Ode à la pomme oubliée
Une pomme sur une table,
Rouge et fière, presque royale,
Un jour posée avec grâce,
Puis laissée sans étreinte, sans trace.
Elle brillait comme un soleil dru,
Serrant en elle un jus vertu,
Un parfum de terre et d’été,
De promesse et de vérité.
Mais les jours passèrent, lents et sourds,
Et vinrent les doigts du temps froid.
La peau se plissa, le rouge pâlit,
L’espoir s’en alla, le fruit se flétrit.
Elle attendit, dans le silence,
Une main, un geste, une chance…
Mais les mains allaient ailleurs,
Vers des fruits plus neufs, meilleurs.
Alors elle pourrit, doucement,
Comme tout ce qu’on néglige un moment.
Même la beauté se fane seule,
Quand l’oubli met son âme en bulle.
Les mouches vinrent lui tenir cause,
Dans une danse lente et morose.
Ce fut bientôt qu’un tas mou, humide,
Où même la faim n’eût trouvé guide.
Et pourtant…
Il y eut ce jour où elle était belle,
Craquante au couteau, juteuse et telle…
Qu’elle aurait mérité davantage
Que finir en regret et en laide image.
Car une pomme, comme un cœur,
A besoin d’amour, de chaleur.
Sans cela, même le bonheur
Devient poussière, ombre et pleur.
— Alors souviens-toi, quand tu passes,
Des fruits que tu as laissés derrière.
Chacun portait un rêve en lui,
Ne laisse plus pourrir la vie.
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