Les hypothèses d'Agatha Petipois

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 Ce jeudi après-midi, il y avait du monde dans le salon des Pumpqueen. Les parents de Jacky étaient là, bien sûr, assis côte à côte dans un fauteuil deux places. Dans son siège près de la cheminée patientait l’oncle Scott qui s’était permis de demander un verre de whisky à Gipsy. La dame-araignée, particulièrement mal à l’aise, se tenait près de la porte, prête à s’éclipser dès qu’on lui en donnerait l’ordre ou, mieux, la permission. Plusieurs enfants étaient aussi présents, assis par terre, dos à la cheminée. Jacky n’avait pas encore quitté sa robe de deuil. Son amie gobeline lui serrait la main pour lui donner un peu de courage. Juliette, enfin, soutenait le cadre de Lisa. Les copines avaient répondu à l’appel de madame Pumpqueen et travaillaient avec sa fille pour la remettre en ordre depuis leur retour de l’école.

 Cependant, la liste ne s’arrêtait pas là. Dans un autre siège, tonton Théo patientait. Son visage exprimait l’inquiétude et la fatigue. Il n’était plus revenu au manoir depuis son arrestation et n’était pas encore libre pour autant. Des menottes se trouvaient à ses poignets. Derrière lui, le commissaire Scotyard ne le quittait pas des yeux. Le papa de Romulus paraissait particulièrement fâché. Ses traits s’étaient froncés quand il avait compris qui avait demandé à ce que cette petite réunion ait lieu.

 — Merci à tous d’être venus, commença Agatha, debout pour faire face à toute cette assemblée. Je voulais vous faire part des conclusions de l’enquête que j’ai menée de manière personnelle tout au long de cette semaine.

 — Miss Petipois, je pensais pourtant avoir été clair ! Nous n’avons pas de temps à perdre avec vos sottises !

 — Je suis désolée, commissaire, mais mes sottises n’avaient pour but que de trouver la vérité et, sans me vanter, je crois avoir réussi à toucher celle-ci du doigt.

 — Laissez-la parler, commissaire, intervint l’oncle Scott en déposant son verre sur une table basse. Si elle a vraiment découvert quelque chose d’intrigant, ce serait dommage de passer à côté sous prétexte que c’est une enfant.

 — Agatha a déjà percé plusieurs mystères, intervint alors Béatrice avec toute la spontanéité d’une enfant. Elle est super maligne !

 Le commissaire voulut répondre mais se contenta finalement de souffler sa mauvaise humeur et de croiser les bras. S’il n’avait pas été si grand ni couvert de fourrure, on aurait dit un enfant qui boudait.

 — Je vous remercie de me faire confiance. Bien, tout d’abord, je crois qu’un petit rappel des faits ne fera pas de mal. Toute cette histoire commence jeudi passé, lorsque Victor Minka est retrouvé mort à la sortie de la gare. Ici, je pars de plusieurs suppositions suite à mes observations. Je vais avoir besoin de vous, commissaire, pour confirmer ce que je pensais jusqu’ici. Est-ce que vous pouvez me dire si, lorsque vous nous avez trouvés près de la scène de crime, Victor Minka était bien décédé depuis plus d’une heure ?

 — C’est exact.

 — Bien. Il faut savoir que nous étions auparavant en compagnie de Monsieur Théodore Pumpqueen, tonton Théo comme Jacky aime l’appeler. Pendant environ une heure, il nous avait parlé de son livre, mais nous n’avions aucune idée de ce qu’il faisait avant d’arriver à nous. Le fait que le meurtre de Victor Minka se soit sûrement produit avant sa conférence est à noter.

 Tout le monde acquiesça, certains plus lentement que les autres. Jacky se mordait les lèvres. Agatha n’était-elle pas censée prouver l’innocence de son tonton ? C’était pourtant tout le contraire qu’elle pouvait en déduire ici.

 — Très vite, commissaire, vous avez suspecté le tonton Théo. C’est notre faute, je m’en rends compte, car nous vous avons tout de suite parlé d’Aventure en pleine jungle quand vous nous avez révélé le nom de la victime. La coïncidence était assez évidente, il faut le reconnaitre. J’ai cru comprendre que vous aviez tenté d’interroger votre suspect le jour même.

