Chapitre 45 : Écho d'une Tragédie

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— Entrez, c’est ouvert ! cria le garçon.

Ces mots résonneraient dans sa tête alors qu'il se remémorerait la journée où tout avait basculé. Ces paroles, simples et pourtant chargées de sens, marquaient le début d’un avenir incertain. Elles avaient ouvert la porte vers l’inconnu, un monde où toutes ses certitudes vacilleraient. C’est à ce moment que tout a chuté. À l’entrée, un homme en uniforme de petite taille dit d’un ton solennel :

— Bonjour, je suis un adjudant de gendarmerie. En fait, c’était le messager du diable. Êtes-vous Georges Roche ?

— Bonjour monsieur, en effet.

— Connaissez-vous Mademoiselle Jessica Alonso ?

Comme il existe des secondes qui durent des heures, à l’inverse, le matin s'était soudainement transformé en une nuit noire. Le sous-officier, impassible, attendait.

— Oui, je la connais. Elle vit avec moi, dans cet appartement, c’est ma fiancée. Mais, elle est partie. Pourquoi la cherchez-vous ? demandait le jeune homme.

Le policier ne réagit pas tout de suite. Il fixait le jeune homme et il essayait de deviner sa réponse émotionnelle. Il répondit :

— Elle est liée à une affaire en cours en Espagne. Vous devez contacter un numéro de téléphone le plus tôt possible.

Et c’était tout. Il a fallu quelques secondes pour que l’adjudant prononce ces deux misérables phrases, qui ont paru une éternité à Roche.

— Qu'est-ce qui est arrivé à Jessica ? a demandé Georges.

— Je n'en sais rien, monsieur. Mais, vous devez contacter ce numéro dès que possible. C'est vital.

Alors que le policier lui tendait le bout de papier sur lequel était griffonné un numéro de téléphone à la hâte : 972 50 37 42. Le garçon sentit son cœur se serrer. Sa main tremblante saisit la feuille, ses doigts effleurant les chiffres griffonnés au stylo bleu. L’homme en face de lui, imperturbable, semblait avoir déjà vécu ce genre de scène à maintes reprises. Son regard scrutait Georges, cherchant peut-être à deviner l'ampleur de la tempête émotionnelle qui grondait en lui. Il tenta de cacher sa détresse derrière un masque de calme apparent, mais ses yeux trahissaient sa terreur et sa crainte. Il répéta la voix teintée d’une urgence désespérée :

— Adjudant, s'il vous plaît, dites-moi ce qui lui est arrivé.

Le gardien de la paix dévisagea le jeune homme un instant de plus, pesant ses paroles avec précaution. Puis, d'un ton neutre, mais empreint d'une compassion voilée, il répondit de nouveau :

— Je n'en sais rien.

Après que le policier s’était éloigné, Georges se retrouvait seul, plongé dans un tourbillon de pensées sombres et de craintes grandissantes. Le monde parut alors se figer brutalement autour de lui, comme si le temps lui-même avait été suspendu. Chaque seconde qui s'écoulait devenait une torture insoutenable, accentuant la frayeur qui étreignait son cœur. Il serrait fermement le bout de papier dans sa main, son regard perdu dans le vide, cherchant désespérément une lueur d'espérance au milieu de ce chaos émotionnel. Sa respiration se fit plus pénible, son souffle saccadé trahissant la douleur qui l'envahissait.

Pourtant, malgré la tempête qui faisait rage en lui, le garçon rassembla ses ailes de courage et laissa s'envoler les chiffres, tels des oiseaux de mauvais augure surfant sur des vents complices et froids. Le mystère alourdissait l'air, saturé de questions sans réponses.

Alors que le jeune homme composait le numéro de téléphone, chaque nombre paraissait résonner dans son esprit avec une intensité déchirante. Ses doigts tremblaient légèrement, comme s'ils portaient le poids de tous ses espoirs et de toutes ses peurs. Au fond de lui, un optimisme fragile tentait de s'élever, telle une flamme vacillante dans l'obscurité. Il redoutait ce que les propos au bout du fil lui diraient, craignant de voir son monde s'effondrer davantage. Chaque sonnerie était semblable à un écho de son anxiété grandissante, chaque silence était une torture qui amplifiait ses interrogations et ses regrets. Au milieu de cette tourmente émotionnelle, Georges cherchait désespérément un signe d'espoir, un indice que tout n'était pas perdu, même si à l’intérieur de lui, il sentait que le pire était à venir. Un interlocuteur lui annonça la terrible nouvelle : une catastrophe avait frappé sa fiancée. Sans confirmer explicitement sa mort, les mots sous-entendaient une tragédie inéluctable. En réponse à l’information, un hurlement d'angoisse jaillit de ses lèvres, réveillant tous ses sens à la réalité brutale de la situation. Le poids du chagrin le consumait, ne laissant entrevoir ni espérance ni soulagement à sa blessure dévastatrice.

Alors que le rideau du cataclysme s'abaissait lentement dans l'esprit de Georges, le coup de théâtre résonnant depuis Figueras tomba pareil à une lueur de projecteur inattendue. Le nom de Figueras, tel un décor familier, raviva en lui des souvenirs joués sur la scène du bonheur. Mais, aujourd'hui, cette scène idyllique se transformait en un lieu où les drames les plus sombres se jouaient. Une vague d'émotions en costumes contrastés submergea son cœur : la surprise se drapa dans la confusion, tandis que l'inquiétude endossa le masque de l'anxiété palpable. Figueras, jadis le décor de leur comédie romantique, devenait maintenant l’endroit d'un chaos silencieux et déchirant. Le jeune homme, les yeux pleins de larmes, rejoignit la chambre. Il ouvrit une armoire et parmi tous les vêtements suspendus, il mit la main sur un pull que Jessica portait souvent. Il essuya ses larmes avec. Puis, s’approchant de la commode, il tira un bac. Ensuite, il dégagea le petit coffret qui s’y trouvait. À l’intérieur, il y avait un billet soigneusement plié. Le papier était fripé, comme s’il avait été manipulé maintes fois. Enfin, le garçon décacheta le document avec précaution, ses yeux parcourant les mots tracés à l’encre délavée. Voici ce qu’il lit :

« Cher Georges,

Si tu lis cette lettre, c’est que je ne suis plus là. Je t’ai toujours aimé. Mais, j’ai considéré que notre relation serait vouée à l’échec. Mon passé est trop sombre, trop ténébreux. Je ne veux pas te mettre en danger. Je t’en supplie, ne me recherche pas. Oublie-moi et reconstruis ta vie avec quelqu’un d’autre. Je souhaite que tu trouveras quelqu’un qui te rendra heureux, loin de mes secrets et de mes ombres. Adieu mon tendre amour.

Jessica »

Revenant dans le sanctuaire de sa chambre qui l'abritait, Roche plaça mécaniquement le tourne-disque, un vinyle de Pink Floyd. S’échappa une ode pop. Celle-ci délivra alors aux contrées de l’esprit les notes impératives de « Wish You Were Here [Wish You Were Here, Pink Floyd-1975]». D'abord un riff de guitare, puis la voix rauque et cristalline derrière, caractérisant à la fois la mélancolie et l’émotion. Les deux avantages que procure la mort.

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