Congédier

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Liz écrasa sa cigarette avant d’enfoncer la clé dans la serrure. Par réflexe, elle se dirigea d’abord vers la porte de la cave de Jean-Paul. Mais elle était venue pour discuter. Elle fit demi-tour jusqu’au salon et trouva un Jean-Paul visiblement sur les nerfs, un verre de cognac à la main. Aujourd’hui, il ne portait pas de chemise. Aujourd’hui, il était déjà torse nu et portait un jogging. Liz comprit rapidement qu’il avait dû passer du temps dans son bureau, où se trouvaient aussi des instruments de sport. Elle sentit déjà sa transpiration et malgré son stress, cela lui rappela tellement de souvenirs aussi douloureux que délicieux.

Jean-Paul la regardait s’approcher. Comme à son habitude, ses yeux brillaient d’envie quand ils se posaient sur elle. Comme à son habitude, ça l’intimidait et elle baissa les siens, s’arrêtant à bonne distance de lui. Elle ne put s’empêcher d’attendre qu’il prenne la parole le premier et la laisse parler. Elle savait, au fond, que ce n’était peut-être pas une bonne chose, mais cinq années de soumission à un homme aussi généreux ne s’effaçaient pas d’un claquement de doigts. Elle s’était déjà faite à l’idée qu’elle se donnerait peut-être une dernière fois à lui. Il savait être persuasif. Elle n’avait pas voulu le dire à Nina, mais elle était certaine qu’elle comprendrait. Malgré cela, elle voulait se prouver que c’était terminé, qu’elle n’avait plus besoin de lui depuis qu’elle avait Nina dans sa vie.

— À genoux, sale pute, s’exclama Jean-Paul en posant son verre sur la table basse.

Liz s’exécuta aussitôt. Elle se laissa tomber, tête baissée, mains posées sur ses cuisses serrées.

— Maître, je...

— Tu quoi ? cria-t-il. Tu es venue me dire que c’était fini ? Merci Jean-Paul, tu m’as sauvé la vie, tu t’es occupée de moi pendant cinq putain d’années, mais maintenant je suis amoureuse d’une pouffiasse qui pue le fric et j’ai plus besoin de toi ?

Liz ouvrit de grands yeux qu’elle posa sur l’homme en face d’elle. Il était méconnaissable. À présent, il était empli de haine, de jalousie. Des sentiments qu’elle avait toujours cru étrangers à cet homme droit et généreux.

— Maître, vous vous trompez...

— Ta gueule, salope ! hurla-t-il en se levant d’un bond du fauteuil dans lequel il était assis.

Liz se tut aussitôt et baissa à nouveau les yeux, dans l’espoir qu’il ne faisait que jouer, qu’il ne faisait que la tester. Il s’approcha doucement d’elle et sa tension était presque palpable. Lorsqu’elle sentit sa main se poser sur sa tête, elle comprit qu’il ne s’agissait pas d’un jeu ou d’un test. Sa poigne était ferme et la douleur infligée n’était muée que par l’amertume. Il tira fort sur sa crête et lui fit relever un visage grimaçant vers le sien. Liz reçut un crachat dédaigneux sur le visage mais continua de serrer les dents sans rien dire.

Pourtant, elle savait qu’il venait de dépasser la ligne rouge. Leur histoire venait de se terminer dans ce geste égoïste. Elle resta muette mais soutint son regard, lui renvoyant sa haine en pleine face. Jean-Paul se vit lui-même dans les yeux de Liz et il ne le supporta pas. Sa main libre s’abattit sur ses joues, martelant ses mots :

— Tu es à moi, salope ! Tu es ma chienne et je fais ce que je veux de toi !

