Chapitre 8 : Alistaire et l'ange

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Je me retrouvais enfin devant l'appartement d'Alistair. Une sensation de malaise me prit au cœur. J'avais peut-être toujours eu un instinct développé, mais depuis que je travaillais avec mon chère maître de magie, cela s'était empiré. Ce qui avait fait plaisir à mon maître contrairement à moi qui n'appréciait guère d'avoir des malaises sans raison. Mais d'après lui, c'était un talent magique rare et très important à exercer. Bien que je dois avouer que c'est sûrement la seule chose que j'ai refusé d'écouter.

Il me fallut quelques respirations profondes pour retrouver un semblant de calme. Malgré le mauvais pressentiment toujours présent, je demandais au garde d'annoncer ma venue. Ce dernier disparut de longues minutes derrière la porte. Ce fut si long que je crus que mon petit frère allait refuser de me voir. Ce qui m'attristait grandement, n'arrangeant pas mon malaise.

Pourtant, la porte finit par s'ouvrit sur mon frère tout souriant, gommant la dernière expression que j'avais vu sur son visage. Plus de colère, plus de haine, j'avais devant moi un enfant tout joyeux et plein de vie. Le voir ainsi me rassura, pourtant ma poitrine m'oppressait toujours autant. M'attrapant par la main, m'attirant dans son salon.

– Assieds-toi ! Dis tous veux déjeuner avec moi !

Je ne pus que sourire devant le ton presque suppliant du garçon. Il se comportait toujours comme un enfant avec moi, oubliant son rôle de prince. Il y avait quelque chose de réconfortant de le voir agir comme un enfant de son âge. En lui ébouriffant sa belle chevelure blonde tirant sur le roux, je lui répondis tendrement :

– Bien sûr, je serais heureuse de partager ce repas avec toi.

– Génial, Hatol informe les cuisines que nous mangerons tous les deux dans mes appartements.

En s'adressant à son valet, son ton avait radicalement changé. Sec et autoritaire, l'on pouvait ressentir ses origines princières. Je frissonne. Mais dès qu'il revint vers moi pour s'installer sur mes genoux avec joie.

– Comment vas-tu, lui demandai-je frileuse de casser sa nouvelle bonne humeur ?

– Mieux depuis que les monstres sont partis, dit-il tout enjoué.

Il ne remarqua pas la tristesse qui m'envahit devant ses paroles. Il semblait bien plus dans son monde qu'habituellement. Il attrapa mon visage avec ses petites mains pour me regarder avec un air très sérieux :

– Ne t'inquiète pas, je vais te sauver.

Je frissonnais. Ses mots ne semblaient pas les siens. Le malaise qui m'avait saisie devant la porte me revint, me donnant l'impression de suffoquer. Je n'en laisse rien paraitre et je fis un rictus mélancolique :

– Tu n'as pas besoin de me sauver. Je suis assez grande pour me défendre et faire mes propres choix.

Soudainement, une grande colère déforma le visage du garçon dont les mains se resserrèrent à m'en faire mal.

– Tu ne sais pas ce que tu dis ! Il t'a ensorcelé ! Il te trompe ! Il veut t'enlever à moi ! Je ne le laisserais pas faire ! Tu es ma grande sœur !

La douleur de ses mains sur mes joues rivalisé avec celle qui enserrait ma poitrine. J'avais peur. Je n'avais jamais eu aussi peur que devant cet enfant aux yeux rougit par la haine, au trait déformé par la colère. Je voulus reculer, mais son emprise était bien plus forte que celle d'un enfant de dix ans.

– Alistair, s'il-te-plait, calme-toi. Tu me fais mal ...

Le regard du garçon changea soudainement devant le trémolo effrayé de ma voix. Il se radoucit et prit un air désolé et bien plus enfantin :

– Je suis désolé Laylay, chuchota tristement le garçon en caressant sa joue avant de l'embrasser. Raconte-moi une histoire, s'il-te-plait ?

Je lui fis un doux sourire, n'oubliant pas ce qu'il venait se passer, mais ne voulant pas lui faire plus de mal. Il avait toujours aimé que je lui conte des histoires que ce soit des histoires et des mythes déjà existant ou mes propres histoires que j'inventais rien que pour lui. S'il me vint un court instant l'idée de lui conter une légende sur la cohabitation bénéfique d'un fermier et d'un démon, une très belle histoire par ailleurs, je me ravisais. Je ne voulais plus revoir de telle émotions sur son visage si innocent. Alors je lui contais une histoire de ma création, celles qu'il préférait.

