La cloche retentit. Il faut que je me dépêche, je vais arriver en retard ! L’air est frais ce matin. Les rues sont quasiment désertes. Me rapprochant de la Tournaisscience d’un pas allongé, je m’étonne toujours de sa beauté. Au fur et à mesure de ma formation je la vois d’un autre point de vu. Il parait que chaque personne la voit différemment. Tout en haut de la tour scintille une sphère de lumière bleutée. De colonnes de styles et d’allures différents forment sa base. Certaines d’entre elles s’élargissent en s’élevant pour former des tours. Entre les colonnes il y a des passerelles pour les relier. A d’autres endroits elles deviennent des murs qui font fusionner les tours. Plusieurs pans sont en ruine, d’autres sont en construction avec des matériaux dernier cri. J’arrive au portail de huit heure trente. C’est un arc de triomphe en marbre blanc. Le concierge me fixe d’un regard sombre en triturant son énorme trousseau de clés.

- Vous avez de la chance, grommelait-t-il, j’allais justement fermer.

Pendant que je passe, il met une clé dans un verrou au mur et la fait tourner d’un tour complet dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Une paroi de pierres blanches se matérialise dans l’ouverture.

- Attendez-moi ! s’écria un jeune homme.

Il entre in extremis avant que le roc ne se solidifie. C’est un éphèbe pâle aux yeux vert-forêt. Il porte un jean foncé et une chemise à carreaux mauve. Il me fixe d’un regard perçant. Je tourne les talons et me lance dans le couloir de gauche. Il n’y a plus personne, tout le monde est déjà en cours. J’entends derrière moi des pas. C’est le jeune... Comment peut-il me suivre ici ? Je ne l’ai jamais vu arpenter ces lieux avant. Seuls les initiés de mon école peuvent s’y avancer. Les autres ne peuvent même pas les percevoir. J’arrive dans le couloir de la section science appliquées. Etrange, il est toujours derrière moi… Voilà ma classe. Je frappe à la porte et j’entre. Ma classe est en train de faire un exercice. Miss Isis aide un camarade. Je rejoins ma place au fond de la classe. J’entends mes camarades chuchoter à mon passage.

- Installez-vous en silence Epiméthéus, dit sèchement Miss Isis.

En rougissant, je prends mon cahier et plumier au fond de mon sac. Je regarde le tableau, mais mon attention est attirée par l’éphèbe s’installant au milieu de la classe. Mes camarades marmonnent entre eux.

- Qui nous as tu amené ? me demanda Prométhéa.

- Je regarde la première de classe d’un air interrogateur.

- Comment as-tu pu initier un jouvenceau pareil ? Toi, le cancre de cette institution ! ricanait-elle.

- Je ne vois pas de quoi tu veux parler, bredouillais-je.

L’éphèbe déballe ses affaires de manière méthodique. Il sort une boite de stylos multicolores, qu’il range dans l’ordre de l’arc-en-ciel. Puis il prend un cahier et se met à écrire l’exercice. Comme si c’était la plus normale des choses. Les autres l’observent. Tout le monde est étonné. Tout le monde sauf Miss Isis. Elle passe de manière nonchalante à côté de lui sans même lui accorder un regard. Ce qui pousse encore plus notre consternation. Plusieurs camarades l’apostrophent, mais il ne répond pas. Il continue son apprentissage sans broncher.

- Bon puisque nous avons le temps de discuter, je propose que vous alliez au tableau Promethéa, siffla Miss Isis.

La demoiselle au couettes rousses, s’avance avec un grand sourire et commence à écrire un charabia mathématique incompréhensible. Les autres copient religieusement ses écrits. J’en fais de même car j’ai assez perdu de temps aujourd’hui. Promethéa termine et dépose sa craie sur le bord du tableau. D’un air triomphant elle rejoins sa place.

- Je suis déçue, dit Isis, j’aurais cru que vous en étiez capable.

Jamais encore, ça n’était arrivé à la tête de classe. Elle qui a réponse à tout. La prof efface tout ce qu’elle avait écrit et dépose la craie sur le tableau. Je la vois blêmir et j’en ris. Le nouveau lève la main. Simultanément la prof s’arrête.

- Quentin, que puis-je faire pour vous ? demanda-t-elle.

- Vous permettez que j’essaie ? répondit-il.

- Bien sûr, sourit-elle.

Il s’avance et elle lui donne la craie. Il commence à écrire. Toute la classe est stupéfaite. Comment se fait-il qu’elle connaisse ce garçon ? Quentin résous avec aisance l’exercice. Pour la première fois je comprends instantanément la calligraphie mathématique. Les autres aussi ont l’air de déchiffrer illico ce qu’il se trace sur le tableau. Comment quelqu’un de si jeune peut-il résoudre des équations que nous avons mis 24 anthes à comprendre ? Il n’a surement pas plus que 16, voire 18 anthes. Quentin termine en déposant la craie sur le bord du tableau et rejoint sa place.

- Je n’ai rien à ajouter, sauf si quelqu’un aurait des questions ? dit-Isis.

Un millier de questions me brûlent les lèvres, mais pour une fois il ne s’agit pas de comprendre l’un ou l’autre griffonnage. Oserai-je ? Non, on va encore me prendre pour un écervelé qui parle avant de réfléchir. C’est étonnant sous cet angle on dirait que Quentin à un regard plus intense, du vert émeraude.

- Avant de continuer, j’ai une annonce à vous faire. L’oracle d’Usas a une prophétie à nous révéler. Les membres qui sont arrivés le plus loin dans la Tournaisscience y sont conviés. Dans cette classe vous êtes deux : Promethéa et Quentin, expliqua la prof.

- Quand est-ce ? se renseigna-Promethéa qui soudainement retrouve le sourire.

- Au Travectice Aquatique, révéla-Isis.

- La bêcheuse sort immédiatement sa calculatrice, …

- C’est-à-dire un peu plus d’un elt, dit-Quentin.

- On se téléporte à Usas pour être à temps ? ironisa-la rousse estomaquée.

- Ce n’est pas nécessaire. La révélation se fera ici, à l’observatoire de Tourneppe. Ce qui n’empêche pas que nous ne devions pas nous préparer. Les cours sont exceptionnellement terminés, clarifia-Isis.

Isis nous invite à nous lever d’un geste de la main et à quitter la pièce. Nous nous levons et nous regardons d’un air interrogateur. Il y en a certains qui chuchotent entre eux. La pièce se vide petit à petit. Quentin et Promethéa restent assis. Isis referme la porte sur moi une fois que j’ai passé le seuil.