Chapitre 25 : La beauté est dans l’œil de celle qui regarde

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Gwendoline pénètre dans la chambre sur la pointe de pieds.

— Emma dort toujours ? demande Erwann, qui s’était plongé dans un de ses romans graphiques en attendant qu’elle vienne se mettre au lit.

— Oui, confirme-t-elle tout bas en se déshabillant. C’est rare qu’elle s’endorme sur le canapé comme ça, mais la rentrée a été chargée et elle est crevée en ce moment. Merci de l’avoir portée à l’étage.

— Je t’en prie. Ça m’a rappelé l’époque où Manon était plus petite et où je pouvais encore faire de même avec elle.

Gwendoline sourit à l’évocation de Manon et allume une bougie sur la table de nuit. Puis, elle éteint la lumière de la lampe de chevet, ce qui plonge la pièce dans une ambiance plus intime. Nue, elle se glisse dans le lit à ses côtés et se colle contre son corps chaud et douillet. Il repose le livre, ravi de la retrouver enfin pour lui tout seul. La soirée a été longue et éprouvante et un peu de douceur est bienvenue.

— Ta fille est adorable en tout cas, dit-il en l’accueillant dans ses bras. Exactement comme je l’imaginais quand tu m’en parlais. Je suis heureux de l’avoir rencontrée.

Gwendoline sourit, sa joue posée sur son torse tatoué.

— Elle t’adore déjà, je l’ai vu. Tu sais te faire aimer. Tu as un don pour cela.

Le Breton sourit, le cœur gonflé de gratitude, et se laisse submerger par des réminiscences du passé.

— Lorsque Manon était petite, j’imaginais souvent une scène en particulier.

— Laquelle ?

— Qu’un jeune freluquet à boutons et à lunettes à cul de bouteille allait venir la chercher à la maison. Je l’aurais attendu avec mon regard de tueur, pour qu’il se sente aussi mal à l’aise que possible et je me serais délecté de lire la peur dans ses yeux.

Gwendoline éclate de rire contre son buste.

— C’est pas très sympa. Pourquoi veux-tu effrayer les gens ?

— Pas les gens. Juste les mecs qui se seraient pointés pour dépuceler ma fille chérie. J’aurais adoré les voir se liquéfier à la simple idée que je pourrais leur rompre le cou à la seule force de mes mains.

— T’es complètement taré, rit-elle.

— Nan j’exagère, mais tu vois l’idée. C’est un truc de père avec nos filles je crois, tu ne peux pas comprendre. On connaît les hommes. On sait ce qu’ils ont dans le crâne et en tant que père, c’est mon rôle de protéger ma fille. Et je me serais fait un plaisir de les mettre… au parfum…

— En les accueillant avec un flingue ?

— On ne peut pas en France, quel dommage, soupire-t-il. De toute façon, je ne peux plus, cette option n’est plus disponible pour moi. Sauf si…

— Sauf si quoi ? Ta fille change de bord ?

Manon est encore jeune, pense-t-elle, elle ne fait peut-être qu’explorer un pan de sa sexualité. À cet âge, rien n’est figé dans le marbre. Quel que soit l’âge, d’ailleurs. La vie est une suite de nouveaux départs.

— Non, s’esclaffe-t-il à son tour. Nan... tu me laisseras le faire pour Emma ? La protéger comme il se doit ?

— Emma a un père et je crois qu’il partage ton état d’esprit à ce sujet. Il se pourrait que vous vous entendiez bien à ce propos.

— Parfait. Deux protecteurs valent mieux qu’un. On n’est jamais trop prudent avec les filles.

— Tu es fou.

— De toi oui, dit-il en lui embrassant la tempe.

Sa main caresse son épaule, sa peau douce et ambrée dans la lumière chaude de la bougie. Vingt-quatre heures à ses côtés et pourtant, comme une sensation d’éternité.

— Comment t’es-tu rendu compte que Manon aimait les filles ?

Erwann réfléchit quelques instants avant de poursuivre :

— Elle ne parlait jamais de mec. C’était assez flagrant. Et puis, je ne sais pas… elle n’avait pas l’air intéressée par les jeux classiques de petites filles ou les dessins animés qui parlaient de princesses et de chevaliers. Lorsqu’elle a grandi, je voyais que son amitié avec Clara était plus que de la simple camaraderie. Mais je ne voulais pas l’interroger à ce sujet, cela aurait été trop intrusif, il me semble.

— Pourtant, c’est assez ton genre de l’être, remarque-t-elle, taquine.

Erwann soupire, conscient d’y avoir été fort depuis leurs retrouvailles. Mais il s’en défend, persuadé d’être dans son bon droit :

— Je veille sur les personnes que j’aime à ma façon et dans ma façon d’être, il y a ce côté un peu barbare de prendre les choses en main avant qu’on me l’ait demandé, je le reconnais. C’est vraiment gênant ?

