L'enterrement

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 Le mercredi matin, Germaine Pumpqueen fut enterrée au terme d’une petite cérémonie sobre et sans prétention. Si Agatha n’avait pas pu y assister, sa maman et elle se rendirent au manoir dans l’après-midi afin de présenter leurs condoléances et d’assurer le soutien à la famille.

 Il y avait déjà foule quand elles arrivèrent. De nombreux monstres avaient tenu à être présents. Après tout, les épouvantails étaient bien connus à Halloween. Mais plus encore, c’était la curiosité qui en avait poussé plus d’un à venir au manoir. Les rumeurs de l’arrestation de Théodore, le fameux écrivain, avaient traversé la ville comme une trainée de poudre.

 S’étant attendus à être envahis de monde, les Pumqueen avaient commandé des paniers entiers remplis de ces pâtisseries sucrées qu’Agatha ne voyait jamais qu’aux enterrements. La sorcière en grignotait un lorsqu’elle aperçut Romulus et Juliette, un peu plus loin qui lui faisaient signe. Sans hésiter, elle faussa compagnie à Clarisa qui discutait avec M. Cheese, le bibliothécaire.

 — Jacky est dans sa chambre avec Béa, l’informa Juliette en désignant d’un geste de tête les escaliers.

 — Allons-y ! Ton papa est là, Rom’ ?

 — Non, je suis venu avec maman. Papa est déjà passé, ce matin, pour escorter M. Pumpqueen.

 — On l’a laissé assister à l’enterrement ? s’étonna la gorgone.

 — Faut croire. Il a toujours pas avoué.

 Une fois les escaliers gravis, la petite bande retrouva l’épouvantail en deuil en compagnie de sa meilleure copine gobeline. Aujourd’hui, Jacky portait une robe toute noire. Elle qui adorait se déguiser, ça ne lui allait pas si bien, pensait la sorcière. Toujours secouée de quelques hoquets, elles étaient installées devant un ordinateur portable et regardaient un dessin animé. Comme elles s’aperçurent de leur présence, Béa mit pause et Jacky se leva pour accueillir Agatha qu’elle n’avait plus vue depuis dimanche.

 — Toutes mes condoléances, Jacky, lui dit la sorcière en la serrant dans ses bras.

 — Merci, Agatha…

 Elles relâchèrent leur étreinte et l’épouvantail essuya d’un geste une larme persistante.

 — Dis-moi que tu as trouvé quelque chose, n’importe quoi, pour innocenter Tonton…

 Agatha la regarda avec beaucoup de peine. Non, elle n’avait pas encore tiré cette histoire au clair. Elle avait des pistes. De nombreuses pistes ! Mais comment dire à son amie que la plupart risquait de désigner un autre de ses proches comme coupable ? Et encore, seulement si Théodore Pumpqueen était vraiment innocent. Aussi se contenta-t-elle d’assurer qu’elle continuait ses investigations.

 — Qu’est-ce que vous regardez ? demanda Juliette en s’asseyant derrière Béatrice.

 — C’est le dessin animé qu’ont fait la maman de Jacky et son frère. Ça s’appelle Scary Boo.

 La gobeline relança l’épisode. Scary Boo et ses compagnons étaient en train de poursuivre humain à travers une série de portes qui s’ouvraient sans aucun sens. La situation fit sourire les enfants et même Jacky se laissa distraire.

 — Vous l’avez trouvé sur la Toile ?

 — Oui, c’est papa qui l’a trouvé en fouillant bien. Il trouvait dommage qu’on ne puisse plus le voir sans magnétoscope.

 Les enfants regardèrent la fin du dessin animé. L’humain était finalement capturé et renvoyé ailleurs, non sans avoir fustigé la bande de gamins qui lui avaient mis des bâtons dans les roues. Une fin qui satisfaisait énormément Agatha. Ce n’était pas parce qu’ils étaient des enfants qu’ils ne pouvaient pas régler les soucis tous seuls ! Comme le générique se lançait, Béatrice cliqua sur le côté pour lancer immédiatement l’épisode suivant. Cependant, la sorcière n’eut pas le temps d’en voir plus que Gipsy venait les interrompre.

 — Miss Petipois ? Votre maman vous cherchait. Dois-je lui dire que vous êtes ici ?

 — Oh, non, merci Gipsy, je vais la rejoindre. Au revoir, Jacky et encore force à toi.

 L'épouvantail la remercia d’un sourire triste et son amie lui fit une dernière accolade avant de quitter la pièce en compagnie de la dame araignée. Elles rejoignirent les adultes au rez-de-chaussée et la sorcière fila vers sa mère, qui bavardait avec Florence Pumpqueen. Celle-ci portait, comme sa fille, une robe de deuil sombre et sobre. Manifestement, elle venait de refuser une aide que Clarisa lui avait proposée par politesse.

 — Tu as pu prendre des jours de congé pour tout ça, au moins ?

 — Oui, pour moi, ça n’a pas été compliqué. Si tu savais, j’ai eu des horaires pas possibles ces derniers jours ! Ça faisait bien huit semaines que je n’avais plus eu de week-end libre, et voilà ce qui arrive. Non, mon chef a été compréhensif. Mon mari, par contre, c’est une autre histoire. Une partie de ses collègues sont déjà en vacances, il n’a pas eu droit à grand-chose. Il est là aujourd’hui, au moins. C’est déjà ça.

 Elle soupira puis adressa un sourire bienveillant à la petite sorcière qui se faisait toute discrète. L’épouvantail à tête de butternut la remercia pour le soutien qu’elle avait apporté à sa fille le jour du décès et lui proposa de reprendre une pâtisserie, ce qu’elle accepta volontiers. Intérieurement, Agatha était rassurée. Elles n’avaient pas eu l’air de discuter du sujet qui l’inquiétait : son excuse bidon, la prétendue amie à qui sa mère était censée rendre visite le dimanche matin. Si Clarisa avait appris que sa fille avait menti pour rester sur place, elle aurait sûrement écopé d’une sévère punition. Des brocolis, par exemple.

 — Tu sais, je crois que ça ferait plaisir à Jacky d’avoir des amies à la maison pour l’aider à rattraper les cours qu’elle a manqué cette semaine. Béatrice a déjà dit oui, je peux aussi compter sur toi ? Gipsy vous fera une nouvelle tarte.

 — Bien sûr, madame Pumpqueen, vous pouvez compter sur moi !

 — Très bien, alors à demain, Agatha. Fais passer le message à tes camarades, d’accord ?

 Florence Pumpqueen lui adressa un clin d’œil puis se détourna pour aller à la rencontre de nouveaux arrivants. La petite sorcière resta pensive un instant. Demain, ça fera une semaine que Victor Minka avait été assassiné. C’était le temps qu’elle avait mis à chacune de ses deux enquêtes précédentes. Jamais deux sans trois, disait-on. Mais si elle voulait réussir cet exploit, elle allait devoir cogiter plus que jamais ce soir !

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