Chapitre CXXXIII (1/2)

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La nuit était froide et noire comme les abysses. Mais j’étais blottie dans la chaleur moite et moelleuse d’Orcinus. Il m’avait fait l’amour comme on plonge dans le vide, avec entrain, avec audace, les yeux fermés mais les bras ouverts. Le plaisir avait été dense, intense, comme une danse ou une transe. Et nous restions là, lui allongé sur moi, à reprendre nos souffles et nos esprits sans dénouer nos mains ni nos jambes.

Il avait la peau douce, les lèvres tièdes, le sourire mi-canaille, mi-enfantin. Et je me sentais bien, comme s’il suffisait d’un câlin et d’un retour parmi les nôtres pour pacifier le monde et oublier la guerre… Quand soudain, une image explosa dans mon cerveau et mon cœur fit un bond.

« - Dis, tu crois que les loyalistes ont vu les enfants, tout à l’heure ?

- …

- Orci ?

- Hmm…

- Tu m’écoutes ?

- Oui, je t’écoute. Et oui, je crois qu’ils les ont vus.

- Et c’est tout ce que ça te fait ?

- Que veux-tu que je fasse ?

- Je ne sais pas… Mais j’ai peur. Pas toi ?

- Non. Bizarrement, je ne les crains pas. Je ne les crains plus.

- Tu ne penses pas qu’ils vont chercher à nous rattraper ?

- Non.

- Tu en es sûr ?

- Non, Lumi… Mais je le crois.

- Je t’ennuie ?

- Mais non… Je suis juste fatigué… Je suis bien, là.

- Moi aussi, Orcinus. Je suis heureuse comme une andouille, dans tes bras.

(Il me serra contre lui un peu plus fort.)

- …

- En tout cas, je suis contente pour Rutila. Non seulement elle semble avoir trouvé l’homme idéal, mais en plus, la voilà enceinte et heureuse. Elle le mérite tellement !

- C’est vrai…

- Ne me dis pas que tu es jaloux !

- N’importe quoi… Mais je ne savais pas qu’elle avait des envies de maternité… Et puis, Galao-té a intérêt à se montrer digne d’elle.

- C’est peut-être justement son amour pour Galaô-té qui lui a donné envie d’avoir un bébé ? Moi, quand je regarde nos petites merveilles, ce n’est pas seulement ma descendance que je vois : c’est le prolongement de mon amour pour leur père.

- Ah ? Tu aimes leur père ?

- Andouille !

- …

- Je t’aime, Orci. Mais tu n’arrêtes pas de râler parce que je te le répète en boucle !

- Tu me le répètes en boucle depuis à peine quelques semaines, après plusieurs années de diète. Alors je veux bien l’entendre encore un peu.

- Je t’aime, je t’aime, je t’aime.

(Je le sentis sourire contre mon cou.)

- Moi aussi, Lumi… Et tu as raison, pour les enfants : ils ne seraient pas aussi réussis s'ils n'étaient pas les tiens autant que les miens.

- Justement…

- Oui ?

- Puisque Rutila et Galaô-té ont entrepris de remplir la future nurserie de ce bateau…

- J’espère vraiment qu’il tient la route, ce Galaô-té.

- C’est un excellent marin, en tout cas ! Mais ce n’est pas le sujet.

- …

- Et nous, Orci… Est-ce qu’on ne ferait pas un autre petit ? C’est peut-être un peu tôt, mais… Si tu en avais envie… Je ne dirais pas non.

(Il s’écarta légèrement de moi pour me regarder droit dans les yeux dans le silence glacé de la nuit.)

- Euh… Lumi…

- Tu ne veux pas ?

- Pas maintenant, en tout cas !

- …

- Lumi, je n’ai même pas eu le temps de faire connaissance avec Tempeta et Delphinus. De vraiment faire de la place pour eux dans ma vie. D’apprendre à m’occuper d’eux, pour de bon, comme un père digne de ce nom. Tu comprends ?

- Oui. Mais…

- Mais quoi ? J’ai besoin de temps, Lumi. Plus tard, peut-être. Mais là, c’est trop tôt pour moi. Nous avons la chance d’avoir deux beaux enfants, en bonne santé. En plus, un garçon et une fille : que demander de plus ?

- …

- Tu m’en veux ?

- Non, Orcinus. Je ne t’en veux pas. On dort ? »

Ma voix était peut-être un peu trop brute, un peu trop hachée, pour que mes mots sonnent vrai… Mais tant pis ! J’étais déçue, évidemment, mais suffisamment lucide pour comprendre ses arguments. Peut-être qu'un jour, il changerait d’avis… Mais pour l’instant, il était inutile d’insister. Mes jumeaux étaient deux boules d’amour, deux bouilles d’anges, deux diamants bruts. Et si j’avais encore de la place dans le cœur, j’avais aussi tout à fait conscience de ma chance de pouvoir les regarder grandir, sur ce bateau, dans les bras de leur père. Alors je dormis mal, certes, mais je dormis ; et le lendemain, j’étais fin prête pour la suite de nos aventures.

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