CHAPITRE 2 - partie 4 - Da milf comes into the game

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Le lendemain, soleil qui cogne, plage bondée. Trois élèves : un père quadra bedonnant, sa fille de 16 ans branchée TikTok, et un jeune avocat en vacances, look parfait, sourire Colgate. Hugo les aligne sur le sable avec leurs planches.

— Bon, le surf, c’est simple : tu rames, tu te lèves, tu tombes, tu bois la tasse. Si t’arrives pas à ça, c’est pas du surf, c’est du paddle. Et le paddle, c’est comme un mariage, t’es debout, tu fais semblant, et tu t’ennuies.

Le père éclate de rire, la fille filme déjà pour TikTok.

Il montre la position de rame.

— Allez, ramez ! Comme si vous fuyiez vos factures. Comme si le fisc vous poursuivait. Comme si votre belle-mère venait dîner. Le père rigole, l’avocat grimace.

— Toi, là, avec ton sourire Colgate. Arrête de sourire. Ici, la mer s’en fout de tes diplômes. Elle t’avale comme elle avale les clodos. Égalité parfaite. La vague, c’est le seul système communiste qui marche.

Ils essaient de se lever sur la planche posée sur le sable.

— Voilà ! Mets-toi en position. Regarde droit devant. Non, pas comme ça ! Tu dois tenir ta planche comme si c’était ta meuf le samedi soir : faut de l’équilibre, pas de la brutalité.

Le père éclate de rire. La fille crie : “Oh my god, this guy is crazy !”

— Et toi, gamine, arrête de filmer. La vie, ça se surfe pas sur TikTok. TikTok c’est Disneyland pour les pédophiles. Tu veux une vraie vidéo ? Filme ton daron qui va se casser la gueule dans l’eau dans 10 minutes.

Ils se jettent à l’eau. Hugo se léve, prend tranquillement une vague alors que les trois autres se plantent direct.

Il crie depuis sa vague :

- Voilà la vérité : la vague, c’est comme la vie. Tu crois que tu la contrôles, mais non. Tu t’accroches, tu tombes, tu recommences. Et si tu veux pas tomber… reste sur le sable.

Le père boit la tasse. L’avocat coule. La fille hurle. Hugo rit, magnifique sur sa planche.

Tout le monde est épuisé. Le père crache de l’eau. L’avocat est vexé. La fille est morte de rire.

Hugo ramasse les planches.

— Voilà. Cours terminé. Pas de diplôme, pas de certificat. Juste un souvenir, vous êtes tombés, et c’est ça qui compte. La chute, c’est la preuve que vous avez essayé.

Il allume une clope. Le père s’approche.

— Mec… t’es pas juste un prof de surf. T’es un prêcheur.

— Non. Je suis un raté qui fume trop. Mais merci quand même.


Après son cours, Hugo rejoint ses potes locaux. Petits verres de rhum vite descendus, fous rires, vagues partagées. Il enchaîne les rides avec une grâce qui contraste avec sa gueule cabossée.
Au bord de l’eau, une femme élégante, tatouée, lunettes noires: Adrianna. Elle ne dit rien, elle est là depuis sa leçon de surf, elle l'observe avec l'excitation d'une ado en chasse.

Hugo finit sa session, clope au bec, et file bosser au shop. Odeur de wax, planches alignées, posters défraîchis de Kai Lenny.

La porte s’ouvre. Adrianna entre. Grande, charismatique, allure féline malgré l’âge, tatouages assumés. Elle joue la cliente sérieuse.

— Hello. I’m looking for a surfboard. For my son. His birthday. I want the best.

Hugo la jauge. Sourire en coin.

— Le meilleur ? Mauvais départ. Vouloir le meilleur sans savoir ce qu’on fout avec, c’est comme vouloir une femme sans savoir comment la toucher. Résultat, tu la gardes dans le salon, ça fait joli, mais tu la surfes jamais.

Elle cligne des yeux. Se retient de rire.

Il prend une planche, la pose contre le mur.

— Tu vois ça ? 6’0, shortboard, rapide, nerveux. Ça, c’est une meuf de 20 ans. Sexy, excitante, mais faut des couilles et du cardio. Si ton fils a pas de bras, il va juste se noyer en essayant.

Elle pince les lèvres.

Il sort une autre planche.

— Là, un longboard 9’. Stable, indulgent. Ça, c’est la femme de 40 piges. Elle pardonne tes erreurs, elle t’attend, elle te laisse respirer. Pas besoin d’être un dieu, faut juste être là.

Un rire lui échappe presque.

Hugo enchaîne.

— Et ça… fish twin fin. Large, fun, joueuse. Ça, c’est la cougar de 50 balais. Pas de règles, pas de morale, juste du plaisir pur si tu sais pas avoir peur du ridicule. Mais attention : si tu crois que c’est facile, elle te démonte.

Elle baisse la tête pour cacher son sourire.

— Bref, choisir une planche sans savoir comment tu veux rider, c’est con. C'est comme choisir une femme juste parce qu’elle a un joli cul. Tu veux le meilleur ? Ça existe pas. Tu dois choisir ce qui colle à ton style, à ton poids, à ta folie. C’est ça qui marche. Sinon, tu perds ton temps, celui de ton fils et tu me fais perdre le mien par la même ocassion.

Un silence. Elle le fixe. Il se gratte la barbe.

— Alors, ton fils ? Il veut quoi ? Surfer ou frimer ?

Elle éclate pas de rire, mais ses yeux brillent. Elle prend une inspiration, se redresse.

— I think… you’re right.

— Non. Je suis pas “right”. Je suis réaliste. La vérité c'est qu'une planche c'est comme une femme. Si tu la choisie n'importe comment, tu finis par te rammaser la gueule.

Elle hoche la tête, joue encore la cliente. Mais intérieurement, elle est pliée. Exactement ce que Kendra avait décrit : beau malgré ses rides, intelligent malgré sa vulgarité, charismatique malgré son côté clochard céleste. Mais surtout : fou furieux de vérité.

— I’ll think about it. Merci.

— Pas de souci. Reviens quand ton fils saura ce qu’il veut. Sinon, c’est du fric foutu en l’air.

Elle sort. Hugo soupire,hausse les épaules. Pour lui, c’était juste une de ces milf de Miami, qui aime gâter et pourrir leurs gamins pour compenser leur abscence.

Dehors, Adrianna met ses lunettes, elle sourit toute seule.

“Kendra avait raison. Ce mec… c’est un missile. Complètement taré, mais putain que ça fait du bien.”

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