Chapitre 5 : Première leçon

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Ilona avait les yeux rivés sur son écuelle, essayant d'ignorer la présence malaisante de la femme qui était restée dans la minuscule chambre après lui avoir apporté son plateau repas. La jeune fille des mers avait dormi d'une traite, d'un sommeil sans rêve et aussi réparateur que pouvait être le sommeil d'une captive. C'était la femme qui l'avait réveillé pour son repas et elle ne semblait pas vouloir partir. Elle se tenait là, immobile, le regard légèrement baissait, mais Ilona était sûr de sentir son regard sur elle.

Ce ne fut que quand son écuelle fut vide que la servante bougea enfin. Elle débarrassa le plateau en le déposant dehors à côté de la porte et se dirigea vers l'armoire. Elle en sorti une nouvelle longue chemise et une robe simple.

— Nous devons nous dépêcher, mademoiselle. Izar Roan ne va pas tarder à venir vous chercher. Il ne serait pas bon que vous ne soyez pas prête.

Ilona ne protesta pas et se laissa vêtir comme la veille. Elle accepta de nouveau cette tradition obscure de fermer les yeux quand elle fut nue et revêtit sans rechigner la longue chemise puis la lourde robe de lin. Elle laissa la femme serrer les cordons qui enserraient sa taille et sa poitrine, même si elle trouva cela fort désagréable. Elle ne put toutefois s'empêcher de questionner la femme sur la nécessité de la présence étouffante de ses cordons.

— Il faudra vous y habituer, mademoiselle, répondit simplement la femme sans s'émouvoir. Bientôt, vous allez devoir porter le corsé comme toutes les dames de votre rang.

Ilona ne savait pas ce que c'était un corsé, mais si cela était pire que les cordons, cela n'augurait rien de bon. Mais elle n'eut guère le temps d'y réfléchir davantage que la femme l'avait entrainé vers la chaise pour l'y asseoir et coiffer sa chevelure désordonnée avant de la recouvrir d'une coiffe de tissu. À peine ce fut fait que l'on tambourina violemment contre la porte.

Sans attendre de réponse, la porte s'ouvrit dans un violent claquement, faisant sursauter Ilona. Le visage haineux de Roan apparut dans l'encadrement de la porte :

— Tu as intérêt à être prête ! aboya-t-il, mauvais.

La femme lui lança un regard effrayé en se courbant profondément dans une révérence respectueuse :

— Elle est prête, Izar.

Sans même un regard pour l'esclave, il posa ses yeux pleins de jugement sur la silhouette sculpté de la jeune fille. Il eut un sourire torve :

— Je vois ça, en effet. Et je comprends mieux maintenant pourquoi son excellence s'intéresse à toi… Si tu ne sers à rien, au moins il pourra vendre ton corps…

Ilona se redressa, outrée. Elle le défia méchamment du regard, mais serra fermement la mâchoire pour s'empêcher de dire des paroles juste, mais qui la renverrait directement dans la cage. Il fallait qu'elle se taise. Il fallait qu'elle se taise.

Tout dans ses propos et les sous-entendus qui allaient avec la révoltait. Vouloir vendre un corps… Comme si un corps était un objet ! Et pire encore, il n'était pas normal qu'un adulte porte un tel regard sur le corps d'une enfant. Bien sûr, pour son peuple, elle serrait bientôt officiellement adulte. Toutefois, même adulte, tant qu'elle n'aurait pas vingt ans, elle serait traitée différemment que les autres adultes. Bien qu'aucune règle ne le spécifie clairement, il était amoral sur la barge qu'un adulte de plus de vingt de portée un regard sexué sur un adulte d'une quinzaine d'année. Mais même sans ça, Ilona était encore une enfant pour au moins un mois, il était donc intolérable que Roan qui semblait avoir dépassé la vingtaine puisse porter un regard aussi pervers sur elle.

Bien sûr, Ilona savait que tous les peuples ne considérait pas l'âge adulte de la même manière. Par exemple, dans l'empire, une fille pouvait se marier dès ses premiers sangs. Cela devait signifier qu'elles étaient adultes pour les zhikerhotes. Mais, elle savait également que pour les féänoriens, le peuple dont était originaire Roan, l'on considérait que l'on devenait adulte au cours de sa dix-neuvième année et seulement si l'on réussissait à passer certaines épreuves. Ce n'était que lors de la vingt-troisième année que ceux qui n'avaient pas réussi leurs épreuves était toute de même considérait comme adulte. Ilona estimait qu'il avait certainement plus de dix-neuf ans et avait peu de doute qu'il avait effectivement passé de peu sa vingt-troisième année.

La colère et le dégoût que ressentit alors Ilona ne lui fit pas perdre sa lucidité. L'homme en fasse d'elle avait totalement perdu son regard de féänorien pour la regarder comme seul un zhikerhote pouvait le faire. Derrière la colère, la jeune fille de la mer ne put s'empêcher de ressentir une profonde tristesse et une grande empathie. Qu'avait vécu cet homme pour changer à ce point sa vision du monde, pour oublier les valeurs de son peuple et de sa culture. Est-ce cela le sort que lui réservait l'élu ? La déconnecter de ses origines au point qu'elle trouve normal quelque chose qui l'aurait révolté normalement ? Serait-elle capable de résister contrairement à ce jeune homme ?