— Non. Tout dépend comment c’est dosé, comme pour tout. Mais avec Emma, tu as été parfait tout à l’heure, ça rattrape le reste. Je t’ai trouvé très… naturel, spontané.

— J’ai une fille, ça doit aider, commente-t-il en caressant les contours de son visage.

Gwendoline passe la main sur son ventre, là où se dessinent les griffures laissées par le buisson avec lequel il s’est battu plus tôt. Erwann grimace légèrement.

— Merci d’avoir nettoyé mes blessures.

— Elles ne sont pas bien méchantes. Elles ne te laisseront pas de marques.

— Pas comme celle-ci, c’est sûr, ironise-t-il en désignant son visage d’un sourire triste.

— Celle-ci est surprenante au premier abord, mais j’étais sincère tout à l’heure. Je ne la trouve pas moche, ni elle, ni toi. En réalité, je l’adore. Elle te donne un côté guerrier scandinave.

À la lueur de la flamme vacillante, elle détaille sa joue meurtrie, avant de poser plusieurs baisers délicats dessus. La zone est toujours rouge, boursouflée et inégale, mais la sensation n’est pas désagréable.

— Emma n’a pas eu l’air trop effrayée, constate Erwann, la voix pleine de tendresse. C’est le principal.

— Les enfants s’adaptent facilement. En plus, elle ne t’a jamais connu avant, alors pour elle, j’imagine que c’est ton « vrai » visage. Elle serait peut-être plus choquée de te voir sans désormais.

— Je ne compte pas la garder pour autant.

— Comment ça ?

— Il faut attendre un an pour que la cicatrice soit stable. Ensuite, il y a la chirurgie réparatrice. Vu la taille, plusieurs opérations seront nécessaires.

Gwendoline garde le silence un moment, pensive. Elle caresse son torse tatoué d’un geste machinal mais affectueux, puis reprend, légèrement inquiète :

— Tu n’as pas peur que cela change ton visage ?

— Mon visage est déjà grandement modifié.

— Oui… mais, je ne sais pas, ça peut peut-être modifier tes traits, tes expressions. J’aurais peur de ne plus te reconnaître.

— Je fais peur aux gens, Gwen. On me dévisage sans arrêt. On m’appelle le balafré. C’est un peu… lourd à supporter au quotidien, pour moi, pour Manon, et cela le sera sûrement pour Emma, pour toi et… enfin ça l’est pour tout le monde.

— Je comprends ton point de vue et je te soutiendrai. Tu as raison, c’est ton visage, pas le mien.

— Cela dit, c’est très gentil de me dire que tu me trouves toujours aussi beau ainsi. Je vais presque finir par le croire.

— C’est la vérité, crois-le. Je te trouve toujours aussi beau, et plus j’apprends à te connaître, plus ta bonté et ta beauté intérieure me touchent, m’émeuvent. J’aimerais que tu ressentes cela pour moi aussi, car avec les années, je ne vais pas aller en m’arrangeant et j’espère que quand je deviendrai moche et vieille, tu prendras toujours plaisir à me regarder.

— Je n’ai aucun doute là-dessus, dit-il en relevant son menton pour plonger son regard dans le sien.

La flamme de la bougie dessine des ombres mouvantes sur les murs et sur leurs peaux. Dans la lumière tamisée, Erwann détaille les traits du visage de sa compagne. Il le connaît déjà par cœur, et malgré ses imperfections, n’y voit, lui aussi, que la beauté.

— Je ne me lasse pas de te regarder, murmure-t-il de sa voix grave. Ni d’être avec toi, avec ou sans personne autour de nous. Tu es toujours celle qui captive mon regard, celle qui attire mes yeux comme des aimants.

Il glisse sur elle pour l’embrasser à pleine bouche, avant de reprendre :

— Tu es celle qui éveille tous mes sens…

Ses lèvres parcourent sa gorge, dérivent sous son lobe d’oreille.

— Celle qui me donne envie de faire l’amour à longueur de temps, susurre-t-il.

Elle frémit de ses déclarations, savoure ses mots autant que ses caresses. Son imaginaire s’enflamme, surtout lorsqu’il se frotte, entièrement nu, contre son entrejambe humide.

— Erwann... souffle-t-elle, il ne faut pas qu’on oublie.

— Quoi ?

— Les tests.

— Demain, on prend rendez-vous à la première heure.

— J’ai acheté des préservatifs tout à l’heure.

— C’est pour ça que tu voulais qu’on s’arrête à la pharmacie de garde ?

— Oui, ment-elle.

Erwann l’avait attendu dans la voiture lorsqu’elle lui avait signifié « je reviens ». Dans la boutique, elle avait gobé le cachet en vitesse, après avoir demandé un verre d’eau. Même si elle était encore dans les délais, elle avait conscience que chaque heure supplémentaire lui avait peut-être causé un préjudice irréparable.