Liz reçut les baffes sans broncher, sans le quitter un seul instant des yeux. Et plus elle le fixait, plus Jean-Paul perdait pied, devenait mauvais. Liz encaissait sans un mot, elle se sentait pourtant partir. Malgré qu’ils n’étaient pas donnés par la bonne main, celle qui aime et non celle qui déteste, elle ne pouvait s’empêcher de sentir cette espèce bulle de coton, douce et rassurante, dans laquelle elle s’enfonçait à chaque fois que son Maître la maltraitait ainsi. Elle l’entendait continuer à l’invectiver, sa main passait maintenant sur sa petite poitrine.

Des décharges électriques partaient de ses tétons pour se pro­pager dans tout son corps. Et comme bien souvent, tout finissait par se polariser en son bas-ventre, changeant la douleur en plaisir. Son propre regard s’adoucit, ses lèvres s’entrouvrirent comme dans une supplication muette. Elle vit alors le petit sourire en coin de son Maître :

— Regarde-toi... Tu peux pas te passer de moi, grosse truie. Tu crois que c’est ta bourgeoise qui va réussir à te faire sentir aussi bien ? T’as toujours eu besoin de la poigne d’un homme pour te sentir femme. Je suis sûr que tu mouilles, souillon. À quatre pattes, que je vérifie ça.

Il tira à nouveau sur ses cheveux, dans l’autre sens, jusqu’à lui écraser la joue contre le sol froid du salon. Par réflexe, elle tendit sa croupe en l’air, l’offrant à cet homme impitoyable. Il n’eut pas besoin de beaucoup de temps pour ouvrir son pantalon et le lui baisser avec son string jusqu’aux genoux.

Liz garda le visage contre le sol. Ses pensées commençaient à revenir. Chaque petit moment de pause dans la douleur était un retour à la réalité. Et plus la douleur était vive, plus le retour était difficile. Voilà pourquoi elle supportait l’insupportable : il était toujours un cap où il n’y avait plus de retour, où ses pensées s’arrêtaient et plus aucun retour ne s’opérait. Elle n’était alors plus que sensations. Tout se mêlait, dans un tourbillon aussi effrayant qu’euphorisant, menant à l’extase. Et Jean-Paul avait toujours su l’amener jusqu’à cet état végétatif qui n’en avait que l’apparence. Car si Liz n’était plus capable de bouger ou parler, c’était parce qu’elle atteignait un niveau de conscience avancé. Cet état dont Jean-Paul avait parlé à Nina, celui qui vous faisait sortir de vous-mêmes et vous ouvrait les portes d’une autre conception du monde et de soi-même.

Mais ses pensées l’envahirent à nouveau, alors qu’elle sentait les doigts tremblants d’impatience de Jean-Paul sur ses vêtements pour découvrir sa croupe qui était effectivement trempée. Et elle fut elle-même surprise de ne pas s’atteler à attiser son Maître de quelques ondulations accompagnées de gémissements plaintifs. C’est Nina qu’elle vit. C’est Nina qu’elle voulait sentir lui offrir tout ça. Il se trompait, il n’était pas le seul capable à la mettre dans cet état.

C’est à partir de là qu’elle ne prit plus aucun plaisir aux coups de Jean-Paul. Sa main avait beau claquer son cul de toutes ses forces, elles n’arrivaient plus à la projeter dans cette douce bulle. La magie de ces cinq dernières années s’était définitivement évanouie. De la faute de Nina ? C’était sûrement la vision de Jean-Paul.

— Maître, non...

La première fois. C’était la toute première fois que ce mot sortait de la bouche de Liz devant son Maître. Il s’arrêta aussitôt, la main levée. Liz crut un instant que Jean-Paul était en train de se ressaisir, qu’il allait s’excuser et qu’ils allaient discuter entre adultes. Peut-être même accepterait-elle encore de s’offrir une dernière fois, en remerciement de tout ce qu’il lui avait apporté pendant ces années. Mais au lieu de cela, la violence redoubla.