Cette cruelle pensée lui fit baisser les yeux, au moment où l'izar s'apprêtait à la réprimandait. La voyant enfin baisser le regard et perdre un peu de sa combativité, il se méprit sur ses attentions. Croyant qu'elle se soumettait enfin à sa supériorité, il sourit.

— Je vois qu'il est encore difficile pour toi de comprendre ta place, mais je suis content de voir que tu apprends, s'exclama-t-il orgueilleusement. Ne trainons plus déjà qu'à cause d'une chialeuse, nous allons devoir être lent.

Sur ces paroles acerbes, Roan tourna les talons. Ilona le suivit aussitôt, faisant de son mieux pour faire taire son angoisse grandissante. Elle savait juste qu'elle devait se rendre au temple pour recevoir un cours de théologie, mais sachant également à quel point les croyants de cette religion n'aimaient pas les siens, elle s'inquiétait de la manière dont elle allait être traitée.

Ce n'est que quand ils sortirent enfin de la grande bâtisse qu'Ilona remarqua que l'izar, malgré de nombreux propos haineux et méprisant, marchait à un rythme bien plus adapté pour elle et ses entraves. Sans être vraiment lent, il lui permettait de ne presque plus ressentir les blessures qu'il avait lui-même créées la veille.

Cela suffit pour que la jeune fille comprenne pourquoi cet homme, aussi violant, méprisant et haineux soit-il, lui faisait bien moins peur que son maître. L'izar malgré tout la noirceur de son cœur n'était pas libre. Peu importe ce qu'il rêverait de lui faire, peu importe si dans les méandres de son esprit tortueux, il s'imaginait la torturer, il ne pourrait jamais lui faire le moindre mal tant que son maître ne l'avait pas autorisé. L'izar pourrait cracher tout le venin qu'il souhaitait, lui dire tout le mal qu'il pensait d'elle, il ne pourrait jamais rien faire de plus. Ilona en était persuadée, car en ce jour, il marchait à son rythme.

Celui dont Ilona avait peur, celui dont elle se méfiait et vers qui toutes ses craintes étaient tournées, c'était son maître, l'élu de Dieu, seigneur de cette ville. Thalgarion. Elle n'arrivait toujours pas à bien le cerner. À chacune de leur rencontre, elle avait vu un homme différent. Tantôt, un homme affable et cultivé à la conversation passionnante et enrichissante, tantôt, un homme cruel et dangereux qui souhaitait la soumettre à lui et ses croyances. Tantôt, elle l'avait vu en bourreau colérique et puissant, prêt à lui offrit les pires souffrances, tantôt, il s'était montré gentil et affectueux comme un père veillant sur une fille. Le problème était qu'il pouvait passé d'une personne à l'autre sans prévenir. Il suffisait d'une parole de travers, d'un mauvais mot pour que son regard paternel et compatissant devienne un regard haineux et plein de rage. Cette instabilité était d'autant plus dangereuse qu'il était puissant. Ce n'était pas seulement une puissance magique si grande que la fille pouvait la ressentir malgré les entraves qui lui coupaient tout accès à la magie. En plus d'être sans nul doute un mage accompli, Thalgarion avait une grande puissance politique en tant qu'élu de Dieu bien sûr, mais également en tant que seigneur d'une des plus grandes villes côtières de l'empire. D'un geste, il pouvait la renvoyer dans cette horrible cage ou faire bien pire encore. Tant qu'elle était entre ses mains, c'était lui qui déciderait de la valeur de sa vie. Et s'il décidait qu'elle n'avait plus de valeur pour lui, alors il pourrait l'envoyer à un sort pire que la mort. Non, décidément, cet homme était le plus dangereux qu'elle n'ait rencontré et jamais, elle n'avait craint quelqu'un autant que lui.

C'est plongé dans ses sombres pensées qu'elle traversa la petite coure de services qui menait à l'extérieur de l'enceinte du manoir à la suite de Roan. Ce n'est qu'alors qu'elle regretta de ne pas avoir été plus attentive en chemin. Thalgarion serait absent pour deux jours. Deux jours durant lesquels elle aurait peut-être de bonne occasion pour s'enfuir.

Mais les voilà dans une rue de la ville sans qu'elle n'est retenue le chemin qu'ils avaient pris. Pourtant, la petite porte par laquelle, ils venaient de sortir semblait bien moins gardée que celle part laquelle elle était rentrée en compagnie de l'élu.

Une fois en dehors du manoir, plus que de rejoindre la grande avenue qui descendait au temple, Roan l'entraina dans une petite ruelle tout juste assez grande pour qu'ils puissent passer de front. Après ça, ils s'enfoncèrent dans un labyrinthe de ruelle. Quand ils furent loin de la rue principale, Roan s'arrêta brusquement et sans laisser le temps à Ilona de réagir, il l'attrapa par la gorge et la plaqua contre le mur froid et humide.