Mon histoire fut coupée par l'arrivée du repas, que nous partagions dans la bonne humeur retrouvée. Dans un coin de ma tête, je remarquais que je ne serais sûrement plus capable de relancer le sujet pour lequel j'étais venue. Il ne faisait pas de doute que cette conversation me semblait des plus importantes et devait avoir lieu. Pourtant, je redoutais sa précédente réaction.

Il était tant facile de se complaire dans cette situation. Le voir parler avec enthousiasme de ses lectures, le voir rire du dernier spectacle auquel je l'avais accompagné. Je ne pouvais que sourire en l'entendant me raconter tous ses futurs projets. Des fois, il était plus agréable de choisir la facilité, de choisir de garder les yeux fermés.

– Tu sais, tu avais raison à propos de Mora. C'est un très bon ami.

– Mora, dis-je en fronçant les sourcils ce nom ne me disant rien.

– Mais si tu sais, le garçon dont tu m'as dit que j'avais le droit d'être ami malgré qu'il soit roturier. C'est le garçon d'écurie qui s'occupe de Tempétoile.

Tempétoile était la monture d'Alistair. Je la connaissais bien puisque j'étais avec lui quand on lui a offert. Il avait été si heureux d'avoir sa première monture à lui qu'il avait passé ses journées avec lui durant plusieurs semaines. Il m'avait raconté que c'était ainsi qu'il avait rencontré un garçon d'écurie fort gentil. C'était de ce garçon que je lui avais conseillé de se rapprocher malgré leur différence de classe pour le soulager de la solitude qui risquait de l'envahir avec moi départ.

J'aurais dû être heureuse de l'apprendre. Pourtant, l'angoisse me reprit sans raison. Malgré la douleur à la poitrine, je lui souris le plus sincèrement possible :

– J'en étais sûr. Je suis heureuse que tu es un nouvel ami. Tu me le présenterais ?

– Bien sûr ! Je lui parle tellement de toi qu'il veut absolument te voir aussi ! Cela nous fera une excuse pour faire une balade !

J'acceptais avec joie bien que moi-même, je n'ai pas de monture. Tout excité, il se mit à organiser la ballade pour le lendemain. Quand il eut fini, je pris congé prétextant la fatigue, lui promettant d'être là en pleine forme le lendemain. Après un dernier câlin, il me laissa partir avec un étrange regard que je ne compris pas.

Une fois libéré de mon petit frère, je filais vers la bibliothèque sans me soucier d'être toujours avec mes atours de première princesse. J'ignorais le regard surpris de scribe qui m'avait toujours vu habillée simplement. Je me dirigeais prestement vers la section magique dans l'espoir d'y trouver mon maître. L'académie avait fermé ses portes exceptionnellement, ce qui signifiait qu'il y avait de grandes chances qu'il soit ici pour continuer ses recherches.

Je ne m'y trompais pas, j'aperçus mon maître Marius plonger dans un livre si vieux qu'il semblait près à tomber en miette en train de prendre des notes, une tache d'encre sur le bout du nez. Il ne relava pas la tête à mon approche, mais soupira. Persuadée qu'il était au courant de ma présence, je pris mon mal en patience attendant qu'il veuille bien me prêter attention. Si habituellement c'était une tâche aisée, en ce jour mon impatience grandissante sembla vite le déranger et sans qu'il est fini il referma son livre en soupirant et me lança un regard noir. Son comportement sembla choquer les autres savants qui pour une fois reconnurent en moi une princesse. Mais moi, je pris mon meilleur air d'excuse, me sentant coupable de le couper dans ses recherches dont je connaissais leurs importances pour lui.

Il se dirigea vers notre salle de travail habituelle sans un regard ni un mot pour moi. Je le suivit respectant parfaitement son silence. Une fois, la porte refermée et le sort de silence enclenché, il me regarda enfin :

– Que me vaut la visite de ma chère élève qui a oublié le principe de discrétion.

– Désolée, maître, je n'ai pas pris le temps de me changer. Mais j'ai besoin de votre grande que dis-je infinie sagesse.

Un rictus d'amusement fit tressaillir sa bouche bien qu'il essaya de garder son air renfrogné.

– La flatterie ne marchera pas avec moi. Pour quelle raison as-tu besoin de me voir en ce jour ?