Liz s’écrasa au sol. Plus de croupe tendue, plus de Maître et sa soumise. Jean-Paul pétait tout simplement un plomb. Elle l’écoutait brailler en massacrant ses fesses. Elle n’osait se retourner. Les fesses, elle était habituée, elle s’en remettrait vite. Encore plus elle n’osait pas le regarder. Plus tard, elle comprendrait que c’était prévisible, que quelques signaux auraient dû lui faire comprendre qu’il n’était pas aussi équilibré qu’il le disait, que si plus personne ne venait aux soirées qu’il organisait jadis, que s’il ne fréquentait plus les clubs des environs, il y avait bien une raison. Il ne supportait pas ce mot. Il considérait que toute soumise devait être heureuse, comblée, d’être sienne. C’était lui qui prenait et qui jetait. Se faire jeter était insoutenable. La punk comprit alors qu’il comptait prendre. De gré ou de force. Et elle ne se laisserait pas faire.

— Tu es à moi ! Tu comprends ça, sale pute ? À moi ! clamait-il en claquant ses fesses, assis de tout son poids sur ses jambes. Tu ne peux pas venir ici et me dire que c’est fini ! C’est moi qui décide ! C’est moi qui prends et c’est moi qui rends !

Liz sentait ses larmes couler. Ses fesses lui faisaient souffrir le martyre. Elle ne faisait pourtant rien pour l’arrêter. Elle ne voulait tout simplement pas y croire. Mais Liz était Liz. Une saleté de punk endurcie par la perte de la notion d’amour. Aujourd’hui, elle l’avait retrouvé, cet amour. Cécilia n’était plus, Nina était bel et bien là. Et elle n’avait pas besoin de ce Jean-Paul-là. Elle continuerait d’aimer son Maître à sa manière. Mais celui-ci, elle n’en voulait pas, il ne pouvait pas exister.

Jean-Paul était maintenant allongé sur elle, pesant de tout son poids sur une Liz presque inerte. Elle pouvait le sentir gigoter au-dessus, libérant sa queue de son pantalon de jogging.

— C’est moi qui prends, et j’ai décidé de te prendre. Pendant cinq ans tu t’es offerte et tu crois que je vais te laisser partir pour cette petite pute noire ?

Chaque moment de pause dans la douleur, avant que votre esprit ne soit vraiment parti, vous fait revenir en vous. Vous rassemblez vos forces pour la suite. Et Liz était devenue une experte, elle recevait les coups avec délice, semblait amorphe, puis relevait la tête. Jean-Paul avait fait cette erreur. Une belle preuve que celui qui était sur elle n’était pas son Maître. Son Maître n’aurait jamais fait cette erreur basique. Et il connaissait Liz sur le bout des doigts. Jamais il n’aurait osé parler ainsi à Liz, toute soumise qu’elle était.

Pendant que l’homme enragé tentait de diriger son sexe à demi bandé vers sa vulve, Liz serra les cuisses.

— Putain d’enculé, je vais te...

Elle fut à moitié sonnée par le coup de boule qu’elle reçut. La tête prise en étau entre celle de Jean-Paul et le carrelage. Il eut tout juste le temps de fourrer sa queue en elle, d’un coup de reins, sa main guidant son gland vers ses lèvres. La douleur la réveilla aussitôt. C’était bien la première fois qu’il la pénétrait sans qu’elle ne dégouline de cyprine. Elle allait tenter de se retourner quand sa crête fut tirée à nouveau, la cambrant violemment. Elle lâcha un râle puissant, le sentant coulisser en elle. Mais il n’y eut pas de larmes. La punk serra les dents, elle savait qu’il allait payer son attitude et ses paroles d’ici très peu de temps.

Elle fit mine de se trémousser, comme pour tenter de se défaire de son étreinte. Elle savait qu’elle ne ferait physiquement pas le poids. Jean-Paul en était maintenant certain. Il savait qu’il la main­tien­drait ainsi sans trop de difficulté. Alors elle sourit en coin, le laissant aller et venir encore deux ou trois fois avant de lui souffler, les mâchoires encore serrées :

— T’arrives même pas à bander comme il faut, petite merde.