La peur serra douloureuse le ventre de la jeune fille avant de lentement disparaître. Il ne pouvait pas lui faire du mal. Thalgarion ne le permettrait pas. Sûre de cette conclusion, la jeune fille soutient le regard de son agresseur, lui montrant qu'elle ne le craignait pas.

Sans le savoir, elle venait de commettre une grande erreur. Cette réaction ne fit que grandir la haine et la colère de l'homme qui resserra encore sa prise entour de son cou.

— Je vois que tu n'as toujours pas compris morveuse. Tu n'es rien ! Tu vas devoir te le rentrer dans ta sale caboche !

Ilona garda la tête haute et lui lança un regard venimeux. Elle voulait lui faire comprendre que son venin ne l'atteignait pas, mais elle se retint cependant de répliquer.

— Tu penses que la gentillesse de mon maître te protégera encore longtemps, garce ? Rentre-toi bien ça dans le crâne, peu importe ce que tu fais, tu seras toujours inférieure à moi, femelle. Une femme ne vaut rien !

Toujours la tête haute, Ilona fronça les sourcils. Elle ne cherchait pas la reconnaissance de l'élu et elle ne la rechercherait jamais. Toutefois, elle ne comprenait pas non plus en quoi son sexe rentrait en jeu face l'affection de cet homme. En quoi le fait qu'elle soit une femme, la rendrait inférieure ? La haine et le mépris de Roan le rendait incohérent.

— Tu vois ça ! s'exclama-t-il de nouveau plein de fureur.

Il lui montra son collier en cuir qui lui enserrait le cou. Ce n'est qu'alors qu'elle remarqua qu'il n'y avait plus aucune gemme.

— C'est la preuve que mon maître me fait une entière confiance !

Comme dans ces précédents propos, Ilona ne trouva pas de sens dans cette affirmation. Mais cette fois-ci, elle était sûre qui lui manquait des informations. Elle doutait que Thalgarion aurait gardé un fou auprès de lui.

Puis, elle le ressentit. C'était si faible qu'elle avait failli l'ignorer. Mais c'était bien de la magie qu'elle ressentait. Une magie qui venait de l'homme qui la clouait au mur d'une main ferme et cruelle.

— Tout comme tes entraves, mon collier me prive de mes pouvoirs. Toutefois, si l'on y retire les gemmes, alors la privation prend fin. Seul le maître peu choisir d'enlever les gemmes et c'est une preuve de profonde confiance. Peu d'izar peuvent se vanter d'avoir le droit de se servir de leur pouvoir sans la présence de leur maître.

Il y avait dans ces propos, caché derrière la haine, beaucoup de fierté. Cela suffit pour qu'Ilona comprenne qu'il disait la vérité. Et cela réveilla en elle une grande terreur. Comme elle le croyait, comme elle, privé de magie, elle n'y avait pas pensé. Mais il existait nombre de magies qui permettait de faire du mal sans laisser de trace. Le fait que l'élu lui-même ait suffisamment confiance en son izar pour lui laisser ses pouvoirs ne fit que renforcer la peur qui emplissait son cœur.

Il ne restait plus rien d'Ilona sûre d'elle et confiante. La terreur venait de finir de prendre le pas sur elle alors qu'elle sentait encore la main de son bourreau se resserrait encore sur son cou lui coupant un peu plus la respiration déjà sifflante. Elle porta ses mains tremblantes autours du poignet de Roan et ses yeux s'emplirent de larmes.

Voir l'effroi gagner les yeux de la jeune fille fit sourire Roan. C'était un sourire malsain, à la fois victorieux et haineux. Un sourire qui n'avait rien de bienveillant ou de joyeux. L'ancien féänorien prenait plaisir à voir cette gamine qui se croyait pourtant si maligne tomber entre ses mains.

— Tu comprends enfin, chuchota-t-il en se rapprochant de son oreille. Tu n'es absolument rien entre mes mains. Et comme tu n'es rien, tu ne devrais pas embêter ton maître pour des problèmes aussi futile que tes misérables chevilles. Depuis quand une misérable suppôt se fait soigner par le plus grand des élues ? Tu n'es rien d'autre qu'une misérable sorcière dont mon généreux maître s'est pris de pitié. Et comme tu n'es qu'un insecte, tu restes à ta place. Je ne veux plus entendre que tu as fait perdre son précieux temps à son excellence avec un de tes pitoyables caprices. Et tu n'as pas non plus à ramener ton sale savoir impie ! Si j'entends que tu as encore osé interrompre mon maître pour des broutilles, je ferais en sorte que tu le regrettes !

La poigne de l'izar s'était encore durci tout au long de son discourt qu'il ponctua en plantant son mauvais regard dans celui d'Ilona. Ce qu'il y vit le fit vaciller et relâcher la pression. Ce qu'il l'y vit le toucha si profondément que cela réveilla une partie de lui depuis longtemps disparut. Le regard de cette jeune fille avait perdu toute peur, même la colère avait disparu. Dans ce regard d'un vert profond, il ne restait plus que douceur, compassion et compréhension.