Je mordis ma lèvre hésitant à poursuivre. Sur le moment, ma réaction me parut soudain bien excessive. Il me sembla idiot d'avoir peur de mon petit frère préféré. Ses réactions étranges pouvaient être dues à sa tristesse de me voir partir. Je me sentis coupable d'avoir déranger mon maître pour une chose aussi trivial. Cependant, malgré mes états d'âme, il me sembla injuste de ne pas me confier maintenant que je l'avais déranger :

– J'espère que je ne vais pas vous paraître idiote. Mais aujourd'hui, à plusieurs reprises, j'ai ressenti un grand malaise. Il ressemblait fort à ceux dont vous m'avez parlé. Vous savez, eux que vous imputez à la magie.

– Tu dis ça comme si tu ne me croyais pas...

Le regard de mon maître se fit légèrement plus dur.

– Non, je vous crois, répondis-je aussitôt. Disons plutôt que j'apprécie pas vraiment ce côté de la magie. Mais, ces malaises étaient tellement fort, depuis je ne peux m'empêcher de m'inquiéter de ce qu'il peut se produire. Il faut que j'en connaisse l'origine.

Il m'observa avec une moue pleine d'ironie. Il croisa les bras et ne dit rien. Ce serait mentir de dire que je ne comprenais pas. Sans un mot, il me faisait comprendre que mon incompréhension de ces malaises était entièrement de ma faute. En refusant de faire mes exercices à ce sujet, j'avais créé mon propre aveuglement. Je baisais la tête montrant toute ma bonne foi dans les regrets que je ressentais :

– Je suis vraiment désolée maître. Il est vrai que j'aurais dû vous écouter plus tôt. Vous aviez raison, et je suis sûrement la pire élève que vous avez eu ...

– Tu n'exagères pas un peu ?

Petit sourire contrit :

– J'ai besoin de votre aide. J'ai même cru perdre connaissance.

Il soupira et se redressa :

– Je veux bien t'aider. Cependant, bien qu'il serait bien venu que tu commences enfin les exercices conseillés, il serait trop tard pour apprivoiser ton don pour comprendre les raisons de ton malaise. Nous allons devoir procéder autrement. Commence donc par me dire dans quelles circonstance tu as eu ton pressentiment, et je veux que tu me dises ce que tu as ressenti avec précision.

Je fis une grimace, sa demande impliquer que nous arrêtions de faire comme si nous ignorons nos identités respectives. Cela me mettait mal, comme si je perdais un espace de protection. Il me comprit parfaitement et décoiffe mes cheveux dans un geste affectif :

– Ne sois pas si inquiète, ce n'ai pas comme si j'avais deviné depuis longtemps que tu es la fameuse première princesse. Je te promets que quoi que tu dises, je ne changerais pas de comportement envers toi. Tout comme quand tu as compris que je venais d'une grande famille aristocratique, tu n'as jamais chercher à en savoir plus et tu n'as pas changé de comportement. Je t'assure que quoi que tu me dises cela restera dans cette pièce, entre nous, et nous n'en rediscuterons que si tu le souhaites. Nous sommes rarement sérieux en dehors de la magie, mais j'espère que tu me fais confiance.

Je pris une grande inspiration en hochant la tête. Bien sûr que je lui faisais confiance. Tout en m'enseignant la beauté de la magie, il avait su se montrer à l'écoute. Il ressemblait sûrement plus à un oncle pour moi, qu'à un maître.

– Après le départ du roi Zalvathar, remarquant que mon petit frère Alistair n'allait pas bien, je suis partie à sa suite, commençais-je mon récit. Le premier malaise que j'ai ressenti, c'était devant la porte devant son appartement.

– Pourrais-tu placer une émotion sur ce malaise ? De la peur ? De la colère ?

Je dus prendre un instant pour me concentrer sur mes souvenirs. Cela n'avait rien d'agréable, c'était nécessaire. Cela faisait bien trop longtemps que je fuyais refusant d'écouter mon propre corps. Après avoir pris une grande inspiration, je répondis en essayant de cacher les trémolos de ma voix :

– Je dirais que c'était de la peur. Aussi étrange que cela ne paraisse sachant que j'étais devant une porte, mais si je dois décrire cette peur, je dirais que c'était la peur que l'on pourrait ressentir devant un inconnu effrayant. Une personne que l'on croise pour la première fois, mais dont l'on sait d'instinct qu'elle est très dangereuse. C'est cette peur que j'ai ressentie. En bien plus fort...