Et Jean-Paul fit l’erreur de trop. Sa main lâcha sa crête pour venir écraser son poing dans la gueule de la punk. Liz en profita. À peine eut-il lâché sa prise, perdant un petit instant toute emprise sur elle, qu’elle réussit à se retourner sous lui. Elle vit alors, derrière la surprise dans son regard, la folie qui animait cet homme. En un éclair, elle se rendit compte que pendant toutes ces années, elle n’avait jamais su ce qu’il cherchait dans ces pratiques. Elle connaissait son histoire, comment il avait perdu sa femme et son fils de 6 mois dans un accident de voiture. Elle connaissait ses craintes et ses blessures. Mais elle avait toujours pris ces pratiques pour acquises. Elle questionnait bien sûr, de temps en temps, ce qu’elle y trouvait. Mais jamais elle n’avait su ce que lui y cherchait ni ce qu’il y trouvait.

Son genou droit remonta violemment et écrasa les couilles de Jean-Paul contre son os pelvien. Ses yeux semblèrent prêts à sortir de leurs orbites. Son visage se mit à gonfler et devint tout rouge. Liz n’eut même pas à bouger. Jean-Paul tomba sur le côté, tenant son entre-jambe des deux mains. Rapidement, elle se leva et remit son pantalon et sa culotte. Elle n’eut même pas une seule seconde d’hésitation. S’il y avait bien une chose que Liz ne supportait pas, c’était le racisme. Et ce « pute noire » était simplement inacceptable. Il n’y avait plus de Maître, il n’y avait plus de Jean-Paul. Il n’y avait plus qu’une petite merde fasciste qui se tenait les couilles en chouinant comme une fille.

— De la part de la pute noire, lui dit-elle en balançant son pied chaussé de sa ranger en arrière. Va te faire mettre !

Le sang gicla. Elle entendit son nez péter sous le coup. Jean-Paul roula encore sur le côté en gueulant, cette fois. Apparemment, il n’avait plus mal aux couilles. Il pleurait en mettant ses mains devant son visage, comme si ça allait empêcher le sang de couler. Sans se retourner vers lui, Liz se dirigea vers la sortie. Elle marqua une hésitation et alla finalement jusque dans la cave. Dans un sac de sport qu’elle trouva, elle emporta quelques souvenirs : menottes, fouet, cravache, paddle, gag ball, pinces à molette. Elle remonta munie d’une cravache, au cas où l’autre cinglé l’attendait.

Mais il pleurait, recroquevillé sur lui-même au milieu du salon. Liz en fut dégoûtée. Comment avait-elle pu s’accrocher à ce type si faible ? Était-elle tombée si bas, était-elle si pitoyable qu’un homme aussi fragile avait pu lui servir de béquille ? Il jeta un regard larmoyant vers elle, et elle lui montra le sac :

— La petite pute noire fera aussi bien l’affaire qu’une larve raciste dans ton genre.

Elle ne put se retenir. Liz ressentait un malin plaisir à rabaisser les hommes qui se croyaient invincibles face à une femme, qui pensaient que tout était acquis avec une femme. Et cette pourriture-là... Avec ses beaux discours comme quoi Liz n’était sa soumise que lors de leurs séances, qu’il ne la considérait pas comme sa soumise mais comme son amie. Cet enculé avait tout simplement gardé secret pourquoi il faisait tout ça. Il n’avait jamais osé lui dire qu’il la voulait à ses pieds de cette façon. Elle aurait refusé et il le savait très bien. Pourtant il lui faisait de grandes élocutions sur l’échange verbal que leur relation devait contenir, afin de ne pas se perdre, de marcher ensemble dans la même direction. Et à chaque mot qu’il prononçait, il lui mentait.

