Chapitre 21 –

6 minutes de lecture

Katarzina marchait d’un pas lourd et rapide. Son visage était marqué d’une inquiétude saisissante. Ses muscles étaient tendus sous la surface de sa peau brune. Elle poussa la porte donnant accès à la chambre qu’occupait habituellement Aelis. Vide. En balbutiant des injures tout bas, elle traversa le souterrain en essayant de trouver la jeune fille. À défaut, elle trouva Nate et Vivienne dans l’infirmerie. Elle passa une main sur son visage, pesant mentalement le pour et le contre avant de finalement capter le regard de l’hôte des lieux.

— Où est Aelis ? demanda-t-elle, sa voix trahissant l’inquiétude qu’elle ressentait.

— Elle suit une piste, répondit Nate, les sourcils froncés.

— Dis-lui de revenir, ordonna-t-elle.

— Même si je le voulais, elle ne m’écouterait pas.

— Merde ! cria Katarzina ne retenant plus sa frustration.

— C’est quoi le problème ? intervient Vivienne d’un ton calme.

Katarzina fit quelques pas en contrôlant sa respiration. La fratrie la regardait faire des allers-retours dans l’infirmerie, attendant qu’elle explique sa soudaine fureur. Il était si rare de voir Katarzina exprimer ouvertement la moindre émotion. Ses pas s’arrêtèrent. Elle prit une profonde inspiration avant de dire d’un ton protocolaire :

— Les filles Sorel ont été mises à prix.

— Quoi ?!

Nate s’était levé précipitamment de sa chaise en regardant la maîtresse d’armes d’un air médusé. Après un instant de flottement, il se concentra sur l’écran de son ordinateur, tapant sur les touches avec plus de force que nécessaire. Il ne fallut qu’une poignée de secondes pour retrouver la mise à prix. Nate frissonna avant de regarder Katarzina avec un regard assombrit par la colère. Vivienne posa une main sur l’épaule de son frère. Il donna un coup d’épaule, se dégageant de sa prise, contournant le bureau pour s’approcher de la maîtresse d’arme à grands pas. Son souffle plus lent et lourd fait frémir ses narines. Il leva un doigt accusateur vers le visage de Katarzina, sa voix grondant de rage.

— Dis-moi que tu n’étais au courant de rien.

— Je ne peux pas…, répondit Kat, à peine audible.

En moins d’un instant, Nate leva son poing et l’écrasa contre le visage de Kat. Elle encaissa le coup, chancelant légèrement. Lorsque Nate s’apprêta à mettre un second coup, Vivienne le tira en arrière, l’éloignant autant que possible de la maîtresse d’arme. Elle lui murmura plusieurs fois de se calmer jusqu’à voir ses doigts se desserrer. Son souffle redevient lentement plus régulier. Son visage toujours crispé dans une expression de colère. Il pointa de nouveau un doigt vers Katarzina, accusateur :

— Je ne t'ai jamais senti ! Tu prétendais être du côté d’Aelis, mais t’es juste une putain de vendu.

— Je respectais mon contrat. Je ne pensais pas qu’elle…

— C’est ça le problème : tu ne penses pas ! coupa Nate.

Il prit une longue inspiration, et il retourna s’asseoir derrière son bureau, une expression fermée marquant ses traits. Il n’avait pas l’intention de poursuivre une quelconque conversation. Vivienne invita Katarzina à la suivre d’un geste de la main. Les deux femmes quittèrent la pièce.

Vivienne déposa une poche de glace sur l’œil droit de Katarzina. Nate avait frappé fort. Sans doute aurait-elle un œil au beurre noir d'ici à vingt-quatre heures. Vivienne laissa la tension redescendre, attendant que sa patiente de fortune soit moins sonnée. Elle bondit sur le plan de travail de l’espace cuisine, laissant ses jambes se balancer dans le vide.

— On a besoin de savoir ce que tu sais sur les filles Sorel. On ne peut pas avancer sans ton aide Katarzina. Tu as gardé trop de choses pour toi. Maintenant, le temps presse, les contrats n’ont plus aucune importance, commença Vi, instaurant un dialogue pour l'inciter à la confidence.

— Je ne sais rien de concret… Sauf une chose : les Sorel ont fait subir une greffe à leurs deux filles. Aelis avait six ans. Béryl l'a eu à trois ans, raconta Katarzina.

— Une greffe ? questionna Vivienne.

— Je n’en sais pas plus. J’ai été embauché après la naissance de Béryl. Les Sorel voulaient toujours que je leur fasse des rapports sur l’état physique et mental d’Aelis, mais je n’ai jamais su quoi observer chez elle. Je sais qu’elle est spéciale, mais c’est tout ce que je peux dire. Je ne sais rien de plus.

— Très bien, conclut-elle en descendant du plan de travail avec agilité. Merci pour… ta contribution.