Ilona voyait dans le comportement de Roan le comportement de certains enfants qui deviennent méchants quand leur parent ou un autre adulte qu'ils aiment s'occupe d'un autre enfant, lorsque qu'un de ses jouets favoris est utilisé par un autre enfant ou encore lorsque que leur ami joue avec un autre. Même sur la barge, les enfants d'un jeune âge était égoïste, cela fait partie de la nature de beaucoup d'enfant. Mais sur la barge, on leur apprend rapidement le partage et la patience. On leur apprend que tous ont le droit à de l'intention et que les jouets doivent être partagés. C'est un apprentissage qui peut être plus long et douloureux pour certains, mais qui est toujours bénéfique.

Si elle ne pouvait s'empêcher de penser à ces enfants en voyant le comportement de Roan, cela restait l'une des premières fois de sa vie qu'elle voyait un adulte faire une crise de jalousie. Elle n'avait jamais vu un adulte se comporter comme un enfant. Pourtant, elle en était persuadée. Cet homme était aussi méchant, car il avait peur de perdre l'attention de son maître. Et bien qu'elle trouve cela étrange, elle comprenait.

Mais au-delà de la compréhension, elle compatissait. Elle compatissait parce qu'elle savait que la jalousie était une émotion humaine difficile à gérer et bien souvent douloureuse et autodestructrice si on ne savait pas la contrôler. Même le peuple de la mer apprenait dès le plus jeune âge à la comprendre et à la maîtriser, mais pas à la faire disparaître. Comme toutes les émotions, il était sûrement presque plus dangereux de faire taire sa jalousie, en la dissimulant et en faisant comme si elle n'existait pas, que de mal l'exprimer. Il fallait l'écouter, comprendre son origine avant de travailler dessus. Il était normal de l'extérioriser tant que c'était fait dans un cadre sain, sans crise de colère, sans méchanceté et sans vouloir l'imposer aux autres. Elle compatissait donc avec cet homme qui ne semblait pas avoir appris à gérer ses émotions et qui semblait en souffrir bien plus qu'elle ne souffrait actuellement.

Et sa compassion avait encore grandi quand elle avait pris conscience que la jalousie de Roan naissait d'une grande insécurité et d'une peur profondément ancrée. La peur de perdre son maître qui paraissait étrangement être la seule raison de vivre de Roan. Pour Ilona, l'attachement de cet homme à celui qui l'avait asservi n'avait rien de naturel et le rendait d'autant plus dangereux. Elle ne put s'empêcher de se demander de nouveau ce qu'avait subi ce jeune homme pour devenir autant dépendant de celui qui l'avait enlevé à sa vie. Elle se demande combien de souffrance, il avait subi pour devenir cet homme plein de haine, de mépris et de souffrance.

Roan complétement déstabilisé par ce regard finit par la lâcher complétement et recula comme si elle l'avait brulé. Il l'observa un instant, un instant durant lequel son propre regard vacilla dans un éclat de regret venant d'une partie de lui qu'il croyait morte depuis longtemps. La douceur de cet enfant lui rappela des sentiments depuis longtemps disparut. Puis la colère repris le dessus. Cette vile sorcière voulait lui prendre son maître ! Elle ne méritait ni respect ni compassion !

Il cracha à ses pieds avec un mépris retrouvé et aboya :

— Retient bien cette leçon ! Tu n'es rien ! Maintenant, il faut qu'on y aille, ne traine pas !

Il tourna les talons et fit quelques pas avant de se retourner :

— Petit conseille : dans l'église, en plus d'être absolument rien, tu seras considérée comme la pécheresse que tu es. Alors, tu la boucles au risque d'être durement punie !

Et il reprit son chemin sans plus se soucier d'elle. Elle le suivit, ne pouvant s'empêcher que ce manque d'attention pouvait être le moment parfait pour lui fausser compagnie et le perdre dans le labyrinthe de ruelle. Mais le bruit métallique des chaînes frottant contre les pavés lui rappela qu'elle n'irait loin ainsi entraver. Il avait bien trop d'avantage par rapport à elle, il pourrait entendre où elle irait, il connaissait les lieux et il avait accès à sa magie. Peut-être même qu'il ne lui traitait plus attention pour l'inciter à commettre une erreur et ainsi avoir une raison de la punir.

Elle n'eut guère le temps d'y penser davantage que déjà, ils débouchaient sur la grande place de l'église. Roan s'arrêta, la laissant rattraper la distance qui les séparait avant de l'attraper fermement par le bras. Il l'entraina vers le côté de l'immense bâtiment tout en pestant :

— Par ta faute, je dois passer par l'entrée des esclaves ! Tu n'es vraiment qu'une plaie.