— Cinq putain d’années ! cria-t-elle en marchant vers lui d’un pas décidé. Cinq putain d’années où t’as fait que me mentir !

Elle se pencha vers son visage et lui cracha dessus, alors qu’il tentait une explication plaintive :

— Liz, je suis désolé. Je voulais pas... Je suis tellement triste de te perdre... Ouccchhhh !!

Le pied de Liz s’était enfoncé dans son ventre. Tenant toujours la cravache à la main, celle-ci s’abattit avec violence sur la joue de l’homme à terre. Elle se mit à hurler de rage, laissant les larmes couler sur son visage :

— Me perdre ? Tu m’aurais jamais perdue, espèce de con­nard ! Quand je pense que j’étais venue dans l’idée de m’offrir une dernière fois... Pour toi, bordel ! Pas pour m’aider à me supporter, pas pour moi ! Pour toi, putain ! Parce que je t’aimais ! Pas comme on aime un amant, mais je t’aimais, merde ! Et t’as tout gâché !

Liz sécha ses larmes et se redressa. Elle le regarda avec un mépris qu’elle n’avait que rarement ressenti. Jean-Paul se mit à pleurer et cette fois, la douleur n’y était pour rien. Il ne trouva rien à ajouter. Il se trouvait face à lui-même et n’aimait pas ce qu’il voyait. La semelle de Liz vint lui écraser la joue. Il serra les dents sous la douleur.

— T’arriveras jamais à la cheville de Nina, Jean-Paul. T’as pour­tant vu de tes propres yeux une partie de sa force. Elle saura très bien s’occuper de moi, et moi d’elle. Je comprends mieux pourquoi il n’y avait plus que moi à venir ici. Qu’est-ce que j’ai pu être conne.

Sur ces mots, elle tourna les talons, le sac de sport à la main. Sacrilège des sacrilèges, elle s’alluma une cigarette avant de sortir. Elle balança les clés de la maison sur le pas de la porte et la laissa ouverte. Ce fêlé ne supportait pas l’odeur de la fumée ni les portes ou fenêtres ouvertes.

Liz roulait vers chez elle, clope au bec avec des sentiments confus en elle. Elle était rageuse, blessée, triste... Et en même temps heureuse. Elle se dirigeait vers son appartement et sa femme d’ébène avec ce sentiment de liberté que ressentaient Telma et Louise dans ce film. Ses larmes coulaient et pourtant, elle se mit à sourire. En laissant Jean-Paul derrière elle, baignant dans son sang, elle faisait une croix sur un passé ténébreux.

Elle n’avait plus besoin de tout ça. Elle tourna les yeux sur le sac posé sur le siège passager. D’une main, elle l’ouvrit et caressa le cuir du fouet. Puis comprit. Non, elle n’allait pas faire une croix sur son passé, il n’était pas question de nier ce qui l’avait menée à Nina. Elle allait partager ce plaisir avec elle. Elle l’avait dit à Jean-Paul à plusieurs reprises, lors de leurs débriefings. Au-delà de ce que lui apportait ce genre de pratique dans sa vie personnelle, elle avait prit goût à tout ça. Elle aimait qu’il soit brutal, elle aimait le sentir perdre pied et faire tout ce qu’il voulait d’elle. À partir d’aujourd’hui, elle allait faire de Nina celle qui tiendrait la cravache.

Elle arriva en trombe dans l’appartement, une envie furieuse d’embrasser sa belle amante qui lui tiraillait le bas-ventre. Elle la trouva assise dans le canapé. Liz marqua un temps d’arrêt. Il y avait quelque chose de changé. Elle aurait voulu savoir ce qui lui donnait cette impression, mais ses yeux ne quittaient pas Nina, le corps moulé dans une petite robe, les jambes galbées par des bas que retenaient des porte-jarretelles. Ses seins généreux menaçaient de jaillir de leur décolleté plus que provoquant. Nina avait servi deux verres : un de vin, l’autre de bière.