— Je croyais que tu avais eu tes règles, explique-t-il. Comme au phare.

— Non, pas avant une dizaine de jours.

Une dizaine de jours à se torturer l’esprit, c’est plus qu’il n’en faut, pense-t-elle songeuse, avant de chasser ses inquiétudes d’un battement de cils. Ce qui est fait est fait. Elle ne peut plus revenir en arrière et décide de s’en remettre à l’Univers, avec la croyance que le meilleur lui sera offert, comme d’habitude. C’est ce qui lui arrive toujours. Derrière chaque « bonne » ou « mauvaise » chose, se cache un cadeau pour lequel elle finit par avoir de la gratitude. Il en sera de même cette fois-ci, quoi qu’il advienne.

— Parfait, dit-il en glissant la langue le long de son cou. On a le temps d’en profiter alors, maintenant que l’on est équipé.

Ses lèvres charnues aspirent la peau de son décolleté, de plus en plus bas, jusqu’à la naissance de ses seins.

— Tu n’es pas fatiguée ? demande-t-il, joueur.

— Je suis en pleine forme. Dans une forme olympique.

— Hum, j’ai intérêt à assurer ce soir, je ne voudrais pas te décevoir.

— Me décevoir ? Oh… gémit-elle lorsqu’il attrape un mamelon.

Pendant un long moment, Erwann joue avec l’aréole, qui se durcit au contact de sa bouche, signe que sa partenaire décolle un peu plus haut à chaque nouveau coup de langue. Elle remue son bassin contre son ventre, favorisant une friction agréable de son clitoris sur sa peau tendre. Cela déclenche en elle une intense montée de désir. Et en lui de plus en plus d'excitation. Lorsqu’il sent qu’elle s’impatiente, sa bouche poursuit son chemin vers le bas de son ventre. Ses mains sur sa poitrine, il s’aventure entre ses cuisses. Elle frémit de plus belle.

— Me décevoir ? répète-t-elle doucement, comment pourrais-tu me décevoir mon amour, alors que chaque fois que tu me touches, je suis transportée…

— Et chaque fois que je te touche, je suis au septième ciel…

Sa langue remonte le long de son sexe. Comme la nuit dernière, où il l’a fait jouir trois fois d’affilée, lui laissant à peine le temps de redescendre avant de la propulser à nouveau dans une autre galaxie. Trois tours de manège et le tournis du plaisir s’était emparé d’elle.

Oh.

Sa bouche, ferme et délicate, sur cette zone si… sensible… réactive. Oh. Son corps frissonne, en redemande. Elle serre les poings, remue les hanches, tandis qu’il appuie un peu plus, accélère un peu plus et la sent grimper plus haut à chaque fois.

Elle pourrait pleurer de bonheur, hurler de joie, tellement la sensation est divine. Erwann s’en donne à cœur joie, insatiable, gourmand et connaisseur. Un fin gourmet qui savoure le parfum de ses chairs, de sa sève, et qui ne s'en lasse pas.

À présent qu'il la connait bien, qu'il devine ses attentes silencieuses et devance ses désirs muets, il sait comment la faire jouir aussi facilement que si c’était elle qui s'y essayait. Il joue avec son intimité avec volupté et délectation. Elle s’emballe. Ses cuisses se resserrent. Elle va se perdre, s’abandonner. Il exulte à l’avance de ce cadeau qu’elle lui fait.

— Continue, je vais venir, je…

Sous sa langue agile, il sent les contactions de son sexe, presque autant que les soubresauts de son corps. Il profite de cette sensation magnifique de la savoir au comble du plaisir grâce à lui. Il se régale de la voir offerte et épanouie, transcendée par cette jouissance qu’il a déclenchée. Il l’écoute redescendre, guidé par sa respiration plus fluide.

Lorsque son corps redevient plus calme, elle le fait revenir plus haut. Encore plus haut. Beaucoup plus haut. Lorsqu’elle estime qu’il est au bon endroit, elle prend son sexe tendu entre ses lèvres et, avec la pointe de sa langue, caresse son frein délicatement. Erwann appuie ses mains au mur au-dessus du lit et la laisse s’amuser, lécher, aspirer, suçoter. Qu’importe l’action, le plaisir d’être à elle l’emporte. Lui appartenir, corps et âme, l’embrasser, être en elle, dans son sexe, dans sa bouche, contre elle, tout est si bon, qu’il n’arrive même plus à savoir ce qu’il préfère.

Elle le regarde en glissant ses lèvres sur son gland, provocatrice et innocente à la fois.

— Si tu viens, finis dans ma bouche.

Il hoche la tête, le cœur battant. Il n’y a pas un mot cru qui ait été prononcé mais la phrase lui donne le vertige.

Son pouls s’accélère. Des frissons le parcourent.

Elle va l’achever, c’est sûr.

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