Katarzina regarda la médecin disparaître derrière un mur, ses mains tremblantes de colère. Elle savait bien qu’elle n’avait fait que respecter son contrat depuis tout ce temps, pour autant, elle s’en voulait. Elle se sentait responsable de l’exposition d’Aelis. À tout cela s’ajoutait la peur ; La peur de perdre cette petite fille qu’elle a vu grandir. Cette petite fille à qui, malgré elle, elle s’était attachée. Cette petite fille pour qui, elle venait de choisir un camp entre sa moralité et son devoir. Katarzina ne connaissait aucun des projets des Sorel. Ni leurs expériences, ni leurs désirs de conquête. Néanmoins, la volonté de dominer, d’être adulé, de diriger n’était un secret pour personne. Les Sorel et les autres membres du conseil n’œuvraient en aucun cas pour la paix et la prospérité. Ils dirigeaient uniquement dans le but d’obtenir pouvoir, gloire et savoir.

La maitresse d’armes étira un sourire triste, constatant avec mépris que la petite fille qu’elle admirait tant avait préféré faire confiance à un informaticien terré dans un vieux garage plutôt qu’à elle. Le pire dans tout cela, c’est qu’elle comprenait parfaitement pourquoi. Nate n’avait pas hésité une seconde à prendre le parti d’Aelis à la seconde où il a su qu’elle était en danger. Il n’a pas hésité une seule seconde, quitte à sa vie en jeu, pour aller la récupérer au milieu des débris d’un bar. Nate était un bien meilleur soutien qu’elle ne l’avait jamais été. Et pour cause : Katarzina faisait juste son travail. Elle n’avait aucun droit d’interagir dans la vie d’Aelis. Elle n’était qu’un personnage secondaire dans l’existence de la jeune femme. Elle l’avait accepté depuis bien longtemps.

Vivienne ferma soigneusement la porte de l’infirmerie. Nate releva seulement la tête lorsqu’elle apparut dans son champ de vision, juste derrière l’écran de son ordinateur. Vivienne se pinça les lèvres, avant d’enfoncer les mains dans ses poches.

— On a fait fausse route concernant les résultats, lança-t-elle de but en blanc.

— Développe, la presse Nate.

— Elles n’ont jamais été infectées par le virus. Ce sont seulement des ras de laboratoire. Les Sorel ont greffé des corxis à leurs filles quand elles étaient enfants, expliqua-t-elle.

— C’est la traitre qui te la dit ? cracha-t-il avec dédain.

— Elle ne savait rien. Hormis qu’elles ont subi une greffe très jeune. Le reste, je l’ai déduit de nos recherches, confia Vivienne.

— Ça ne nous avance pas, grogna-t-il, frustré.

— Au moins, on n'est pas obligé de charcuter la cervelle de ta petite protégée, lança-t-elle d’un ton plus léger pour détendre l’atmosphère.

Vivienne haussa les épaules, désinvolte. Nate avait vu juste en supposant qu’Aelis était spéciale. Il ignorait encore où cela allait le mener. Pour l’heure, il savait qu’il avait plus urgent à traiter. Pour comprendre ce qu’elle avait de spéciale, elle devait nécessairement rester en vie.

Il lui avait envoyé plusieurs messages. Non distribués. Il ne savait même pas où elle était exactement. Elle disparaissait de plus en plus fréquemment des radars. Aucun moyen de la pister, de la suivre ou de la joindre. Il était dans l’inconnu.

— Vi. Viens voir.

L’intéressée délaissa sa bouteille d’eau sur un meuble, venant se poster au côté de son jeune frère. Sur l’écran, plusieurs récits concernant le démantèlement d’un camp de rebelles. Aucune photo. Rien de concret. Juste cette annonce officielle de la part des médias gouvernementaux, heureux de montrer qu’ils maîtrisaient la ville d’une main de fer. Vi serra les poings si fort que ses phalanges blanchirent, sa mâchoire se contractant au fur et à mesure de sa lecture.

— Ils ne disent pas quel camp, constata-t-elle.

— Désolé Vi.

Elle balaya l’excuse de son frère avec un sourire forcé. Il n’était nullement responsable si un camp avait été détruit. De plus, rien ne disait qu’il s’agissait de son camp. Elle eut une brève pensée pour sa petite amie. Regrettant d’avoir accepté de la laisser seule. Vi ne voulait en aucun cas penser qu’elle faisait partie des pertes humaines qu’il y avait eu dans la destruction du camp, bien malgré elle, cette pensée s’infiltrait en elle. Une boule s’était formée dans sa gorge, l’empêchant de respirer aisément.

— Quand on rejoint les rebelles, on sait que ce genre de chose risque d’arriver. Nous parions nos vies, souffla-t-elle pour elle-même.

Commentaires

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Kaelane ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0