.

 Le portrait perdit son sourire. Non seulement son pion venait de tomber sur un serpent, mais en plus elle n’avait pas vu les choses de cette manière. Décidément, Agatha savait justifier ses doutes.

 — J’ai une idée, s’exclama Juliette. Pour les sarbacanes. On en avait fabriqué avec Romain, une fois, en utilisant des stylos-billes. Je vais chercher chez moi pour voir si je les retrouve et vous n’aurez qu’à venir demain pour qu’on les teste après nos devoirs ! Ça vous dit ?

 — Avec plaisir ! Oh et, Romulus, j’ai aussi un petit service à te demander…

 — Oui… ? répondit le loup-garou, le visage rempli de méfiance.

 — Ton papa avait évoqué l’implication du Comte Carotide, j’aimerais bien savoir ce qu’il vient faire dans cette histoire.

 — Agatha, tu sais bien que papa refuse que je m’en mêle ! Il voudra jamais rien me dire et il va mal réagir si je pose des questions.

 — Je sais, il veut qu’on reste à l’écart. Mais… j’ai fouillé le livre de recette de ma maman hier soir, entre deux nouvelles d’Agatha Christie. Et je crois que j’ai trouvé ce que je voulais. Il faut juste que je te le prépare.

 Le loup-garou avait les yeux écarquillés. Voulait-elle vraiment qu’il fasse boire une potion de vérité à son père pour le bien de son enquête ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire C.Lewis Rave ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0