Je pris une grande respiration, me rendant compte que j'étais à bout de souffle. En essayant de me rappeler, le malaise avait refait surface. Calmer par la main rêche qui avait saisi la mienne en douceur. Une chaleur se diffusa à partir de sa main m'aidant à retrouver mon calme. Habituellement, je n'étais pas d'accord pour que l'on se serve de ce genre de magie sur moi. Je n'appréciais guère que l'on me calme par magie, aillant l'impression que ce n'étais pas moi qui contrôlais mes propres émotions. Pourtant, j'accordais à Marius un sourire reconnaissant.

– Peut-être que cet inconnu, qui affolait ton don de prescience, se trouvait derrière cette porte, remarqua calmement ce dernier quand je fus de nouveaux calme.

– Je l'aurais vu ou ressenti. Il n'y avait que mon frère et ses valets dans son appartement.

– Tu en es sûr, tu as vérifié ? Insista-t-il. As-tu vraiment étendu tes perceptions à la recherche de cette inconnue comme te le suggérait ton instinct ?

J'eus un air coupable. Bien sûr que non, je ne m'étais pas permis d'étendre ma perception magique dans l'appartement de mon frère. Cela n'était pas poli et de toute manière, je n'avais pas compris mon malaise de cette manière. Il est vrai qu'il met impossible d'être sûr qu'il n'y avait personne d'autre dans son appartement. Voyant que je ne répondais pas, l'homme soupira avant de sourire :

– Pardon, je vais arrêter avec les reproches. Je comprends que tu n'as pas pu percevoir son appartement. Cependant, je fais confiance à ton instinct. Tu as un don magique rare. Je suis persuadé, que s'il te pousse à avoir peur d'une personne dans l'entourage de ton frère, tu devrais l'écouter. Continuons, tu as dit que ce n'est pas la seule fois que cela s'est produit durant ton entrevue avec le troisième prince.

– Une sensation de malaise à était présente tout du long. Mais à plusieurs reprises, cela devenait presque intenable. Il y a eu cette phrase. J'avais l'impression qu'elle ne venait pas vraiment de lui. Je crois qu'il parlait de me sauver des démons.

– Cette fois-ci, le malaise était lié à cette sensation que ses mots n'étaient pas les siens.

– C'est ça. Mais en tellement plus puissant. Le pire, c'est quand je lui ai répondu que j'étais capable de prendre soin de moi. Il est rentré dans une colère noire que je n'ai jamais vue chez un enfant de son âge. J'ai vraiment eu peur de lui à ce moment. Quand il a compris, il s'est aussitôt calmé. Il s'est excusé et nous avons parlé d'autre chose.

– Et plus rien ne, c'est passer ?

Cette question me fit réfléchir. Le reste du repas avait été bien plus calme. Il ne s'était plus mis en colère. Pourtant, il s'était bien passée, autre chose :

– J'ai ressenti un nouveau malaise plus tard. Mais c'est étrange. Alistair était parfaitement calme, personne n'est entré et sortit. J'aurais même dû être heureusement. Pourtant, j'ai ressenti une inquiétude démultipliée. Si, forte que j'aurais pu en pleurer.

– Que t'a t-il dit pour que tu doives être heureuse.

Je tentais de sourire pour lui dire la bonne nouvelle, mais un malaise revint presque aussi fort que dans les appartements de mon frère. La main rêche de mon mentor se resserra doucement sur la mienne m'aidant à retrouver la réalité :

– Je devrais être heureuse, lui dis-je affolé.

– Pour que la sensation disparaisse, il faut que tout l'accepte. Tant que tu iras contre ton don et ton corps essayeront de te prévenir. Dis-moi que t'a t'il dit ?

Je m'accrochais à la voix ferme de l'homme qui ne cherchait qu'à m'aider pour continuer.

– Il s'est fait un nouvel ami. Lui qui est si solitaire, c'est rapprocher de Mora, un garçon d'écurie. C'est moi qui l'ai encouragé. J'espérais qu'il accepte un peu mieux mon départ s'il avait un ami. Il se sent si seul. Je devrais me réjouir qu'il ne soit plus seul.

La douleur revint si forte malgré l'aide de Marius qui grimaça devant sa violence qu'il pouvait également ressentir. Je commençais à verser des larmes, ce que je n'avais plus fais depuis la mort de ma mère. Malgré la douleur, mon mentor me força à croiser son regard à la fois compatissant et à la fois déterminer :

– Pourquoi tu souffres ? Que te dit ton instinct ? Que refuses-tu t'entendre ?

– Je sais que c'est lui, lâchais-je dans un soupir de souffrance. Mora à une emprise sur Alistair...

