CHAPITRE 2 - Leçon n°1 : l’amour est un take-off raté

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Le soleil écrasait la plage de Miami comme un projecteur de studio porno. Les enfants riaient, les ados se prenaient pour Kelly Slater, les étudiantes mataient discrètement le prof, et lui, Hugo Novak, planté là, planche sous le bras, torse bronzé, tatouage effacé par le sel, donnait ce qu’il appelait une leçon de surf et de lucidité.

— Bon, les enfants, écoutez-moi bien.

Leçon n°1 : l’amour est un take-off raté.

Le surf, c’est comme le couple. Si tu veux pas finir la gueule dans le sable, faut apprendre à lire la vague. Et la vague, c’est l’autre.

Les gamins rigolaient. Il en profita pour sortir son show.

— D’abord, y’a le take-off. Tu vois, ce moment où tu crois que tout va bien, t’es beau, t’as confiance, t’as maté deux tutos sur YouTube. Eh ben, c’est pareil quand tu tombes amoureux : t’as aucune idée de ce que tu fais, mais tu fonces. Et quand tu rates ? Tu bouffes. L’eau. L’écume. L’humiliation.

Les ados gloussaient. Les filles notaient. Les mecs faisaient semblant de comprendre.

Hugo reprit :

— L’amour, c’est pas une belle photo Insta avec les doigts en cœur. C’est une session d’hiver, sans soleil, avec des méduses et ta planche qui t’arrache la gueule à chaque série. Et pourtant t’y retournes. Parce que t’as besoin de te sentir vivant. Et ça, les enfants, c’est pas de l’amour, c’est une addiction.

Pause dramatique.

— Et le sexe, vous allez me dire ? Le sexe, c’est pareil. L’homme aime la chose. La femme aime l’idée. Lui, il veut plonger. Elle, elle veut flotter. Et quand les deux veulent en même temps ? Miracle : ça s’appelle une relation stable. Mais ça dure rarement plus qu’un week-end prolongé.

Les gamins éclatent de rire. Un étudiant lui lance :

— Et on fait comment pour tenir ?

Hugo balance sa réponse comme une gifle :

— Tu tiens pas. Tu glisses. Tu t’adaptes. Tu joues avec la vague. C’est ça la fidélité : pas ne pas tomber, mais remonter ensemble.

— Maintenant, écoutez bien, c’est important.

— Leçon numéro 2 : les responsabilités c'est des boulets.

Il s’avance dans l’eau, planche sous le bras.

— Oui, Les responsabilités, c’est comme les leash. Tu crois que ça t’empêche de perdre ta planche, mais en vrai, c’est ce qui t’étrangle quand t’as pas appris à tomber proprement. Et le couple, c’est pareil : si t’étouffes, c’est que t’as serré trop fort.

Il rit.

— Y’a des mecs qui s’accrochent à leur nana comme si c’était leur assurance-vie. Et des filles qui gardent leur mec comme si c’était leur abonnement Netflix. Mais à un moment, faut savoir dire : “Pause, chérie, j’vais surfer un peu, sinon je vais finir par te noyer.”

Les étudiants se marrent.

— C’est ça, la vérité. Aimer une seule femme, c’est possible. Mais pour rester sain, faut en avoir deux : ta planche et l’océan. L’une te porte, l’autre t’engloutit. Et c’est dans ce déséquilibre que t’apprends à rester vivant.

— Leçon numéro 3 : l’imagination ou la mort

Il s’assoit sur sa planche, au line-up, et parle fort pour que tout le monde entende.

— Le problème du couple moderne, c’est qu’il a oublié l’imagination. Avant, on s’envoyait des lettres. Maintenant, on s’envoie des nudes. Avant, on faisait l’amour, maintenant, on fait du cardio. Avant, on parlait de sentiments, maintenant, on fait des bilans comptables de qui a baisé qui, quand, comment, et pourquoi.

Il hausse la voix.

— Le couple meurt pas de tromperie. Il meurt de routine. C’est pas l’autre qui te trahit. C’est toi qui t’endors. Et si t’as besoin de t’évader, c’est pas parce que t’es un salaud. C’est parce que t’as oublié de rêver avec l’autre.

Il regarde la ligne d’horizon.

— L’amour, c’est pas un schéma moral, c’est un sport de glisse. Le jour où t’arrêtes de ramer, t’es déjà mort.

— Leçon numéro 4 : la vérité est nue et salée

De retour sur la plage, il finit son speech devant ses élèves trempés.

— En résumé : Ne confondez pas aimer et baiser. On peut aimer en baisant, oui. Mais baiser sans aimer, c’est juste tourner dans un film de boule mental, sans caméra ni cachet. Ça remplit le vide du ventre, pas celui du cœur. Et le cœur, mes petits, c’est comme la wax sur la planche : si t’en mets pas, tu glisses mal.

Silence. Puis il sourit :

— Allez, go. Faites-moi rêver. Et souvenez-vous : tomber, c’est apprendre. Rater, c’est vivre.

Il les regarde partir dans les vagues, et son rire roule avec elles.

Fin de session. Hugo rince sa planche sous la douche de la plage, l’eau ruisselle sur lui comme une seconde peau. Il ne regarde pas autour de lui, mais sur la terrasse du bar de la plage, deux verres à la main, Kendra et Adrianna le suivent du regard comme deux chattes en feu prêtes à bondir.

Kendra, un sourire au coin des lèvres :

— Regarde-moi ça. Ce type, il transpire le sexe sans s’en rendre compte.

Adrianna garde les yeux fixés sur lui, fascinée.

— C’est rare, un homme qui ne se met pas en scène uniquement pour baiser. Il ne drague pas. Il existe. Et c’est pire.

Kendra rit doucement :

— Tu penses à quoi ?

Adrianna boit une gorgée, les yeux toujours sur Hugo :

— À des choses bien sales qu’on ne dit pas sur une terrasse.

Kendra, provocante :

— On pourrait lui faire perdre son calme. Je parie qu’il tiendrait à peine quelques secondes s’il nous avait toutes les deux.

Adrianna :

— Peut-être. Ou peut-être qu’il nous ferait taire toutes les deux. Et rien que cette idée…

Un silence chargé de chaleur. Hugo secoue la tête, finit de rincer sa planche. L’eau coule sur son dos.

Adrianna murmure, presque pour elle :

— Si le diable avait un corps, il ressemblerait à ça.

Kendra rit :

— Et si le paradis avait une idée, ce serait celle de le tester.

Elles échangent un regard complice, mélange de provocation et d’envie pure. Leur rire s’efface dans le bruit des vagues.

Kendra chuchote :

— Tu vois, je t’avais pas menti.

Adrianna garde le silence, fascinée.

— Je pensais que c’était encore un de ces beaux mecs sans fond… Mais non. Ce type-là, il démonte tout ce qui bouge, même les certitudes.

Kendra sourit.

— Il te plaît.

— Il nous plaît. Et tu vas continuer à le suivre. Je veux savoir jusqu’où il peut aller.

Elles se lèvent, prennent leurs sacs. Le soleil descend lentement sur Miami, le sable se teinte d’or. Adrianna lance, presque pour elle-même :

— Peut-être que c’est lui. Le bon. Celui qu’il nous faut.

Elles s’éloignent dans le vent, laissant derrière elles un Hugo qui, sans le savoir, venait d’ouvrir un chapitre, premier frémissement d’une catastrophe magnifique dont aucun des trois ne sortirait indemne.

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