Chapitre VII

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Une rai de lumière filtrant par les persiennes vint réveiller Jacky en lui caressant la joue. Groggy, il s'étira longuement. La nuit avait été agitée et peuplée de songes caverneux. En avalant son café, il décida que la récolte des petits pois serait parfaite pour se changer les idées en profitant du soleil. Dans le milieu de la matinée, courbé sur son labeur, Jacky fut interrompu par le facteur et son vélo grinçant :

— Salut Jacky. Y a du courrier pour toi... avec en prime une jolie carte postale de l'administration !

Jacky se releva pour s'approcher du portail. Une lettre scellée du sceau "République Française" trônait en haut de la pile.

— Merci Paulo. Ah ? Un excès de vitesse ou une facture que j'ai laissé traîner sans doute...

— Non, je ne pense pas. C'est peut-être en rapport avec les élections, tout le monde à la sienne ce matin, même moi !

Visiblement à la bourre, Paulo se remit en selle en saluant Jacky et continua sa tournée. Curieux, le jardinier décida d’ajourner la récolte. Il déposa le panier de petits pois à l'entrée du cellier afin que chaque passage lui rappelle qu'il devait les écosser. Arrivé dans la cuisine, il se servit un verre d'eau et décacheta l'enveloppe officielle. Il survola les paragraphes pompeux en buvant à petite gorgée. Soudain, Jacky se figea. Ivre de stupéfaction, il laissa échapper son verre qui se fracassa sur le sol. Le gouvernement encore en place réclamait un euro symbolique aux contribuables, pour financer la réfection de la tour Eiffel sans toucher aux comptes publiques. Cet emblème de la France devait être sauvé, sans accroître la dette. Ce montant serait prélevé à la source. Ne doutant pas de la compréhension de chacun, le ministre du budget remerciait le lecteur en le gratifiant de ses salutations distinguées.

On frôlait l'absurde. Jacky bouillonnait de rage.

Qu'ils demandent à Fion de rembourser huit ans de salaire d'attaché parlementaire, tiens ! En rajoutant l'impôt sur la fortune supprimé l’année dernière, on ne devrait pas être trop loin du compte... Quant à la dette, parlons-en !

La semaine passée, Jacky avait entendu une émission à la radio traitant de ce sujet. D'une part, la dette n'avait pas vocation à être remboursée car elle alimentait des lobbys, créanciers de l'état, avec des taux d'intérêts faramineux. La tour Eiffel n'était qu'un alibi pour, une fois de plus, taxer la populace.

Évidemment, quand on a pour ambition d’emprunter quelques milliards à quelqu’un pour financer une campagne électorale ou des projets hautement lucratifs, c’est un peu délicat de venir l’emmerder avec la rénovation du patrimoine…

Cette fois c'en était trop. Les réflexions de la veille ressurgirent brutalement sous la forme d'une révélation. Son père n'était plus là pour lui faire la morale. Qu'est-ce qui le retenait ? Pas de femme, pas d'enfants, un passeport à jour et un petit héritage lui permettant de voyager. Il était libre de s'en aller où bon lui semblait. Partir loin, laisser ce système à ses dérives et s'en détacher. Pourquoi attendre l'apocalypse en courbant l'échine plutôt que de vivre ce qui lui restait de temps comme il en avait toujours rêvé ? Définitivement, Jacky ne se sentait plus la force de cautionner cette société décadente. Les stigmates de son abnégation militante venaient de voler en éclat avec ce verre, sur le carrelage de sa cuisine.

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