 — C’est effectivement le cas, intervint Scott sans laisser au commissaire le temps de répondre. J’étais avec Théodore, nous buvions un verre entre frères avant de rentrer au manoir.

 — Et bien sûr, vous avez pris la défense de votre frère. On ne pouvait en attendre autrement d’un avocat de votre renommée, monsieur. Vous avez ainsi fait comprendre au commissaire qu’il lui faudrait plus que ça pour l’arrêter. Et pourtant, monsieur Scotyard avait déjà une sacrée bonne raison de penser Théodore coupable. L’arme du crime.

 — Et quelle était-elle ? demanda le papa de Jacky en serrant sa femme plus fort contre lui.

 — Une fléchette empoisonnée à base d’ouya… d’ouabaïne, répondit Agatha en jetant un coup d’œil rapide sur un post-it.

 — Miss Petipois, puis-je savoir comment…

 — Ce n’est pas important, commissaire. Ce qui l’est, c’est que tout semblait coïncider. Qui d’autre que l’écrivain qui a passé des années dans la jungle avec des tribus indigènes, soi-disant, pourrait utiliser ce type d’arme farfelue pour tuer quelqu’un ? D’autant plus que vous avez appris, le lendemain, que M. Pumpqueen avait une bonne raison de vouloir envoyer son ancien ami au paradis !

 — Et quelle était cette raison ? s’étonna Florence.

 — Une lettre, découverte par la Grand-Mamy de Jacky. Selon elle, Victor Minka faisait chanter le tonton Théo au sujet de son livre. Il lui réclamait une forte somme d’argent. C’est ce que j’ai entendu, par hasard, en me cachant près d’une fenêtre ouverte…

 Tous les regards alternèrent du commissaire à Agatha. Le loup-garou était furieux, même s’il n’apprenait rien sur le moment. Après tout, il l’avait déjà grondée après l’avoir surprise sur place.

 — Hélas, quoi de plus facile à faire disparaitre qu’une lettre ? Il suffit de la jeter dans la cheminée, et on n’en parle plus. Vous ne l’avez jamais retrouvée, pas vrai ?

 — Non, effectivement.

 — Parce qu’elle n’existe pas, grommela Théodore Pumpqueen. Je ne sais pas ce que Grand-Mamy vous a raconté, mais il n’y a jamais eu de lettre, je vous l’ai déjà dit…

 — Pourtant, elle l’affirmait encore vendredi ! l’arrêta Agatha. Et vous suspecter de meurtre, n’était-ce pas une raison suffisante pour elle de modifier son testament ? Lorsque nous sommes revenues ici, samedi, nous avons assisté à une petite dispute des adultes. Le papa de Jacky y soulignait qu’il avait entendu la Grand-mamy prendre rendez-vous avec son notaire. L’apprendre a dû vous mettre dans tous vos états !

 — Je n’ai pas tué Grand-Mamy !

 — Gipsy a pourtant reconnu que vous vous étiez disputé avec elle dans sa chambre ! Vous êtes la dernière personne à l’avoir vue vivante !

 — Je ne suis pas allé dans sa chambre !

 — Oui monsieur. Je vous crois.

 Tout le monde écarquilla les yeux. Le commissaire fut tellement surpris qu’il fut secoué d’une quinte de toux. Gipsy laissait pendre ses six bras comme s’ils étaient vides, la bouche grande ouverte. Jacky, qui commençait à perdre espoir, soupira de soulagement et joignit les deux mains dans l’attente des prochaines révélations. Agatha garda encore le silence un petit instant, satisfaite de son effet.

 — Je pense que vous êtes innocent, monsieur. En fait, je pense que, depuis le début, nous nous sommes trompés de victime. Ces deux meurtres n’avaient pas pour but de faire taire un maitre chanteur ou d’empêcher une vieille dame de modifier son testament. Ils avaient pour unique but de vous envoyer en prison.

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