Chapitre 03.2

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Kolya Anassenko était l’associé et l’ami de son "père", Brent Evihelia. Il avait veillé sur elle durant toute son adolescence et sa vie de jeune adulte. Ancien agent des services secrets d’un pays dont il ne lui avait jamais dit le nom, il était devenu négociant d’objets archéologiques rares.

Il l’avait élevée et préparée à ce qui l'attendait comme lui l’avait sans doute été, en plus d’une éducation classique. Elle l'avait côtoyé presque chaque jour de sa vie, après la disparition de Brent. Pourtant, il était toujours resté une énigme pour elle.

Kolya avait déposé une pile de dossiers sur son bureau et elle avait alors longuement et méthodiquement étudié les informations qu'il avait récoltées.

Ce n’était pas les premières découvertes de nouvelles espèces animales ou végétales. À leur sujet, il était question de manipulations génétiques, et de trafics d’animaux découverts dans des zones où l’Homme civilisé n’avait plus eu accès durant ces dernières décennies du fait de leur trop grand éloignement des centres urbains ou parce qu’elles avaient subi une irradiation..

Ces animaux et ces plantes inconnus s’étaient si bien acclimatés à leur nouveau milieu, pourtant hostile, qu’ils en menaçaient la faune et la flore autochtones. Ils colonisaient des territoires sur lesquels ils n’auraient jamais dû se trouver.

Le phénomène n’était pas exactement tel que décrit au premier abord. Les créatures comme les végétaux n’apparaissaient pas seulement dans les zones inhospitalières. Leurs origines étaient plus qu’incertaines, inconnues.

En ce qui la concernait, elle les supposait extraterrestres.

Il en apparaissait partout sur le globe, et de manière de plus en plus fréquente…

Elle avait approfondi les recherches sur le sujet.

Deux agences étaient chargées de neutraliser, voire d’éradiquer ces espèces endémiques.

L’une, le CENKT, lui était inconnue, et l’autre, l’AMSEVE dont elle avait vaguement entendu parler, était financée par l’ONU et faisait partie d’un programme cofinancé par l’ATIDC dont l’intérêt pour la terraformation de Mars, et différentes lunes du système solaire sur lesquelles pourrait s’établir un jour l’humanité, était de notoriété publique.

Intriguée, elle avait suivi les pistes et avait appris qu’en matière de vie extraterrestre, l’AMSEVE n’en était pas aux prémices de la connaissance comme son nom Agence Mondiale de Surveillance des Environnements et de la Vie Extraterrestres l’indiquait clairement.

Esmelia eut un sourire discret.

Il s’était passé tellement de choses depuis ces découvertes. Toutes avaient abouti à sa présence dans le désert aux côtés d’un homme dont elle ignorait tout il y a quelques mois.

Cela allait dans le sens du plan mis en place bien avant la naissance de ce monde...

En général, Esmelia se fiait à son instinct. Il fut un temps où elle ignorait d’où cela lui venait.

D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle avait toujours su ce qu’il fallait faire ou non. Elle ne se posait jamais de questions. Elle savait qu’elle devait prendre part à quelque chose de plus grand qu’elle, quelque chose de très important.

Son père ne cessait de le lui répéter, mais elle n’avait pas besoin de lui pour en avoir conscience. Trop jeune, surtout ignorante de ce qu’elle était vraiment, elle n’avait pas compris à quel point, mais elle le sentait.

C’était en elle, ancré comme une mémoire génétique.

À neuf ans, elle lui avait dit qu’elle voulait être linguiste et qu’elle accomplirait le rêve de l’une de ses ancêtres, Lisiann, en voyageant dans l’espace et en découvrant de nouveaux mondes et de nouvelles civilisations. Elles étudieraient leur histoire, leur culture.

Cela avait toujours été une certitude pour elle. Plus encore, une évidence.

Il s’était contenté de lui répondre par un sourire qu’elle avait trouvé d’une tristesse pesante.

Elle ignorait alors que sa destinée serait tout autre et qu’elle rencontrerait quelqu’un qui serait exactement ce qu’elle rêvait d’être enfant. Son père, lui, en avait eu une petite idée. Il s’était pourtant bien gardé de le lui dire.

Alors que certains parents auraient pensé qu’il s’agissait d’une lubie de petite fille, Brent Evihelia l’avait confortée dans ses choix.

Il ne cessait de lui répéter qu’elle devait croire son instinct et le suivre. Il lui citait souvent cet extrait d’Hamlet : "Il y a plus de choses dans le Ciel et sur la Terre, Horatio, que n’en rêve votre philosophie".

Elle avait toujours senti qu’il lui cachait quelque chose, sur elle, sur le monde qui les entourait. Elle avait essayé d’en savoir plus, mais lorsqu’elle le questionnait sur ces sujets, ses réponses étaient évasives et invariables.

Celles qu’elle entendait le plus souvent : "tu le découvriras le moment venu", "il n’y a pas de meilleur apprentissage que celui dont on fait l’expérience", "si je te le dis maintenant, tu n’auras plus aucun intérêt à le découvrir", "chaque chose en son temps, et un temps pour chaque chose".

Elle avait parfois le sentiment qu’il attendait quelque chose d’elle… Qu’elle trouve une clé… Qu’elle résolve une énigme… Mais il ne lui donnait aucun indice pour cela.

Ce n’était pourtant pas faute d’avoir cherché.

Très tôt, il lui avait fait apprendre le français, l’italien, l’allemand, l’espagnol, le latin et le grec qu’elle parlait comme sa langue de naissance, l’anglais, ainsi que quelques notions d’arabe.

Elle n’avait jamais connu les bancs de l’école. Son père et elle n’avaient cessé de voyager d’un pays à l’autre durant son enfance. Elle n’avait jamais connu sa mère autrement que par ce que son père lui racontait d’elle.

Il lui avait donné une partie de son prénom. Il lui avait raconté l’histoire de sa famille.

À son adolescence, Kolya lui avait remis les journaux intimes tenus par ses ancêtres. Après les avoir tous lus, elle avait alors compris pourquoi son père avait insisté pour qu’elle en tienne un, elle aussi. Ce qu’elle n’avait fait que bien après sa mort.

Plus tard encore, elle avait ajouté à son nom, celui des deux femmes de sa famille qu’elle admirait le plus.

Ses premiers apprentissages scolaires s’étaient faits par correspondance mais Brent ne laissait rien passer. Si ses notes descendaient en dessous du niveau de l’excellence, elle le payait cher aux entraînements sportifs ou à ceux de survie.

Parallèlement, à un enseignement strict, il avait engagé une gouvernante, Emmie, qui faisait pratiquement office de mère de substitution et qui l’encourageait dans les moments, rares, où elle sentait l'abattement la gagner.

Emmie ne savait pas tout à leur sujet, ou ne disait rien de ce qu’elle devinait. Elle les suivait partout. Sauf lorsqu’ils disparaissaient de la surface du monde durant un mois, parfois plus, une fois par an.

Durant ces périodes, Esmelia était soumise aux plus rudes épreuves de survie que son père pouvait lui imaginer.

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