Un rien

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Le lendemain.

De ses rayons resplendissant, le soleil magnifiait le paysage urbain. La densité du trafic n'arrêtait pas les écoliers, tout juste sortis de classe, qui accouraient vers le parc avec énergie. Au milieu des rires et des cris, avançait une vieille dame totalement imperturbable. Sa démarche tonique constituait le résultat d’une vie pleine d’action. Sans crainte, ni regret. Elle tenait fermement sa canne de la main gauche et un sac de la main droite. À en juger par son allure, il pesait un certain poids. Elle s’arrêta à un passage piéton. Traverser la route était devenu une véritable épreuve au fil des ans. En l’absence de feu de circulation, il lui arrivait même d’attendre plus d’une demi-heure qu’un automobiliste veuille bien la laisser passer. Cette fois pourtant, sans même prendre la peine de regarder autour d’elle, la vieille dame s’élança.

  • Madame, laissez-moi vous aider.

Elle n’eut pas le temps de lever le visage que son sac fut saisi, un homme à la mine patibulaire l’accompagna de l’autre côté.

  • Oh, mais quel beau jeune homme vous faites, dit-elle en le regardant de plus près.
  • Merci, mais j’ai encore fort à faire pour atteindre votre grâce. Ça va aller pour le reste du chemin ?

Le visage de la vieille dame s’éclaira d’un splendide sourire.

  • Oh oui, ne vous dérangez pas, j’habite juste à côté. Tenez, c’est pour vous.

Elle plaça quelques pièces de monnaie dans la paume de sa main.

  • Ce n’est pas la peine, je vous assure…
  • J’insiste, qu’est-ce que j’en ferai à mon âge ? Allez donc offrir un cadeau à quelqu’un !

Harry Jean accepta, il n’avait pas le temps de tergiverser, sa montre affichait déjà seize heures. Au pas de course, il monta les escaliers menant à son bureau.

  • Je vous attendais, docteur.

La voix de Luc Bell le surprit.

  • M. Bell, j’ai été retardé mais la séance ne sera pas écourtée, soyez sans crainte.

Son patient s’était allongé sur le divan. Les yeux fermés, la bouche close, il respirait calmement. D’épaisses cernes décoraient son visage, plus mince qu’à l’accoutumé, et M. Jean remarqua la cicatrice sur sa main droite.

  • Qu’est-il arrivé à votre main ?
  • J’ai juste voulu jouer au héros, rien de grave. Ne vous en faites pas. Avez-vous réfléchi à ma proposition ?

Le docteur peinait à se souvenir de leur dernier entrevu. Lorsqu'il y pensait, une désagréable sensation l'envahissait ; une angoisse profonde, ancienne, le dominait. Devant son mutisme, Bell précisa sa pensée :

  • Je détiens une partie de la vérité et suis prêt à la partager avec vous.
  • La vérité ? répéta M. Jean, l'air perplexe.
  • Oui, celle qui vous délestera de vos fardeaux.

Il voulut sourire, mais le calme de Bell l'en dissuada. Curieux, et pour une raison qui lui échappait, anxieux, le psychologue répondit tout de même avec légèreté.

  • Je dois vous avouer, M. Bell, que le spiritisme m'indiffère, qu'il en va de même pour la religion et que la métaphysique m'ennuie. Cependant, je suis là pour vous écouter. Qu'avez-vous à me dire ?
  • Pas d'inquiétude docteur, il s'agit d'un récit. Tout s'éclaircira lorsque je vous l'aurai conté.

Ses paupières se levèrent, laissant scintiller les pupilles de feu.

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