Chapitre XXV. Un plan tordu, reste un plan tordu

7 minutes de lecture

Samedi 03/12/22, à Paris

Marc ne savait plus que faire de la perfide Sarah, la laisser derrière lui ; surement pas ! Il n’avait aucune confiance en elle. Tel un crocodile amorphe sur le bord d’un marigot et attendant la pauvre âme qui ne se méfiait pas, elle feignait parfois la gentillesse, pour endormir son entourage. Mais, il n’était pas dupe, il la surveillait du coin de l’œil comme une casserole de lait sur le feu.

Il avait déjà prévu son coup, la voiture de l’autre, il ne voulait en aucun cas le nommer, était garée juste devant l’immeuble, il n’avait pas été compliqué de trouver les clés, il laissait tout trainer. Ah ! Si Sarah avait pu l’aider, il n’aurait pas eu besoin de faire tout cela, mais cette idiote, s’était mis en tête de séduire le bel Étienne, elle aurait eu toutes ses chances, quand elle était encore la reine des garces. Mais elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Pauvre grive blessée, il pouvait pratiquement la soulever de son seul bras valide. Surtout, elle ne ferait jamais le poids face à la gentille Reeve qu’elle avait tort de sous-estimer. Elle avait été une très jolie femme autrefois, mais la rue la drogue, l’alcool, le sexe tarifé, la dénutrition. Elle n’était que viande à SDF maintenant !

Il la regarda sa poitrine qui se soulevait à chaque respiration. Il ne put s’en empêcher, il frôla un bout de peau sous son chemisier. Elle avait toujours de très beaux seins. Il fut tenté de les embrasser, se contint !

  • Oh Étienne !

Elle répondait à sa caresse, retenait la main qui déjà comme à regret fuyait. Elle cherchait ce corps qui se dérobait. Sa bouche rouge, gonflée de désir, quémandait un baiser qu’il aurait été prêt-à-donner, même s’il n’était pas l’autre. Elle était si désirable dans son sommeil.

Il se secoua, l’heure n’était pas à faire n’importe quoi, il aura le temps plus tard, pour l’instant il fallait qu’ils disparaissent elle et lui.

Il eut une idée de génie, il alla sonner chez la concierge. Cette chèvre ne pouvait pas le tolérer, mais il avait un plan et il était obligé de composer avec elle.

La vieille bique devait vivre l’œil sur le judas, elle ouvrit, la porte de la loge à la volée, alors qu’il avait encore le doigt sur la sonnette. Elle hurla telle Méduse, des serpents dans les cheveux

  • Que veux-tu ? Le pouilleux ! Vous êtes de trop toi et ton animal, si monsieur Étienne me l’avait demandé, je vous aurais jeté tout ça à la rue, toi le clodo, ton sac à puces, la noyée de la Seine et la folle du quatrième. Que me vaut le déplaisir ? Que puis-je ne pas faire pour toi charogne ?
  • Charmant vautour ! je ne vous aime pas non plus, je lâcherais volontiers le chien sur vous si je n’étais pas en mission pour Mr Étienne justement. Il a usé et abusé de la vilaine du Pont-Neuf et veut s’en débarrasser. Aidez-moi à la trainer dans sa voiture, nous allons ainsi nous délivrer de cette crevure. Ne vous inquiétez pas, il m’a grassement payé pour ce travail que j’aurais fait gratuitement de toute façon. Vous serez soulagée de savoir que je ne viendrai plus hanter ces lieux, que je ne pourrais plus admirer votre tête de guenon.
  • Vous m’en voyez ravi, cher ami.
  • Ah oui, chère madame Marinez, le petit maitre et celle que vous nommez la folle du quatrième, mademoiselle Reeve, sont en pleine lune de miel. Je vous prie de ne pas les déranger avant quarante-huit heures. Cela pourrait se retourner contre vous. Il doit surement préférer sa voix de colombe à vos hurlements de corbeau maléfique.

La concierge, se gardant bien de répliquer à cet hurluberlu qui n’attendait que ça ; trop heureuse de se débarrasser de tous les pouilleux de l’immeuble, croyant qu’elle servait la bonne cause, aida Marc à porter Sarah et à l’attacher au siège passager. Elle n’était qu’à moitié dupe, elle pensait bien que monsieur Étienne qui était parti dans la poubelle de sa dernière conquête ne pouvait pas prêter une si belle auto aux deux crève-la-faim. Ce devait être un vol, ce ne pouvait être que cela, mais ce n’était pas son problème. La voiture de James Bond ne s’empruntait jamais. Si le carrosse de Roger Moore était endommagé ou pire, ce n’était plus son souci. Un homme d’une si grande famille qui fricotait avec la petite fille d’un architecte désargenté et gâteux ne méritait pas mieux.