La douleur s'envola quand j'admettais enfin ce que je refusais d'écouter. Je repris mon souffle en regardant Marius sans cacher mon étonnement. Il prit son mouchoir tâché d'encre pour essuyer délicatement la sueur qui perlait sur mon front avant de répondre à mon interrogation :

– Si tu refuses d'écouter ton instinct, ton corps et ta magie feront tous pour que tu y prêtes attention. C'est un réflexe de survie. Plus tu l'ignoreras plus tu te sentiras mal. C'est pour cela que tu dois d'entrainer à écouter ton instinct à chaque minute pour éviter ce qu'il vient de se passer.

– Mais c'est idiot. Je n'ai jamais rencontré Mora. Pourquoi devrais-je écouter un instinct alors que je n'ai aucune preuve ? Cela n'a rien de sage ?

Une légère douleur revint, ce qui m'agaça au plus au point. Il était normal de ne pas se fier à un instinct qui s'impose à toi !

– Tu ne dois pas le croire de façon absolue. Mais tu dois comprendre, que plus tu te fieras à cette perception magique plus ton pouvoir aiguisera et tu comprendras les indices. Pour l'instant, accepte de te méfier. Cela ne veut pas dire que tu dois mal juger Mora. Fais-toi ton propre jugement en gardant en tête l'avertissement.

Je hochais la tête trop fatiguée pour contredire mon maître bien plus savant sur le sujet.

– Va te reposer, m'ordonna-t-il tendrement. Je suis sûr que toute cette expérience t'a épuisé. J'ose espérer que cela t'apprendra à ne pas suivre les conseils de ton enseignant.

Je souris à son ton taquin sachant qu'il avait raison.

Le lendemain, je retrouvais Alistair dans une petite cours du palais. Cette petite cours était depuis longtemps le lieu de nos rencontres. En fait, elle avait vu la toute première de nos rencontres. Je la trouvais très réconfortante. L'atmosphère de liberté qu'elle dégagea, me réconfortait.

Cette petite cours, entourée de galerie, avait, il a fort longtemps servi de lieux de méditation et de prière à la famille impériale. Toutefois, au fils du temps, les empereurs ont préféré se rendre dans la grande cathédral richement décoré devant le peuple témoin de leur ferveur pieuse. La petite balade, avait fini par être mise à l'abondant, une petite nature avait repris vie autour du joli petit puits. Je m'y rendais de temps en temps pour trouver la paix.

Le garçon m'attendait seul contemplant le puits d'un regard un peu triste.

– Alors mon grand, on médite ? Demandai-je tendrement.

Il détourne son regard pour le planter dans mes yeux. Ses yeux gris reprirent vie, pourtant, j'y percevais toujours une tristesse profonde. Une tristesse que j'avais toujours ressentie en lui, mais elle me sembla plus torturée qu'au paravent. Je le pris dans mes bras, plus pour me rassurer que pour le réconforter. Il répondit avec joie à cette embrassade qui manquait pourtant grandement d'étiquette. Heureusement, ni l'un ni l'autre n'avons ramené de valet. Après ce moment fort agréable, nous nous séparions pour garder juste une main dans la main de l'autre.

– Arrête de m'appeler comme ça ! J'ai l'impression que tu me considères comme un enfant.

Sa voix boudeuse me fit sourire.

– Tu sais bien que c'est affectif, lui dis-je en lui ébouriffant sa belle chevelure blonde vénitienne ce qui me valut un regard faussement noir.

– Je me vengerais, déclara-t-il n'arrivant pas à cacher une moue joyeuse.

Je me sentis soudainement coupable d'avoir passé ma semaine auprès de Zalvathar en oubliant un peu trop ce garçon.

– J'ai hâte de voir ça ! En attendant, allons voir Tempétoile qui doit t'attendre impatiemment.

Alistair rigola, m'entrainant dans son sillage jusqu'aux écuries impériales qui, en se début d'après-midi, grouillaient d'activité. Je me rendais rarement dans cette parti du palais. Si j'avais appris à monter lors de mon séjour au manoir, je n'avais pas de monture à moi. De plus, je n'éprouvais pas grand plaisir à monter. J'avais mal autant pour moi que pour le cheval qui devait me porter. Je préférais de loin une longue balade portée par mes propres jambes qui avait bien plus ma confiance qu'une bestiole qui ne rêvait que de liberté.

Toutefois, cela faisait longtemps que mon petit frère me tannait pour faire une balade ensemble. Si j'étais heureuse de partager mon temps avec lui, j'espérais également réussir à survivre à cette chevauchée alors que je n'avais plus monté depuis mon arrivé au palais et que je n'avais jamais été une grande cavalière.

