Chapitre 21.3

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Enki était ainsi. À la fois exubérant, provocateur, beau parleur lorsqu’il s’agissait de séduire, mais plutôt sage et prudent lorsqu’il était question de sa survie ou de celle de ses rares alliés.

Humanoïde, un peu plus grand que Perséphone, il n’avait rien d’un véritable athlète. Plutôt longiligne, il imaginait son hôte suffisamment bien taillé pour être un bourreau des cœurs, sans savoir que c'était moins son apparence que le charisme qu'il dégageait qui plaisait à ceux qui tentaient de l'approcher sans chercher à le tuer. Même certains assassins avaient dû remiser leur projet à force de rester trop longtemps dans le périmètre de son aura.

Le Drægan avait la peau brunie par le soleil de la planète désertique sur laquelle il avait élu domicile. Ses cheveux, d’un brun soyeux, étaient longs et épais. Ses yeux, pupilles et iris, étaient d’une couleur sombre. Sa barbe était plus courte que les poils apparaissant sous son gilet de cuir fauve, au niveau du torse et de ses aisselles.

Malgré ses airs de rockstar et son apparence fragile, il était connu pour être un redoutable combattant.

Lorsqu’il perçut des bruits de pas, venant au-devant d'eux, il ne s’écarta de ses compagnes que lorsqu’elles le repoussèrent.

Tous ses muscles réagirent à la possibilité d’un combat à venir.

Perséphone et Ereshkigal avaient ressenti son changement d’attitude en même temps qu'elles avaient perçu le danger potentiel. Prêtes à se défendre contre toute attaque, elles ralentirent le pas pour le laisser prendre de l’avance et assurer ses arrières.

Tous les trois étaient attentifs au moindre bruit, au moindre mouvement dans l’air ambiant. Leurs pas s’étaient faits aussi silencieux que ceux d’un félin.

La main d’Enki s’était déplacée d’un mouvement naturel sur la garde de la dague qu’il portait toujours à sa ceinture.

Il s’était souvent retrouvé dans des situations extrêmes et dangereuses, mais il avait toujours bénéficié d’une chance insolente. Il était d’ailleurs légitime de se demander pourquoi il n’avait jamais été élu dieu de la chance. Ou même des chats. Comme eux, il était malin, patient et retombait toujours sur ses pattes. On aurait même pu croire qu’il avait déjà vécu trois ou quatre vies au moins.

Les pas se rapprochaient.

Lentement et discrètement, la main droite d’Enki empoigna la garde de sa dague, tandis que l’autre se refermait sur un petit objet censé la rendre lourde et solide comme de l’acier.

Au détour d’une coursive, apparurent trois autres Drægans : Lara, Priape et Bacchus.

La lugubre Lara avait été durant des siècles, la souveraine particulièrement sanglante d’un peuple féodal vivant sur une minuscule planète forestière.

Grande et athlétique comme une nageuse olympique, la Dræganne avait un teint diaphane que ne parvenait pas à enjoliver ses cheveux longs et raides d’un blond sombre, ni ses yeux, sous un front haut, dont la couleur restait indéfinie entre le vert marécageux et le marron d’un bout de bois flotté. Elle avait un nez aquilin et des lèvres sanguines très fines, presque inexistantes, et un long cou gracile qui contrastait avec la musculature puissante de son corps. Mais ce qui frappait le plus, c’était l’austérité glaciale émanant de sa présence. Elle mettait mal à l’aise tous ceux qui osaient encore s’approcher d’elle. Plus encore qu'Ereshkigal, qu'elle considérait comme sa rivale officielle.

Elle était suivie de Priape dont on pouvait comprendre qu’il valait mieux parler d’un organe unique de son anatomie plutôt que d’une partie inexistante de sa figure. La peau de sa joue gauche était si fine, si tendue, qu’elle semblait prête à se déchirer. Elle laissait entrevoir une absence de chair, quelques muscles, et une partie de denture que l’on ne voyait habituellement jamais chez un être humain autrement que sur une radiographie, ou bien des années après qu’il fut trépassé, enterré, et que tous les agents de la nature aient effectué leur travail de nettoyeurs.

Priape avait changé d’hôte de nombreuses fois et, bizarrement, la dégradation physique de celui-ci commençait toujours par cette partie du visage. Cela pouvait prendre quelques années avant que cela soit perceptible. Une fois que cela l’était, de mois en mois, puis de semaine en semaine, et enfin de jour en jour, cela devenait de plus en plus dérangeant à voir.

Pragmatique, il changeait d’hôte lorsque nourriture et boissons prenaient systématiquement la direction de sa joue au lieu de celle de son œsophage, ou lorsque l’un de ses globes oculaires menaçait de le faire ressembler à un personnage d’une toile de Picasso.

Nul ne savait pour quelle raison le corps de son hôte, quel qu’il soit, se dégradait. Il était le seul Drægan à avoir renoncé à investir le corps trop fragile d’un nouveau-né ou d’un enfant en bas âge. Ceux-ci étant plus fragile, la dégradationse révélait toujours plus rapide.

Exceptionnellement, à l’époque où ils existaient encore, les Primordiaux, les premier "dieux" drægans,  lui avaient accordé le droit d’investir des humanoïdes adultes. Au moins pouvait-il espérer pouvoir les incarner durant deux ou trois dizaines d’années avant de changer à nouveau d’hôte. Voire aller jusqu’au terme de leur cycle, ce qui facilitait la transition. C’était alors sans compter sur les évolutions scientifiques et des espérances de vie qui reculaient toujours plus chez nombre de civilisations.

Pour l’heure, il n’en était pas encore à pouvoir en profiter. Mais il espérait que quelqu'un trouverait une solution à son mal. Quelqu'un comme Cottos...

Ce nom était présent dans son esprit... Esmelia l'avait déjà entendu prononcé par Baal. Elle revint immédiatement à Priape.

Chaque migration vers un autre corps devenait, pour lui, à chaque fois, plus difficile. Plus elles étaient nombreuses, plus elles le consumaient et le conduisaient vers une mort certaine. Ce qui était plutôt rare pour un Drægan.

Drægan et dieu sans royaume, il avait élu domicile chez Priape. On les voyait rarement l’un sans l’autre. Ils étaient même devenus l’objet de quolibets de la part de certains de leurs pairs. D’autres préférant n’en rien dire, certains que la riposte lorsqu’elle viendrait serait sanglante.’aventure chevillée au corps, et la ripaille à l’âme. Dans ses traits juvéniles, malgré leur douceur, transparaissaient une volonté de fer et un appétit féroce pour la bonne chair, la boisson, le sexe et le jeu. Il avait la réputation d’être insatiable dans ces domaines.

Il se nommait Bacchus. Drægan, dieu sans royaume, Bacchus avait élu domicile chez Priape. On les voyait rarement l’un sans l’autre. Ils étaient même devenus l’objet de quolibets de la part de certains de leurs pairs. D’autres préférant n’en rien dire, certains que la riposte lorsqu’elle viendrait serait sanglante.

Pourtant, Esmelia avait l'impression qu'ils n'étaient pas du tout faits pour s'entendre malgré les apparences. Elle se demandait ce qui pouvait les lier autrement que par les sentiments.

Un quatrième Drægan sortit à leur suite de l’obscurité comme un démon de sa boite. Il claudiquait d’une manière appuyée en suivant Lara, Priape et Bacchus de quelques pas, silencieux comme un matou à la patte traînante.

Sa présence en ces lieux les surprit tous.

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