Chapitre 4 6/6

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 Tout était tranquille. Le tumulte du combat avait disparu, remplacé par un silence similaire à celui d'une nuit soudaine d'un jour d'éclipse.

 À ses pieds s'étendaient des dizaines de corps ronflants et sibilants, dont les positions parfois absurdes trahissaient la brève panique qui s'était répandue. Avant la fin.

 Il admirait ce spectacle fascinant et énigmatique avec un sourire béat.

 "Ils dorment... Voilà donc la légendaire ténacité des nains à l'oeuvre. Ils dorment ! Est-ce une ruse pour éveiller notre pitié ? Est-ce une marque de soumission ? C'est absurde !"

 Ses rires résonnèrent parmi les demeures de pierre, brouillant sa vision et attirant les regards sur lui. Ses soldats attendaient ses ordres.

 Il dégaina son épée d'un chuintement d'acier, et se servit de l'extrémité pour soulever du sol un visage somnoleur. Un mince filet de salive s'étira en une vaine tentative d'escorte.

 Le visage du nain était serein, paisible. Son souffle était lent, et ses lèvres bleues attestaient de la fraîcheur de son corps.

 Dans les yeux du jeune lieutenant dansait une euphorie qu'il peinait à retenir.

 "Une victoire si facile... Vaincre une ville entière avec un simple escadron, sans renfort... Cependant, cette torpeur bienvenue ne me volera pas les lauriers de cet exploit. Ils sont miens !"

 D'un geste précis, il trancha la gorge qui s'offrait à lui, puis cracha sur le corps sanguinolent.

  • Mes amis, ce jour est une providence ! Nous serons bientôt accueillis en héros, comme ceux qui ont triomphé, seuls contre une armée de féroces guerriers, de toute une cité dont les richesses n'attendent plus que nous ! Imaginez donc la gloire qui nous auréolera à notre retour en Arcanie ! Allez-y... Donnez-vous en à coeur joie. Ils ne méritent que ça ! Grand'Arch est à nous !

***

 Plus à l'Est, le souffle du vent charia avec lui les murmures d'une triste mémoire. Un enfant les entendit. Il s'arrêta, égara son regard vers l'horizon. Il écouta la sombre déclaration qui occultait tout autre bruit alentour.

Je me souviens de ce jour, où J'ai perdu nombre de mes enfants. Je me rappelle du ballet des lances et des épées qui s'abattaient en une symphonie de mort. De la teinte écarlate qui emplit peu à peu la ville, du crépuscule de leurs vies.

Je me souviens de la place marchande qui ne reflétait plus sa pure lumière d'astre de la nuit, mais celle d'une lune de sang. Des arômes fruités des étals qui furent remplacés par l'odeur du massacre. Des luxueuses demeures décorées de mosaïques et de sculptures obscurcies par les cadavres.

Je me souviens de la peine que j'ai ressentie. De ces deux villes pourtant opposées, l'une souterraine, l'autre surfacique, l'une désirée, l'autre ignorée, qui connurent un même destin lié. Oubliées.

Était-ce ton oeuvre, mon Enfant égaré ?

Mon Amour... Mon Interminable...

 La voix s'éteignit, le bruissement des feuilles reprit ses droits.

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