Alistair fut tout heureux de retrouver Tempétoile, il entra dans son box sous le regard réprobateur du personnel.

– Pourquoi ne semble-t-il pas content de nous voir ? Demandai-je discrètement à mon frère.

– Parce qu'il n'ait pas censé être là. Il devrait attendre qu'on lui amène sa monture dehors.

Je me retournais pour voir du venait cette voix qui me donnait des frissons. Elle était pourtant forte agréable, un peu chantante, avec une grande innocence. Je me retrouvais devant un garçon qui devait avoir treize ou quatorze ans. Il avait déjà commencé sa poussée de croissante faisant presque ma taille. À sa vue, mon instinct se réveilla. Écoutant avec une certaine appréhension les conseils de mon mentor, je me mis à l'écoute de mes sensations. Je crains un instant de sentir le même malaise que la veille, mais au contraire, j'eus l'impression que j'étais au mieux de ma forme. Tout devint plus clair.

Le garçon d'écurie qui me faisait face n'avait en apparence rien de dangereux. Il avait tout d'un roturier comme diraient certains aristocrates. Des long cheveux bruns attaché par un lacet de cuir, des yeux plein d'innocence d'un noir assez profond. Pourtant, mon regard plus vif que d'habitude remarquèrent quelques incohérences. Sa peau était bien trop claire pour un garçon qui travaillait la majorité de son temps dehors. S'il avait commencé son travail tôt ce matin dans ses écuries plein de crasse pourquoi ses vêtements tout à fait en accord avec son rang social n'était ni sale ni abimé. Le plus étonnant était son odeur. Loin du fumé âcre des écuries, il avait une senteur hypnotique sur laquelle je n'arrivais pas à mettre un mot.

Je n'avais pas de doute, devant moi se trouvais Mora.

– Mora, s'exclama tout joyeux mon frère en lui faisant une accolade aux nouvelles venues. Je suis heureux de te présenter ma sœur, je te présent Son Altesse Elayne, première princesse de l'empire.

Le garçon me fit une grande révérence que je stoppais aussitôt :

– Pas la peine, je suis bien trop heureuse de savoir que mon frère à un ami pour faire attention à l'étiquette.

Ce petit mensonge déplus à mon instinct magique qui se vengea en me faisant mal au cœur. Il allait falloir que j'ai une nouvelle explication avec Marius à propos de ce soit disant don qui semblait avoir sa propre personnalité.

Mora se releva m'offrant un grand sourire qui fit chavirer mon cœur avant que mon instinct ne me rappelle à l'ordre. Ce sourire me semblait suspect. Car alors que je voulais rester méfiante, durant une seconde, je lui aurais donné le bon dieu sans confession. Je n'avais cependant pas ressenti l'utilisation de pouvoir. Je crus percevoir un éclair de mécontentement dans son regard. Je le fixais dans les yeux pour confirmé ce que j'y avais aperçu, mais rien hormis l'impression que ce regard n'était pas celui d'un enfant. En me plongeant dans ses yeux noirs, je vis une forme de sagesse d'un être bien plus vieux.

L'échange n'avait duré que quelques secondes, si rapides que mon frère ne sembla pas s'en rendre compte.

– Mora, il faudrait trouver une monture docile pour ma sœur, déclara-t-il. Nous voulons faire une promenade.

– Bien sûr, je pense que perle lui ira parfaitement, je vais la sortir et l'équiper, attendez-moi dehors.

– Je peux peut-être aider, ne pus-je m'empêcher de proposer.

Cela fit sourire le garçon d'écurie, d'un sourire plus sincère :

– Décidément, vous n'êtes pas frères et sœur pour rien. Cependant, si je vous laisse faire Votre Altesse, je risque de perdre mon boulot.

Je lui fis un sourire d'excuse, me rendant compte qu'il avait raison. Moi qui voulais me méfiais lui, je ne me cachais à peine pas. J'avais passé trop de temps auprès du roi démon et de son entourage pour qui le rang n'avait que peu d'importance que j'en oubliais de jouer mon rôle. Il faudrait que je demande à Aliéna de me suivre à nouveau pour me couvrir.

Je regardais Alistair prendre soin de sa monture avec un regard tendre. Je voyais à la façon dont il s'occupait de sa monture qu'il l'aimait vraiment. Je savais qu'il espérait rentrer dans la cavalerie impériale. Cela m'attristait qu'il veuille faire la guerre, mais je vis à ce moment qu'il ne voulait y entrer que pour garder un contact avec sa monture.