Elle regarda le bolide s’enfuir. Une chanson lui monta aux lèvres, un vieil Alpha Blondy :

Opération dératisation

Brigadier Savary…

***

La berline une V12 puissante et confortable glissait à vitesse élevée sur l’A 6. La passagère commença à sortir des limbes vers Auxerre. En se réveillant dans la voiture d’Étienne elle s’imaginait déjà Cendrillon d’autrefois voyageant avec le prince charmant. Puis elle vit Marc au volant, paniqua une seconde et se souvint du plan qu’ils avaient élaboré ensemble. Ce soir le beau clodo aura droit à sa récompense, il attendait ça depuis si longtemps, il sera facile à contenter. Elle sourit à son compagnon et lui dit d’un air mielleux :

  • Tout s’est bien passé Marc ?
  • Mais bien entendu très chère, nous roulons à tombeau ouvert vers notre future destination, la Cote d’Azur .
  • Mais, ce n’est pas ce qui était prévu, ce devait être l’ile de Ré non ?
  • J’ai changé de destination, c’est tout ! Je ne t’avais rien promis, ma jolie, tu ne perdras pas au change. Ne t’inquiète pas. Tu t’appelles Madame Sarah Faraway. Tu es une Anglaise qui a épousé un footballeur talentueux et prometteur. Nous nous arrêterons à l’aéroport de Marseille-Provence où nous attendra un vol direct sans retour pour Kuala Lumpur ! Pour l’instant, tu as intérêt à dire oui ! C’est moi qui ai les passeports les cartes et les six cent mille euros en argent liquide. Vous avez une chance, folle madame Faraway, vous êtes mariée avec un millionnaire. Je t’ai attachée pour que tu ne me crées pas de complications à Paris. Mais, maintenant que nous sommes à moins de trois cents kilomètres de Lyon, soit, tu es raisonnable, je t’emmène en Malaisie. On se partage le pactole et tchao, chacun de son côté. Sinon, je t’abandonne, avec juste cette robe sur tes belles jambes dans la première aire d’autoroute venue. Tiens, Nitry ou Annay-sur-Serein, ça te plairait ? Sinon, tu es intelligente, d’après le GPS dans moins de six heures nous sommes dans l’avion.
  • Je t’avais dit Reeve ! OK ! Mais pas Étienne !
  • Mais, es-tu conne ? Tu n’as pas encore compris que toi et moi nous ne sommes que des remplaçants. Qu’Étienne c’est de Reeve qu’il est amoureux, pas de toi ! Que veux-tu ? Espèce de gourde ! devenir gouvernante, la nounou de leurs futurs enfants. Tu n’as pas de place dans leur vie, je n’ai aucune place dans celle de Reeve. Je te le propose encore une fois, deviens Madame Faraway, ou je te débarque dans mille mètres. 10, 9, 8, 7, clignotant ! Je prends la voie de droite, 6, 5…
  • Nooon ! je veux bien m’appeler Madame Faraway. Ne veux-tu pas que l’on se trouve un hôtel pour fêter notre accord, notre nuit de noces ?
  • À Kuala Lumpur, nous pourrons copuler comme des animaux si tu en as encore envie. Ma très chère femme, l’avion nous attend, nous avons tout juste le temps de sauter dans le vol. Les billets ne sont pas échangeables. À cette heure-ci, les deux bisounours doivent roucouler sur une plage de sable fin. Quand ils se rendront compte qu’on les a pillés, on aura les flics au cul. Ce n’est pas encore le cas, profitons de rouler, la vie est courte, la vie est belle ! La chance est avec nous pour l’instant.

***

Finalement, la belle Sarah finit par se détendre, la voiture était confortable, elle le trouvait mignon, Marc, avec ses six cent mille euros. Elle s’en souvenait, il n’était pas un mauvais amant autrefois, enfin, tant qu’il n’abusait pas de la bouteille bien entendu. Elle aurait pu… une bouffée de tendresse la cueillit au débotté. Elle se tourna vers lui, lui caressa le bras. Il la regarda amusé et dégaina le premier :

Voilà on y est, ce que tu ne peux avoir par la force, tu essaies de l’avoir par la ruse. Mais, ma chérie, on n’attrape pas le vieux singe avec des bananes trop mûres. Je t’ai eu, je sais ce que tu vaux au lit ! Tu sais t’y prendre. Plutôt bien même. Mais depuis trop longtemps ; tu ne fais plus ça juste pour le fun ! Pute tu es, pute tu resteras. Bien bête sera celui qui se laissera prendre à tes singeries.

  • Et tu pourrais te tromper, mon cher Marc. Je comprends enfin qu’Étienne n’en a rien à fiche de moi ! C’est par pitié qu’il m’a recueillie, sauvée. Il en crève pour cette pouf de Reeve. Elle est une très jolie jeune femme, ils vont bien ensemble. laisse-moi une deuxième chance
  • Tu commences à devenir moins… moi cet Étienne, je ne peux pas le blairer…
  • Toi non plus tu n’avais aucun avenir avec ta Reeve, elle te regardait avec mépris tu étais moins qu’un ami, pour elle…

Puis, après un long silence, elle reprit :

  • Si je ne peux pas être une madame Étienne, je peux devenir une madame Marc. Il n’y a que d’une chose dont j’ai peur, je ne supporte plus l’abandon. Je ne supporte plus de dormir seule, j’ai peur du noir, du vide, du manque d’amour, j’ai besoin de chaleur humaine… Quand on sera sorti de tout ça, Marc, je deviendrais tienne ! Je ne supporterai plus le trottoir, la faim, la prison… Je pourrais tuer pour un repas chaud et pour un peu d’amour. Mais gare à toi, si tu me trahis ; je serais alors sans pitié.
  • On verra çà, Marignane d’abord, la Malaisie ensuite…

E.Y

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 8 versions.

Vous aimez lire L' Étirêvaunichoux ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0