Chapitre 12 –

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Nate, derrière son imposant bureau, avait un casque de musique sur les oreilles et tapait la mesure du pied. Les lumières des néons ne permettaient pas de savoir si la nuit était tombée. Aelis et Katarzina usaient de la salle d’entrainement qu’il avait emménagé pendant la convalescence d’Aelis. Cette dernière enroula ses doigts autour du casque de Nate, lui retirant sa bulle musicale. D’un geste visiblement agacé, il fit tourner sa chaise vers Aelis, leur regard se confrontant. Celui d’Aelis était empli d’impatience et de nervosité. Celui de Nate à contrario était fatigué et agité. L’explosion du bar datait maintenant d’un mois. Aelis avait repris les entrainements avec une étonnante facilité. Néanmoins, l’aîné des Sorel n’avait pas perdu son objectif de vue. Elle voulait retrouver Béryl. Les évènements mis bout à bout, le constat est que la recherche de la plus jeune des Sorel était au point mort. Rien n’avait bougé d’un iota. Aucun indice, aucune trace.

— Quarante-et-un jours, siffla Aelis entre ses dents.

— Change de ton Aelis. Je suis ton allié.

— Un allié ? Cracha-t-elle. Tu n’as absolument rien trouvé. RIEN ! hurla-t-elle

— J’y suis pour rien s'il n’y a aucune piste à suivre ! Ta sœur est un putain de fantôme, aboya-t-il agressivement.

— Je reprendrai bientôt mon plan de base, soupira-t-elle contrarier.

— Tu veux dire : accepter toutes les chasses, tuer des avancés à tour de bras, et ne pas avoir plus d’informations ? questionna Nate, sarcastique.

— Au moins, moi, je fais quelque chose ! grogna-t-elle à son tour.

Nate soupire, posant ses doigts sur l’arête de son nez, les yeux fermés, le visage abaissé vers le sol. Il patienta quelques secondes encore, avant de confronter de nouveau le regard d’Aelis.

— C’est pas une bonne idée. Tu devrais te calmer et attendre. Ta dernière chasse t'a coûté une balle, ç'aurait pu te tuer.

Elle se tourna brusquement, les bras écartés, comme si elle pouvait les étendre pour englober toute la frustration qui bouillonnait en elle. Ses cheveux fouettaient l’air lorsqu’elle s’avança vers Nate de façon menaçante.

— Et Elle ?! Elle est peut-être déjà morte. Tu veux que je sois patiente, pourquoi ? Pour qu’on vienne annoncer à mes parents que j’ai échoués ? Qu’ils ont perdu leur enfant parfait ?

Nate s’approcha, posant une main sur l’épaule d’Aelis de façon compatissante, son visage plus doux.

— Je n’arrête pas de chercher, je te le promets. Il faut être patient…

— Patient ? elle eut un rire amer. Quarante-et-un jours Nate. Béryl a été bien assez patiente.

— Quarante-et-un jours de recherche sans relâche. Une balle dans le dos. Des heures d’entrainement. Et même une infiltration dans un camp de réfugier. Je te trouve injuste Aelis. On fait de notre mieux.

— Va dire le dire à Béryl. Plus le temps passe, et moins on a de chance de la retrouver en vie. Et tu le sais très bien.

Nate baissa les yeux en mordillant ses lèvres. Il comprenait la souffrance d’Aelis, cependant la réalité n’était pas seulement les émotions en pagaille de la jeune femme. Il y avait une multitude de facteurs à considérer. Même s’il ne pouvait pas l’exprimer à voix haute, il était clair que si Béryl n’avait pas encore été retrouvé morte, c'est probablement qu’elle n’avait pas été enlevée. Peut-être avait-elle fait le choix de partir d’elle-même. Le pourquoi reste un mystère. Pour autant, Nate était prêt à parier qu’il y avait un lien direct entre les capacités surhumaines d’Aelis et la disparition soudaine de Béryl.

Il soupira bruyamment et se laissa retomber dans son siège.

— Si tu veux reprendre la chasse, vas-y. Mais, j’aimerais d’abord te faire un check-up complet.

— Je vais très bien ! grommela-t-elle, bras croisés.

— C’est juste pour vérifier Aelis. Arrête de faire chier, et accepte mes conditions.

Elle marmonna. Nate savait qu’elle le laisserait faire. Elle était juste encore en colère et excité à l’idée de retrouver sa sœur. Il était incapable de lui en vouloir de se faire ronger par son angoisse et sa colère. Aelis se sentait responsable. Le poids dans sa poitrine ne diminuait jamais. Plus les jours passaient et plus, elle se sentait coupable. Elle était la grande sœur ; c’était son devoir de la protéger. Ses parents l’avaient éduqué dans ce sens.

— Donne-moi une journée.

La jeune femme le regarda sévèrement sans desserrer les bras sur sa poitrine.

— Juste une, appuya-t-il à nouveau.

Elle acquiesça d’un mouvement de tête, et elle tourna les talons.