Mora m'amena une vieille jument docile.

– Votre Altesse, je vous présente Perle de rosée que vous pouvez appeler Perle. Elle n'est plus toute jeune, mais c'est une monture encore habile tout en restant très docile. Je vous la recommande pour tout cavalier novice. Elle vous permettra une balade fort agréable.

– Je te remercie, elle est magnifique.

Je caressais l'encolure de ma monture temporaire. Il était vrai qu'elle semblait calme. Je pris une inspiration pour me donner du courage et portai mon regard vers mon frère qui se tenait déjà sur le dos de Tempétoile avec un sourire de contentement. Je sus alors que je n'avais plus de moyen de fuir, il faudrait que je monte. Pour faire plaisir un mon frère, mais également pour comprendre la relation qui le relie à Mora.

Il me fallut l'aide d'un escabeau pour monter sans grâce sur ma monture. Perchée tout en haut de l'animal, je restais tendu essayant néanmoins de rendre son sourire à mon frère :

– Où nous rendons-nous, mon cher frère ?

– Je pensais une balade tranquille dans la forêt impériale. Je pense qu'il serait raisonnable de donner tes rennes à Mora. Tu me sembles bien tendu.

J'hésitais, n'aimant pas jouer la précieuse dame. Mais je me rendis à l'évidence que c'était le plus raisonnable. Je donnais donc les commandes au garçon qui me fit à nouveau un de ses sourires étranges.

La balade commença tranquillement. Alistair semblait bien plus détendu que la veille. Sa joie était très communicative. Il me montra plein de chose qu'il avait remarqué lors de ses dernières balades. Un rochet de forme étrange, une vieille borne cachée par la mousse, des arbres biscornue. Ici, il avait vu son premier lièvre, là-bas par temps humides se trouvait une petite source.

Malgré tout, sa bonne humeur, mon instinct ne me permis pas vraiment de me détendre. Je ne pus m'empêcher d'analyser chaque fait et geste de mon guide. Chacune de ses paroles était décortiquée par mon cerveau. Cela me fatiguait rapidement. Je n'arrivais pas à trouver autre chose que je ne le voyais pas comme un simple enfant du peuple. Sa façon de parler était bien trop raffinée. Son magnétisme me dérangeait quand voyais mon frère boire ses paroles de manière qui ne correspondait pas à de l'amitié.

Je sus alors que mon frère savait parfaitement que le garçon n'était pas ce qu'il prétendait être. Il faudrait que je le questionne. Je n'osais cependant pas le faire devant le concernait, qui je ne le cache pas m'inspirait une véritable crainte.

Je fus finalement heureuse de retrouver mes appartements. Je demandais à y manger seule bien trop fatigué par cette étrange expérience pour garder mon rôle de la première princesse. Aliéna ne tint pas compagnie avec un œil compatissant. Je ne pouvais pas lui cacher mes états d'âme, elle me connaissait trop bien.

Après une longue nuit de repos et une matinée de réflexion, j'eus le courage suffisant pour confronter mon frère. Me voyant un troisième jour de suite devant son appartement, Alistair fut heureux. Même si nous nous apprécions beaucoup, il était rare pour nous de nous voir autant. Il suivit beaucoup d'enseignement auprès de précepteur et je me formais auprès de Marius. Toutefois, cette semaine, il avait été exempté de cours et moi, je m'y rendais quand je le souhaitais. Devant son air heureux, je me sentis mal pour la conversation qui allait suivre.

Il me fallut d'ailleurs un certain temps pour retrouver mon courage. Nous discutons durant de longues minutes de tout et de rien. Il me montra un de ses projets visant à mieux éduquer la population. Je souris devant mon petit frère de dix ans qui voulait déjà éduquer ses confrères de son âge. Je trouvais cela admirable bien qu'il garde un regard un peu méprisant sur les roturiers.

Puis vint le temps que je pose ma question :

– Tu sembles beaucoup apprécier Mora, remarquai-je innocemment.

– Oui, s'exclama-t-il. Tu as vu comme il est gentil et bon ! Il est également grandement intelligent. J'adore parler avec lui. Je suis si heureux que tu m'es incité à le faire.

Je serrais les dents n'appréciant pas que l'on ne rappelle que cette situation était en partie ma faute. Cependant, je poursuis avec mon plus beau sourire :

– Je l'ai trouvé très intéressant, en effet. On a presque l'impression qu'il n'est pas ce qu'ils prêtent.