Ilona ne répondit pas, elle admirait avec stupeur et admiration la beauté du lieu. Sa curiosité prenant le dessus, elle oublia les circonstances qui l'avaient amenée en ses lieux. Elle admira cette architecture qui était aussi impressionnante de l'intérieur que de l'extérieur. La petite porte les avait fait rentrer dans une petite chapelle séparée de la nef par une simple barrière de bois brute, si bien qu'elle pouvait tout de même apprécier la beauté et la grandeur des lieux. La complexité des vitraux qui laissaient filtrer une lumière colorée et douce. Les fresques et les mosaïques faisant appellent à ses émotions alors même qu'elle ne lui était pas destinée, elle qui n'était pas une croyante. Les nombreuses sculptures, dont certaines avaient sans nul doute été créées grâce à de la magie et qui auraient pour beaucoup leur place dans les musées d'une barge. Même l'odeur légèrement entêtante des encens amené à cette atmosphère un peu plus de sérénité et de ferveur.

Il fallut de Roan la tire violemment pour qu'Ilona sorte enfin de sa contemplation. Il lui fit quitter l'humble chapelle en l'entrainant dans un couloir peu éclairé. Ils s'enfoncèrent loin derrière l'église, quittant le lieu de culte pour des parties plus monacal. Puis, il la poussa dans une salle qui ressemblait plus à une salle de cour qu'à une chapelle.

— Toi, tu restes là, cracha-t-il. Je vais fermer la porte derrière moi. Tu n'as pas intérêt à la forcer. De toute manière, dans le cas improbable où tu parviendrais à la forcer, il y a dans ses couloirs une partie des meilleurs paladins de son excellence. Qui sait ce qu'ils feront s'ils croisent une hérétique comme toi…

Et il s'en alla après lui avoir lancé un dernier regard mauvais.

Ce serait mentir de dire qu'Ilona ne songea pas à faire fi de l'avertissement de l'izar et d'essayer de s'échapper. Toutefois, elle était bien trop sage pour s'y risquer. Elle ne l'aurait pas fait même sans l'avertissement de Roan. Un regard lui avait suffi pour se convaincre que ce serait impossible. La porte qui venait de se fermer dans un claquement sinistre était bien trop épaisse pour que ses frêles épaules ne puissent ne serait-ce la faire trembler. Elle avait bien accès à la serrure, mais n'avait aucune connaissance en crochetage. Il y avait bien des fenêtres tout le long du mur en face de la porte, et même leur hauteur ne serait pas un problème si elle ramenait un pupitre. Malheureusement, même si elle parvenait à casser la fenêtre sans se blesser, elle ne pourrait pas passer les barreaux qui barraient solidement la vue.

Alors, au lieu de faire une tentative désespérée, au risque de se mettre plus à dos ses ravisseurs, elle préféra s'asseoir à un pupitre et attendre patiemment, faisant taire ses angoisses et son envie de révolte.

La porte finit par s'ouvrir sur un homme à peine plus vieux que Roan, il ne devait pas avoir atteint la trentaine. Sa peau blanche presque translucide tranché avec ses cheveux d'un noir profond coupé très court. Ilona ne put s'empêcher de voir dans son visage maigre une fouine. Il portait la tenue sobre des prêtres nouvellement initiés si sa mémoire sur les écrits des traditions religieuse qu'elle avait lus n'était pas trop faussée.

Dès qu'il eut fermé la porte, il porta son regard amende sur elle. Parmi le mépris qui s'y reflétait, une lueur sadique s'alluma :

— C'est donc toi la sauvage que je dois éduquer ? demanda-t-il avec dédain.

— Oui, mon pè…

— COMMENT OSES-TU ? hurla-t-il, devenant tout rouge.

Toutefois, si sa réaction fit sursauter la jeune fille, elle ne lui inspira aucune crainte. Cet homme qui avait crié à en devenir rouge avait bien moins d'autorité que Thalgarion qui pourtant n'avait jamais élevé la voix en sa présence, même lors de ses sautes d'humeurs. Là où un seul regard de l'élu la faisait se sentir petite, ce hurlement ne fit que rendre ce prêtre ridicule aux yeux d'Ilona.

— DEBOUT, s'égosilla-t-il toujours plus rouge.

Et pour la première fois depuis son enlèvement, la tentation de désobéir fut si forte qu'elle faillit l'écouter. Mais la raison reprit le dessus, et elle se força à se lever sans pour autant montrer le moindre enthousiasme. Pour autant, elle garda le regard baissé, non par peur, mais plutôt pour éviter que ce grotesque individue ne découvre pas qu'elle ne lui portait aucun respect. Nul ne sait ce qu'il ferait s'il voyait la défiance dans ses yeux.

Dans une caricature pitoyable d'un maître jaugeant un élève, il lui tourna autour. Ilona n'y vit là qu'une pâle imitation d'un sage fait par un ignorant. Il se pavanait fièrement, voulant lui montrer sa supériorité, mais il lui manquait visiblement toutes les bonnes qualités pour être un bon enseignant. Bien trop prétentieux et pas assez à l'écoute.

Une fois ce manège terminé, il alla sortir du bureau destiner à l'enseignant une fine et longue baguette. Avec une lenteur délibérée, il s'avança vers elle. Elle en déduisit, à la façon dont il tenait sa baguette et à son regard, qu'il voulait lui faire peur. Mais de nouveau, bien qu'elle sache parfaitement qu'il pouvait lui faire du mal avec son fichu instrument, ce n'était toujours pas de la peur qu'elle ressentait.

