Préface à toi, nous
À toi, moi, je m’en vais te donner à ruminer la cinquième de tes quatre vérités encore jamais dite, car jamais ne peut se dire : tel le silence en tant que mot, elle, cette vérité, s’annule au moment même où elle tente de se dire. C’est pourquoi il me faudra ruser pour tenter de la dire autrement. À moi, toi, nous : l’étranger devenu familier.
Dans cette lettre, je feindrai de vous tutoyer pour mieux vous donner l’illusion que ma sympathie est vôtre ; dans les ténèbres du noir de mon encre, toujours, je me garderai dans mon avancée, du moins ouvertement, de vous rudoyer ; dans ce mal-être, qui est le tien, le nôtre, je ruserai familièrement en affectant une distance avec toi, vous. Mon visage est le tien, mes rides vos sourires, mes rires ta toux. Alors, pour te tuer, si l’envie m'en prenait, je n’aurais qu’à étrangler mon cou de mes deux mains.
Ta marche, ta course, ton regard aussi étranges que familiers pour moi... Tout chez toi oblique, tout court vers la verticale, glisse à la diagonale, chaloupe sur un flot infernal car invisible ; tout chez nous surfe à la crête homérique d’une incessante vague devenue avec le temps proverbiale, tant elle est forte, tant elle est bleue. Voilà pourquoi tu ne peux comprendre les choses que de travers. Voilà pourquoi ce sera avec des mots de côté que je poursuivrai tes pas chassés dans la forêt de mes impressions, de tes manifestations, de nos lamentations. Sache que je t’adore oui… ! Euh… Non ! Que je ne t’aime pas plutôt (foutu lapsus dont à coup sûr tu es complice...) et que le ressentiment est le mobile de ma traque, ça oui. Sache enfin que, si je fais tout ça, c’est uniquement pour ne plus avoir à fuir mon ombre à la lumière du jour présent.
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