La rue était déserte, éclairée par des réverbères vacillants. Aelis avait mis son casque, les mains enfoncés dans les poches de sa veste. La nuit était claire, et les températures clémentes. Les pas d’Aelis résonnaient dans le silence des ruelles, et son esprit était en ébullition après la conversation houleuse avec Nate. La colère s’atténuait en marchant ainsi, tel un fantôme. Elle n’était pas en colère contre Nate. Aelis s’en voulait, et elle fulminait de son impuissance. Il avait raison ; il faut qu’elle soit patiente. Chaque seconde la rapprochait davantage de la folie.

Au croisement, elle prit machinalement à droite, avant de s'apercevoir que ses pas l’avaient mené jusqu’au bar en ruine. Elle grimaça en regardant le trou béant dans la façade, les tables retournées et des morceaux de corps parfois oublié. Elle resta quelques minutes, essayant de refaire le fil des évènements dans sa tête. Sa mémoire était malheureusement capricieuse. Agacée, elle reprit sa marche. Cette fois-ci, elle avait une destination en tête.

— Vachement pratique pour allumer les clopes.

Aaron sursaute avant de relever la tête vers Aelis. La flamme au bout de ses doigts mourut rapidement. Elle s’avançait vers lui d’une démarche tranquille, un casque autour du cou. Il coinça la cigarette tout juste allumée entre ses lèvres, la jaugeant. La fumée s’élevait dans l’air frais de la nuit, se dissipant presque aussitôt. Machinalement, il proposa la cigarette à la chasseuse, elle refusa d’un simple geste de la tête. Il s’appuya contre le mur décrépit d’un vieux kiosque, l’air d’attendre qu’elle entame la conversation. Elle vient s’appuyer à côté de lui, les bras croisés, son regard se portant au loin, entre les bâtiments. Ils étaient à peine à quelques mètres de l’entrée du vieux métro. Personne ne passait par là, pas même les chats errants. Curieusement, Aaron n’était pas surpris de la voir. Ils ne s’étaient pas revus depuis qu’il l’avait confronté sur le toit, pourtant, il l’aimait bien. Elle est têtue et mortellement dangereuse ; ça ne lui déplaisait pas.

— Tu veux toujours m’aider ? demanda-t-elle sans préambule après quelques minutes.

Aaron éteignit la fin de sa cigarette en la frottant contre le mur et jeta le mégot plus loin. Lorsqu’il tourna son visage vers Aelis un sourire sarcastique s’étirait sur ses lèvres.

— Les avancés ne sont plus des monstres ? Je ne mérite plus de mourir ? questionna-t-il moqueur.

Aelis eut un pincement de gêne, un malaise non anticipé. Elle fit rouler ses yeux, passablement irrité. Serrant les lèvres quelques instants, elle finit par tourner la tête vers lui. Leurs yeux se confrontaient, leur respiration se mélangeaient à cause de leur proximité. Aaron ne s’était pas défait de son sourire, néanmoins il prenait soin de regarder chaque détail du visage d’Aelis. Il voyait bien qu’il avait touché un point sensible, et la voir se remettre en question était quelque peu jouissif.

— Mon avis n’a pas changé, mais…, commença-t-elle.

— Mais ? la pressa Aaron.

— Rien. Laisse tomber. Je vais me débrouiller, débita-t-elle hâtivement.

Elle se décolla du mur, commençant déjà à s'éloigner d’un pas pressé. Aaron lui emboita le pas aussitôt, saisissant son poignet pour la retenir. Il eut un léger rire, passant une main à l’arrière de sa tête.

— Pars pas. C’est bon.

— Alors, tu vas m’aider ?

— Tu perds pas le nord toi, pouffe-t-il. Si tu me le demandes gentiment, peut-être bien.

Les joues d’Aelis s’empourprèrent aussitôt. Elle libéra son bras de l’emprise d’Aaron, une moue sur le visage. Elle n’aimait pas la facilité avec laquelle il la mettait mal à l’aise. Ses yeux rivés sur ses chaussures, elle fit glisser ses doigts contre la couture autour de sa poche. Après quelques secondes, elle émit un soupir exaspéré, un brin frustré. Elle savait qu’elle avait besoin de lui, néanmoins elle détestait s’en apercevoir et qu’il en joue autant. Prenant une grande inspiration, elle formula prestement :

— S’il te plait.

— J’ai mal entendu, se moqua-t-il, penchant son visage vers elle.

— Aide-moi à retrouver Béryl, s’il te plait Aaron. C’est bon là ?!

— Avec plaisir Aelis, reprit-il satisfait, un sourire vainqueur peint sur le visage. C’était pas si dur que ça à dire, si ?

Elle grogna et lui donna un coup dans les côtes, le faisant plier et tousser. Il posa une main sur ses côtes, une grimace ayant remplacé son sourire. Aelis, bras croisés, n’était pas le moins du monde accablée par la douleur qu’elle lui avait fait ressentir. Elle aussi pouvait jouer au plus fort avec lui, et elle savait qu’elle pouvait gagner.

— Bordel, j’espère que t’es plus douce avec tes partenaires, couina-t-il avec humour.

Pour la première fois en sa présence, Aelis éclata d’un rire sincère. Il lui avait fait oublier sa dispute avec Nate et toute la colère qu’elle avait pu ressentir à peine plus tôt. Aelis refusait de le reconnaitre, pourtant Aaron lui permettait de garder les pieds sur terre et ne pas sombrer dans cette noirceur attrayante qu’était la folie.

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