— Soulève ta jupe jusqu'à ce que je voie tes mollets.

Elle obéit sans même sourciller, se retenant de plongé son regard dans le sien pour montrer qu'il était loin de lui faire peur.

CLAC.

Le premier claquement retentit dans la salle, lui laissant une douloureuse barre de feu. Elle serra les dents. Pas question de lui donner le plaisir de l'entendre crier.

Neuf claquements suivirent le premier. Aucun crie. Aucun gémissement. Et si elle ne put retenir une ou deux larmes, son regard n'avait rien perdu de sa volonté.

Le prêtre n'avait pas retenu sa main. Elle pouvait sentir le sang couler sur ses mollets. Mais par cette manœuvre, il n'avait su gagner ni sa crainte ni son respect. Au contraire, pour la première fois de sa vie, Ilona ressentit un profond mépris. L'on enseignait bien mal par la punition, surtout quand cette dernière n'était pas expliquée.

— Tu vas apprendre le respect ! Cracha l'homme en articulant exagérément. Tu dois attendre que l'on t'y autorise pour t'asseoir.

Ilona dont l'irritation grandissait à chaque fois que ce prêtre ouvrait la bouche, fit de son mieux pour ne pas répliquer. Des dizaines de répliques acerbes lui titillaient la langue. Toutefois, elle avait conscience que lui expliquait que la prochaine fois, elle resterait en effet debout, mais pas part respect, juste pour ne pas souffrir, il ne comprendrait pas. Cet homme avait l'air d'être de ceux qui confondaient crainte et respect. Ilona ne pourrait jamais ressentir le moindre respect pour lui. Elle avait du respect pour tous ses anciens mentor et enseignant qui l'avait guidée sur le chemin du savoir, mais ils avaient gagné son respect par leur savoir, leur bonté et leur générosité.

— Je suis Silur, prêtre de notre Dieu créateur de toute chose.

Le prêtre s'adressait à elle avec une lenteur exagérée. Comme il lui parlait en langue commune, Ilona conclut qu'il devait avoir du mal avec cette langue. Essayant d'oublier toutes ses sensations négatives que lui faisait ressentir ce prêtre, elle décida de rester polie et de répondre à son salut :

— Enchantée, je suis…

— SILENCE ! s'égosilla Silur. Tu ne parles pas si on ne te l'a pas autorisé ! Je sais parfaitement qui tu es ! Tu n'es qu'une sauvage qui se pense suffisamment importante pour devenir izare. Un sauvage qui, pour se donner de l'importance, prétend savoir parler le commun alors qu'elle ne sait que la baragouiner. Une sauvage qui a l'arrogance de déclarer qu'elle connait les enseignements de notre noble Église tandis qu'elle ne peut que les pervertir en préférant suivre des pseudo-dieux païens et hérétiques comme la barbare qu'elle est. Tu n'es qu'un suppôt d'Attesus à l'âme aussi noir que la peau !

Ilona ne savait même plus ce qu'elle devait penser de cet homme tant il suintait l'ignorance et la bêtise. Aucun de ses mots ne parvint à l'atteindre. Elle se demanda ce qu'un homme aussi inculte pourrait bien lui enseigner. Si le terme sauvage ne pouvait être attribué à aucun peuple, personne connaissant un minimum le peuple de la mer oserait l'associer à eux. La sagesse et le savoir du peuple de la mer était connu et reconnu sur tout le continent et même au-delà.

Il ne l'avait pas entendu dire un mot de commun, pourtant il l'a jugé incapable de la parler correctement, alors même que parmi tous les enfants de la mer de son âge, elle était celle qui le maîtrisait le mieux. Elle n'avait même aucun sur le fait qu'elle le parle bien mieux que lui dont le vocabulaire et la grammaire semblait bien faible. Mais le pire, c'était d'ignorer que chaque enfant de la mer apprenait le commun obligatoirement puisque c'était le seul langage universellement connu sur tout le continent. Mieux, le peuple de la mer était connu pour sa grande connaissance des langues du monde et il était plus courant qu'ils en parlent plus de trois ou quatre couramment. Ilona en parlait facilement six.

Et il était également connu que le peuple de la mer était essentiellement athée. C'était un fait sut de tous, s'il existait bien une mythologie du peuple de la mer, ces croyances avaient depuis longtemps rejoint le rang des autres légendes. Il y avait bien quelques individus qui conservaient ces croyances ou adhéraient à d'autre, mais ils étaient une minorité et la plupart des terrestres ignoraient même leur existence.

Pour ne pas montrer le mépris que lui inspirait cette ignorance grasse, Ilona fixé toujours ses chaussures avec grande application. C'était la seule stratégie pour ne pas provoquer la colère du prêtre. Ce dernier, trop imbue de sa personne, prit cela pour de la crainte et se redressa, fier de lui.

— Je suis tout de même heureux. Malgré ta bêtise, tu comprends où est ta place. Il est temps de commencer notre cour. Cela va être long et fastidieux. Je doute même qu'une barbare puisse apprendre la moindre chose. Toutefois, son excellence m'a confié cette mission. Je ferais donc tout pour y parvenir. Prions tous les sains pour que je puisse atteindre le peu d'intelligence qui doit bien se trouver quelque part dans cette minuscule cervelle.