L’attitude de Nina était plus que claire. Elle avait pris le texto de Liz au pied de la lettre. Elle était prête à assouvir sa faim. Les jambes grandes ouvertes, elle regardait Liz qui n’arrivait pas à voir si elle portait une culotte ou pas. Elle laissa tomber le sac au sol, Nina arqua un sourcil, sourire aux lèvres. Liz profita de ce moment pour essayer de comprendre ce qui la travaillait depuis qu’elle avait ouvert la porte. Ce n’était pas plus propre, ni plus sale. Elle n’avait pas cuisiné. Puis ça lui sauta aux yeux :

— Je me suis permis de ramener quelques affaires, lui dit une Nina d’un coup moins sûre d’elle. Je... Enfin, je ne veux pas m’imposer, mais... Enfin, si ça peut m’éviter de partir si tôt le matin pour devoir repasser chez moi avant la fac... Mais si tu ne...

Le baiser de Liz lui coupa la parole. Elle y mit toute la passion, l’amour et l’espoir qu’elle ressentait pour Nina. Cette dernière fondit littéralement comme neige au soleil. Elle ne put que subir cet élan. Tout son corps se détendit, uniquement capable, pendant quelques secondes d’offrir ses lèvres charnues à la punk qui jouait avec sa langue, l’aspirait et la léchait. Nina trouvait cela tellement sexy...

Elle cligna des yeux lorsque Liz recula sa tête, le regard planté dans le sien.

— Wow... réussit-elle à dire, encore sous l’effet de ce baiser.

— T’es plus que la bienvenue, Nina, lui répondit Liz avec un fin sourire aux lèvres.

— J’avoue que je le savais. Mais une fois que tu étais là, j’étais plus sûre de rien. Tu me perturbes. Alors ? Ça s’est bien passé avec Jean-Paul ? lui demanda-t-elle en posant sa main sur sa cuisse.

— Pas trop, j’avoue. Disons que je l’ai laissé dans un état pitoyable. Mais que je me suis détaché de lui pour de bon. Il m’a un peu déçue. Et c’est peu dire.

Nina grimaça, réellement attristée d’apprendre cela, mais bien loin de se rendre compte ce que Liz entendait exactement par “état pitoyable”. Elle prit les verres et en tendit un à Liz avant de lever le sien :

— Alors à cette nouvelle vie qui commence pour nous deux ! s’exclama joyeusement Nina.

— Putain, ouais ! répondit Liz.

Leurs verres se cognèrent et à peine eurent-elles avalé leur première gorgée que Nina vint poser sa tête sur l’épaule de Liz et désigna le sac au sol.

— T’as quoi là-dedans ?

— Disons que c’était mon cadeau d’adieu de sa part.

Nina arqua un sourcil et releva les yeux vers Liz. La punk lui sourit.

— Mais on verra ça plus tard, hein... rajouta-t-elle avant de l’embrasser à pleine bouche.

Les deux femmes ne finirent pas leur verre. Comme bien sou­vent, leurs envies communes prirent rapidement le dessus. Liz remarqua avec délectation que Nina ne portait rien sous cette robe et elle fit voler le peu de tissu que sa chérie portait.

— Que tu es belle, Nina. Putain, je sais pas ce que j’ai fait pour mériter ça.

Nina s’avança jusqu’à elle en remuant du bassin. Elle prit le visage de sa punk dans ses mains et le plongea dans ses seins généreux. Liz se mit à les lécher, sa main se plantant entre les cuisses de Nina, la fouillant déjà d’un doigt fin.

— C’est parce que tu as payé cher un amour éphémère, et que tu as sauvé le mien. Tu mérites tout le bonheur du monde, pour ça, Liz.

