J14 L'ami Michel...intrus?
5/12/18 20H03
«Bonsoir Noël,
J'aurais tant à répondre votre mail. De Jacques Salomé nous aurons certainement l'occasion de reparler, Hermann Hesse aussi mais en attendant je suis heureuse que vous vous soyez senti un peu Golmund.
Vous regrettez de ne pas avoir divorcé mais je pense que si on peut l'éviter c'est mieux. Certes on est libéré de ce qui nous oppressait mais ces difficultés qui nous ont empêché de vivre avec l'autre sont toujours avec nous. D'où la nécessité de faire un énorme travail sur soi et je regrette de l'avoir fait bien trop tard.
Je pense que, comme les rencontres, rien ne nous arrive par hasard mais que la vie nous apporte de quoi tiré des leçons pour mieux avancer , le tout est de savoir y puiser le constructif et ce n'est pas toujours simple.
Il y a trois ans, la vie a mis sur mon chemin Michel, probablement par peur d'être seule ou par occupation. C'est quelqu'un d'une extrême gentillesse mais nous n'avons
aucune discussion intellectuelle possible. Il est plus âgé de 12 ans, mais j'ai découvert (par Jacques Salomé) que je cherchais toujours et encore la tendresse que mon père ne m'a pas donnée (c'est quelqu'un d'une très grande pudeur!).
Impossible pour moi de vivre avec lui (je ne sais si c'est encore une blessure d'une mauvaise vie commune passée ou si c'est parce ce que c'est pas la bonne personne) donc je suis 90% du temps seule chez moi. J'ai tellement peur qu'on me reprenne ma liberté de penser, qu'on méprise ce que j'aime, ce à quoi j'aspire. Pourtant avec vous je me sens en confiance.
Pour dire que moi non plus je ne vais pas au bout de mes rêves: j'occupe le temps en m'accommodant du quotidien et en faisant comme vous des recherches qui me permettent d'avancer vers une quête de l'absolu.
J'en reviens donc à samedi: ce n'est pas d'être avec un homme marié qui me turlupine: je pourrais venir sans que cela se sache, mais à ce moment là je ne serais pas vraie avec moi-même.
Ainsi je vous confie une petite partie de mon jardin secret et j'en suis toute heureuse!
Sophia.»
Une nouvelle page se faisait jour. Sophia n’était donc pas seule! Fallait il s’accrocher à ces cailloux de Petit Poucet. «Par peur d’être seule», «nous n’avons aucune discussion intellectuelle possible», «plus âgé de 12 ans», «je cherchais toujours et encore la tendresse que mon père ne m’a pas donnée», «impossible pour moi de vivre avec lui», «90% du temps, je suis seule chez moi». Cela faisait beaucoup de révélations. Ce n’était pas la présence qu’elle aurait dû justifier, mais plutôt l’absence! Et cerise sur le gâteau «pourtant avec vous, je me sens en confiance». Comment devais je interpréter ce «pourtant avec vous, je me sens en confiance». Encore aujourd’hui, avec le recul du temps et malgré le mûrissement de la réflexion je reste dans l’interrogation. Comment aurai-je dû réagir à cet enchaînement de révélations intimes? L’esprit du moment m’avait insufflé la palette poétique. Je me souvenais de ce diplomate suédois chargé de trouver des compromis entre les différentes factions lors du conflit des balkans dans les années 90...le soir venue dans la solitude de sa chambre d’hôtel, la seule issue qui se présentait à lui pour sortir du marasme des méandres en incompréhensions des belligérants, était de faire appel à la douceur d’une page poétique. Comme pour se ressourcer en essence du sensible en humanité…
5/12/18 COURRIEL 23H16
«Bonsoir Sophia
St Exupéry disait que "s'aimer ce n'est pas se regarder dans les yeux mais regarder dans la même direction".
Voilà une de nos quêtes, nous qui sommes en quête d'un absolu. Parce que nous éprouvons fort le besoin de partager le même horizon avec un alter égo, parce que nous vibrons à l'idée de deux énormes trous noirs qui fusionnent et explosent en formant une onde vibratoire infinie dans l'univers.
Parce que ce manque affectif que n'ont pas su ou pas pu nous donner nos parents nous à peser au point d'avoir nourri nos enfants que d'affectif pour nous reconstruire.
Parce que nous édifions notre sculpture sur l'ineffable du sensible, parce que nous entrons en résonance en présence de l'indicible beauté qui s'offre à nous.
Parce que nous sommes de la race des émotifs, obstinés, passionnés...quelques fois nous en souffrons, quelques fois nous en vibrons.
Le propos n'est pas de l'ordre de la flagornerie, je déteste cela. Mais de l'ordre de la sincérité et je suis content que vous m'accordiez votre confiance.
Le propos n'est pas de se plaindre de son sort, je déteste cela. Mais de l'accepter comme écrit par nécessité d'un lendemain meilleur, d'un lendemain qui va chanter, d'un lendemain qui doit chanter. Il ne peut en être autrement...Noël.»
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