Ilona retint un sourire. Elle paria qu'elle n'apprendrait rien, non pas par bêtise, mais parce que cet homme n'avait rien à lui apprendre. Et elle ne se trompait pas.

Tout d'abord, Silur commença par lui conter la création du monde par Dieu. Il se mit en tête de lui faire répéter chaque phrase qu'il prononçait jusqu'à ce qu'elle la connaisse par cœur. S'il espérait que ce soit une tache fastidieuse sur laquelle il pourrait facilement la reprendre, la rabrouer et l'insulter, il déchanta rapidement. Elle connaissait déjà bien la cosmogonie de cette religion. En s'intéressant au monde terrestre, elle avait bien dû s'intéresser à leur différence croyance. Étonnamment, la création du monde était souvent l'une des premières choses que l'on apprenait en lisant sur ses religions. Grâce à ses connaissances et à sa maîtrise du commun, elle n'avait aucun mal à retenir ce que Silur voulait lui enseigner.

Elle en profita, sans pour autant lui désobéir, pour lui montrer qu'elle parlait bien mieux le commun que lui. En parlant de manière bien plus fluide que lui et en n'hésitant pas à corriger discrètement ses fautes de grammaire ou de syntaxe. S'il ne remarqua pas tout de suite son manège, trop frustré qu'elle ne lui laisse pas l'occasion de la reprendre. Il n'était pas idiot au point de ne pas voir ce qu'elle faisait.

Aussitôt qu'il comprit, sa frustration devint de la colère. Voyant rouge, persuadait qu'elle se moquait de lui, il commença à la punir injustement. Il l'avait entendu bégayer, des coups des baguettes sur la paume des mains. Elle avait osé déformer des mots sains, des coups sur le bout des doigts. Toutes les excuses étaient bonnes pour la faire payer pour l'humilier ainsi.

Mais cela n'empêcha pas Ilona de continuer. Plus il la punissait, moins elle se cachait de le corriger. Si au début, elle ne le corrigeait seulement pour sa mauvaise maîtrise du commun, elle commença à corriger des erreurs sur son enseignement même. Lui montrant ainsi qu'elle connaissait bien plus les récits sacrés que lui. Chacune de ses bravades étaient récompensées par des coups de baguette, ne faisant que croître son esprit de rébellion, son regard se levant par la même occasion.

— SILENCE !

Silur venait de craquer à bout de nerf. Son cri avait résonné dans la pièce, ne laissant qu'une esquisse de sourire sur le visage d'Ilona.

— TU VAS TE TAIRE ! Je ne supporte plus de t'entendre baragouiner ! J'ai mal à la tête à force d'essayer de te comprendre avec cet horrible accent ! Qu'est-ce que je pouvais attendre d'une barbare…

Il se tut, essoufflé. Ilona ne put empêcher un sourcil de se lever, se demandant s'il croyait réellement ce qu'il disait. Jamais elle n'avait entendu une telle mauvaise foi.

— À partir de maintenant, tu ne répondras à mes questions que par « Oui, maître » ou « Non, maître ».

La jeune fille faillit s'étouffer devant le culot de ce prêtre, mais répondit avec simplicité :

— Oui, mon père.

Cette simple réponse ne fit qu'accroître la colère du prêtre, mais Ilona avait été fine et il ne pouvait pas insister sur sa demande. Une demande qui si elle parvenait aux oreilles de Thalgarion pourrait être considéré comme un acte d'hérésie. En effet, si l'on apprenait qu'il avait demandé à la future izare d'un élu de l'appeler « maitre », l'on pourrait dire qu'il s'est cru supérieur à cet élu. Sa rage avait beau lui avoir fait perdre le contrôle un court moment, il ne voulait pas perdre sa place ou pire sa vie juste pour pouvoir rabaisser cette sorcière.

Après cela, il se força de reprendre son cours, remplaçant l'exercice de mémorisation par des interrogations guère plus intéressante. Des questions qu'il formulait pour l'humilié sans réelle réussite. Il lui demandait « Les créatures magiques, comme les sirènes et les dragons, ont-elles été créées par Dieu ? » et elle répondait laconiquement : « Non, mon père ». Toutefois, il se fit prendre à son propre jeu. Il ne pouvait plus la battre pour des soucis de prononciation ou d'accent, car les réponses étaient trop courtes, et il ne pouvait plus non plus prétendre qu'elle avait faux en jouant sur les mots. Il se mit donc à poser des questions de plus en plus complexes et des questions pièges pour essayer d'avoir une nouvelle occasion de la battre. Mais à ce jeu-là, Ilona était très forte.

Qu'à cela ne tienne, il trouva d'autre moyen de la corriger. Sa posture, son manque d'enthousiasme, son regard trop bas, son regard trop haut, son manque de ferveur.