Je disais cela sur le ton de la rigolade. Mais cela fit tiquer mon frère qui sembla soudainement mal à l'aise. Je ne m'étais donc pas trompé en supposant qu'il en savait plus qu'il n'en laissait paraître.

– J'ai vu juste, demandai-je innocemment devant sa réaction.

– Je ... Je ne suis pas censé t'en parler, bredouilla mon frère en se triturant les mains.

Je lui fis un sourire montrant un peu de mon inquiétude :

– Que veux-tu dire ? Il a un secret ? J'espère que cela n'est pas dangereux.

– Non, s'exclama-t-il. Non, pas du tout. Tu sais bien que je ne serais pas ami avec une personne dangereuse.

– Bien sûr que non, lui répondis-je en gardant un air inquiet. Je sais que tu es très mature et gentil. Je ne peux juste m'empêcher de m'inquiéter. Quelqu'un pourrait profiter de ta gentillesse. Mais tu as raison. Mora semble ... Inoffensif.

Je voyais bien que mon petit frère semblait triste devant mon air inquiet. Je savais que si je poussais encore un peu, il allait tout me dire. Pourtant, je me sentais coupable. Quand bien même, ce fut pour son bien, j'étais en train de manipuler mon propre frère.

– Je ne veux pas que tu t'inquiètes. Je te fais confiance donc je vais tout de dire. Mais tu devras garder cela secret d'accord ?

Mon cœur se serra augmentant ma culpabilité devant l'air sérieux et protecteur de mon adorable petit frère. Je hochais la tête, n'osant plus parler de risque de me trahir.

– Je ne suis même pas sûr que tu vas me croire, marmonna-t-il d'un air boudeur et inquiet.

– Je sais très bien que tu n'es pas du genre à inventer des histoires, lui répondis-je en lui caressant les cheveux.

Et cela était parfaitement vrai. Je connaissais plus d'un enfant ressentant de la solitude qui était prêt à tout pour se faire remarquer. Il y en avait un qui venait tous les jour au lavoir raconter des histoires toutes plus farfelues les unes que les autres, et si aucune d'entre nous l'écouter, il faisait des bêtises. Il y en avait un qui venait tous les jour au lavoir raconter des histoires toutes plus farfelues les unes que les autres, et si aucune d'entre nous l'écouter, il faisait des bêtises. AU contraire plus il se sentait seul plus il devenait mature et sérieux. Il cherchait plus l'approbation de son entourage que son amour. Comme s'il avait oublié qu'on puisse l'aimer. Il n'y avait qu'avec moi qui se laissait redevenir l'enfant qu'il était. Pourtant, là encore, il ne m'avait jamais menti.

– Je ne sais pas vraiment par où commencer, continua-t-il à hésiter.

– Prends ton temps et si tu ne veux pas ce n'est pas grave, je comprendrais.

– Je ne veux pas que tu continus à t'inquiéter, s'exclama-t-il retrouvant enfin son entrain. Je veux te montrer que je n'ai rien à craindre de lui. Il nous protègera, toi et moi !

– Je ne suis vraiment pas sûr de comprendre, c'est un garçon d'écurie et un enfant. Je ne vois pas comment il pourrait nous protéger.

– Mais c'est un ange ! S'exclama Alistair ma laissant sans voix.

Il faut dire que je n'avais pas vraiment de théorie avant de venir. Au contraire, je n'arrivais pas à m'être de mots sur ce qui clochait chez Mora. Mais je n'avais même pas imaginé cette alternative. Pourtant, tout me semblait plus clair maintenant. Cela expliquait pourquoi malgré tout mes efforts, mon frère refusait la possibilité que les démons puissent être bons ; cette étrange sensation devant son sourire enjôleur ; son regard si vieux pour un enfant ...

Rester à comprendre pourquoi il s'était approché mon frère. J'espérais sincèrement que ce soit par véritable amitié. Pourtant, je ne pouvais m'empêcher de songer qu'il n'était là que pour empêcher mon mariage. Cela ne m'aurait pas attristé si cela voulait dire qu'il allait faire souffrir mon frère en le manipulant et si ce mariage n'était pas censé mettre fin à une guerre beaucoup trop longue et mortelle.

– Tu vois, je t'avais dit qu'il ne fallait pas que tu t'inquiètes. Il va nous protéger, tu n'auras pas à te marier avec cette sale engeance.

Je dissimulais ma grande tristesse par un tendre sourire. Il était grand temps pour nous de changer de conversation. Je savais à présent que je ne pourrais le faire changer sans parler d'abord à son angélique ami...

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