La punk se mit à la doigter avec rage, lui arrachant rapidement un orgasme debout, pendant qu’elle gardait le visage enfoncé dans ses seins. Elle les mordait, les léchait, les suçait. Et Nina jouit en la serrant contre elle, sentant les larmes de Liz réchauffer et couler sur sa peau.

D’un coup, Liz releva la tête. Nina fut surprise de la voir sourire aussi largement. Ce qui la fit sourire aussi, par contagion :

— On se casse, lui dit simplement Liz.

— Hein ?

— On se casse. T’es en vacances, je peux mettre le boulot un peu de côté. Huit jours rien que pour nous. T’as déjà tes affaires.

Nina resta interdite. Elle haletait encore de l’orgasme que venait de lui donner Liz. Tout se bousculait en elle. Les obligations familiales, ses mémoires en cours, les obligations sociales, les visites aux voisins, son envie d’être avec Liz, son désir d’aventures, son besoin de vivre, d’être enfin.

— Va faire le plein, lui répondit-elle en commençant à se rhabiller. Le temps d’un aller-retour jusque chez moi pour laisser un mot à mes parents, qu’ils ne s’inquiètent pas trop. Et récupérer deux-trois trucs qui pourront servir.

— Du genre ? lui demanda une Liz amusée.

— Du genre que tu devrais apprécier.

Nina fit le trajet aller-retour en un temps record. Liz l’attendait sur le trottoir en bas de l’immeuble, son éternelle cigarette entre les lèvres. Ses yeux s’illuminèrent en voyant Nina avec ses chaussures de marche et son sac à dos qui faisait un bruit de verre à chaque pas. La punk le prit et le balança sur la banquette arrière.

— Je me suis permis de remettre toutes tes affaires dans ton sac de voyage, lui dit-elle en la dévorant du regard.

— Tu perds rien pour attendre, répondit Nina en s’engouffrant dans la voiture côté passager. Mes parents vont enrager demain en voyant mon mot. Ils vont enrager toute la semaine. Alors je propose qu’on en profite à fond ! s’exclama-t-elle en sortant une bouteille de whiskey.

Liz s’assit au volant et regarda la bouteille en souriant.

— Tiens, ça me rappelle quelque chose.

— Oui mais tu as vu ? Je m’améliore, j’ai pas pris de verres, cette fois ! On va où ?

Liz mit le contact en haussant les épaules.

— Je te propose le sud.

— Va pour le sud ! répondit Nina en ricanant.

Voilà qui lui allait parfaitement, elle qui rêvait d’aventures. Huit jours sans savoir où elles partaient, changer tous les jours, en fonction de leurs envies. Elle ressentit bien une petite pointe de stress. À chaque fois qu’elle était partie, même entre amies, tout était planifié à l’avance. Les parents pouvaient presque savoir à chaque instant où elles se trouvaient. Mais cette fois, elle était incapable de contrôler quoi que ce soit. Et c’est bien cela qu’elle recherchait auprès de Liz. Apprendre à se lâcher, admettre que tout ne peut pas être sous son contrôle... et que c’est très bien ainsi.

Elle s’avala une bonne lampée d’alcool pour se donner du cou­rage dans cette nouvelle expérience et sentit la main de Liz soulever le pan de sa robe. Elle tendit la bouteille à la conductrice qui se mordait la lèvre inférieure en remarquant qu’elle n’avait pas remis de culotte.

— T’as traversé la moitié de la ville comme ça, petite salope ? lui fit-elle en imitant une voix d’homme.

Nina fit des yeux tous ronds, avant d’exploser de rire. Liz rit avec elle et s’avala une gorgée de whiskey. Elle s’alluma enfin une nouvelle clope et passa la première.

— À nous le bronzage intégral ! cria-t-elle par la fenêtre ouverte dans la rue déserte. Allez tous vous faire enculer !

Et dans un crissement de pneus, Liz et Nina partaient ensemble, excitées par l’inconnu droit devant elles, tel le taureau devant un drap rouge agité, sans se douter de l’épée cachée.

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