CHAPITRE 3 - Partie 1 - Du foutre Honnête

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Le studio est planqué dans un entrepôt anonyme, façade blanche comme une start-up.

À l’intérieur, lumières halogènes, canapés usés, odeur de latex et de javel.

Hugo se dit, “On dirait une salle d’attente Ikea où tout le monde s’est branlé en même temps.”

Il croise un assistant technique.


— Salut. C’est ici le studio ?

— Ouais. T’es qui ?

— Le nouvel esclave.


Il entre. Quatre actrices se maquillent devant des miroirs entourés d’ampoules.


Hugo les observe.

"On dirait des gladiatrices avant l’arène. Les mecs se rasent pour la guerre, elles s’épilent pour se faire bombarder par trois bites et une caméra 4K."

L’une lève les yeux.


— Tu fais quoi ici ?

— J’suis comptable de formation.

— Sérieux ?

— Ouais. Avant je comptais les centimes pour acheter du jambon. Maintenant je compte les éjac’ par scène. Promotion sociale. Les filles explosent de rire.


Dans un couloir, trois mecs en peignoir blanc, muscles gonflés, air concentré.

Hugo les jauge.

— Putain, c’est l’équipe de France du bukkake !


Il s’approche d’un.

— Stressé ?

— Un peu.

— Normal. Moi je me chiais dessus avant un rendez-vous client. Toi, tu dois bander sur commande avec huit personnes qui te matent. Je crois que t’as gagné la médaille d’or du stress. Le mec rit jaune.


Il entre. Projecteurs brûlants, décor cheap : un faux bureau avec une plante verte en plastique.

Hugo note :

“Les décors porno, c’est du théâtre de Molière, mais avec plus de foutre et moins d’alexandrins.”


Une actrice blonde, seins énormes, s’installe. Un réalisateur en survêt la dirige.

— Ok, babe, tu commences soft, blowjob, puis anal, puis cumshot.

Hugo ricane :

— Soft ? Mec, si ça c’est soft, j’ai peur de voir ton hardcore.

Le réalisateur l’ignore.


L’acteur entre, feint d’être “prof de maths”.

— Hi, I’m here to help you with your homework.

La fille minaude.

Hugo, en coin :

— Putain, même quand j’étais bourré je jouais mieux que ça. Et j’ai jamais niqué une équation du second degré.

L’actrice commence une fellation. Les projecteurs chauffent. L’acteur sue déjà.

Hugo souffle à l’assistant :    

— Voilà la vérité : on appelle ça du glamour, mais c’est juste du cardio sous halogène.

L’actrice crache, reprend.

Hugo note :

“Un blowjob en studio, c’est pas sexy. C’est un marathon buccal avec pauses techniques.”

— Cut !

Le réalisateur arrête. Le cadreur replace la lumière. L’acteur garde son érection comme il peut. L’assistant éponge le canapé.

Hugo lâche :

— Mec, tu viens d’essuyer le sperme fantôme d’un acteur. T’as raté ta vie ou tu fais du bénévolat pour l’Humanité ?

La scène reprend. L’actrice passe en levrette anal. L’ambiance est lourde.

Hugo écrit :

“Le porno, c’est comme la Formule 1. Ça a l’air excitant, mais en vrai c’est des mecs qui changent les pneus toutes les deux minutes et des caméras qui sentent l’huile.”

Il commente à voix haute :

— C’est beau, non ? Deux êtres humains qui s’aiment… enfin, qui s’aiment pour 800 dollars et une pizza offerte.

Le réalisateur hurle :

— Finish ! Finish !

L’acteur se branle frénétiquement, arrose la fille. Elle ferme les yeux, sourit.

Hugo tape dans ses mains.

— Bravo ! Meilleur final que Game of Thrones !


Tout le monde sort fumer. Hugo avec eux. Il regarde les acteurs, les actrices, les techniciens.


— Vous savez quoi ? J’ai vendu des piscines, des fenêtres, des cuisines. C’était plus dégradant que ce que vous faites. Vous, au moins, vous foutez pas de la gueule des gens. Vous annoncez la couleur : “Je vais te baiser”. Alors que moi, je disais : “Je vais améliorer votre confort thermique.” C’est ça, le vrai porno.


Silence. Puis une actrice claque des mains.

— Mec… t’es fou.

— Non. Je suis enfin honnête.


Hugo écrit avant de dormir :

“Le porno est plus honnête que le mariage. Tu paies, tu jouis, fin. Pas de vaisselle, pas de belle-mère.”

“Les acteurs sont des marathoniens du pénis. Les actrices sont des sprinteuses du mental. Les techniciens sont les vrais héros : ils essuient le foutre des autres sans médaille.”

“Moi ? Je critique. Mais je reste. Preuve que le vrai courage, c’est pas de fuir. C’est de rire au milieu de la baise.”




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