La torture se termina seulement quand la porte s'ouvrit sur Roan, et elle n'avait appris qu'une seule chose durant cette leçon. Elle avait appris à ressentir du mépris. À présent que tout était terminé, toutes les fibres de son corps méprisaient, ce prêtre inculte. Silur n'était qu'une parodie humaine, il essayait de paraître tout ce qu'il n'était pas. Paraître sage alors qu'il ne comprenait pas sa propre religion et le Dieu auquel il avait voué sa vie. Paraître un grand homme, tandis que si l'on admettait qu'il puisse exister un homme plus grand qu'un autre (et ceci restait encore à prouver) cet homme n'était grand en rien. Ni en sage, ni en savoir. Ni en intelligence, ni en modestie.

Ilona était connu pour voir le bon en chacun. C'était une qualité que son peuple admirait encore plus que son chant. Mais Ilona ne voyait rien de grand ou même de bon chez cet homme. Il se croyait grand par sa naissance, mais c'était une illusion. Aucune naissance ne faisait de nous un meilleur individu. Peu importe son peuple de naissance, peu importe le pays, que l'on soit nez d'une grande famille royale ou impériale ou que nos parents soit de pauvre fermier, aucun individu n'était supérieur. Et cela même si Ilona supportait de moins en moins ce peuple arrogant et vaniteux, cela ne faisait pas plus des zhikerhotes un peuple inférieur, pas plus qu'il n'était supérieur.

L'arrivée de l'izar coupa court à cette leçon douloureuse, mais peu instructive. Ilona crut percevoir un éclair de mépris dans le regard du prêtre quand ce dernier se tourna vers le nouveau venu. Pourtant, ce fut fugace et ce mépris disparu dans la révérence la plus exagérée et la plus hypocrite. Lui prêtant à peine attention, Roan demanda en zhikerhote :

— La leçon s'est-elle bien déroulée ?

— Comment voulez-vous qu'une leçon avec une sauvage puisse bien se dérouler ? Elle n'a aucun respect et aucune honte ! Elle a osé me montrer ses chevilles sans même en rougir !

Ilona s'attendait à ce que les propos de Silur rendent Roan heureux. Lui qui n'avait cessé de vouloir la rabaisser, lui qui n'attendait qu'une heureuse de sa part pour la punir. Cependant, l'izar ne put cacher derrière son visage impassible le mépris qu'il portait au prêtre.

— Bien, j'espère que votre enseignement sera meilleur demain, répliqua-t-il, faisant rougir Silur. Ilona, nous rentrons.

Le jeune homme qui venait l'air de rien de rabroué le prêtre, cet homme ce tenant droit, impassible ressemblait soudainement bien plus à celui qu'Ilona avait rencontré dans le bureau de Thalgarion. Elle comprit soudainement qu'il y avait une différence entre Roan, l'enfant de Féänor détruit par la formation qui avait fait de lui un izar et cet izar, puissant et charismatique bras droit d'un élu.

Roan s'éloignait déjà dans le couloir avec ses longues jambes. Ilona fit un seul pas avant que ces chevilles se rappellent à elle. Elle les avait oubliés, Silur s'était concentré sur ses mains tout le reste du cours. Elle fit de son mieux pour ne pas boiter, ne voulant pas donner le moindre plaisir à Silur qui ne s'était visiblement toujours pas remis de l'attaque de l'izar.

Elle fut étonnée de rattraper si rapidement Roan. Ce dernier marchait lentement, comme s'il prenait en compte de ses mollets encore sanguinolent. Toutefois, Ilona remarqua bien vite l'air distrait de guide et gardien. Elle en profita pour prêter davantage attention au chemin qu'ils empruntèrent pour rentrer. Malgré la fatigue et l'agacement toujours présent, elle fit de son mieux pour mémoriser le chemin et toute autre information qui pourrait lui être utile si elle parvenait à s'enfuir.

Contrairement à l'aller, ils rentrèrent par la grande route qui montait presque en ligne droite vers le manoir dominant la ville. Cette grande avenue lui donna bien peu d'indice pour organiser sa future fuite, elle était bien trop passante et il y avait bien trop peu de cachette. Surtout, que ces meilleures chances étaient sans nul doute quand Roan la mener ou la ramener de l'église, mais pas s'ils passaient par la grande avenue. Elle dut se résigner avec tristesse quand ils atteignirent l'entrée des serviteurs.

Cette fois-ci, Roan ne fit aucune remarque à Ilona et ignora même le salut de mauvaise grâce du garde avant de pénétrer sur les terres du manoir. C'est silencieusement qu'ils parcoururent le long chemin boueux et qu'ils arrivèrent dans la petite coure de service. Un chien vint joyeusement les accueillir, sautant avec joie autour d'Ilona. Elle aurait bien voulu faire connaissance avec lui, mais l'izar en avait décidé autrement et il le chassa d'un seul regard noir. La pauvre bête s'enfuit en jappant, ventre à terre. Finalement, ce n'est qu'arrivé à la chambre qu'il prit la parole sans vraiment la regarder :

— Cet après-midi, ce sera l'esclave qui te mènera à ton cours.

Et il sortit, l'enfermant seule avec l'appréhension de ce prochain cours.

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