Chapitre 7 : Rencontre avec un démon

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La semaine qui suivit l'annonce fut très mouvementé. Bien que je me sois retiré de la vie publique pour me préparer à mon futur mariage, je ne pouvais totalement me couper de l'agitation. Bien sûr, les raisons de mon absence n'étaient qu'un prétexte pour avoir du calme. Cela n'empêcha pas les lettres d'arrivé ou les regards tristes du personnel du château.

Alistair passa encore plus de temps à mes côtés me permettant d'oublier la fausse pitié que j'inspirais au reste du monde. J'eus également ma dernière leçon avec mon maître qui n'avait nullement fait référence à mon mariage même s'il avait été peiné de savoir que nous nous reverrions jamais. Et cela était réciproque.

Puis deux semaines plus tard, on annonça l'arrivé de la première délégation officiel des démons pour la fin de la semaine. Elle ne venait pas pour me marier, pas encore. Il fallait d'abord signer quelques papiers et l'on m'avait prévenu que je devais également les rencontrer bien que mon fiancé ne soit pas du voyage. Leur venue signera également le début officiel de mes fiançailles, j'aurais donc aimé que le démon que l'on me condamnait côtoyer tout le reste de ma vie soit présent. Je ressentais un besoin croisant de connaître cette personne. Connaître son caractère, sa personnalité et ses convictions.

L'accueil fut grandiose, le palais n'avait pas été aussi décoré et animé depuis mon arrivée. Si la plupart des habitants avaient peur de l'arrivée des monstres, des abominations, des démons, tous, c'était plier en quatre pour démontrer la grandeur de cet empire humain.

Puis, enfin vint le jour de leur arrivé. Je me tenais en retrait de mes parents factices dans de beaux atours. La garde impériale formée une haie d'honneur prêtes à accueillir nos anciens ennemis en grande pompe.

Et quelle ne fut pas la surprise quand la délégation arriva avec à sa tête le roi des démons. Je ne connaissais pas son vissage, mais j'avais déjà aperçu la couronne qu'il portait fièrement dans différents livres. Je savais que celle-ci ne pouvait être portée par personne d'autre que le roi démon en personne. Elle serait la reproduction de celle qu'avait fabriqué la toute première démone suprême dans des temps immémoriaux, où les humains n'étaient encore rien.

Cependant, mes livres ne m'avaient préparé à rien d'autre. Une grande partie des écrits de j'avais lu, des récits que l'on m'avait rapporté, décrivaient les démons comme des erreurs de la nature, tous plus monstrueux les uns que les autres. On les décrivait tantôt comme des choses à moitié animal tout juste assez bien formé pour parler, tantôt comme des humains grandement difforme, couvert de plaque, de brulure ou de plaie constamment purulente. Plus rarement, l'on chantait leur beauté hypnotique servant à mieux manipulé de pauvre victimes. Il devenait alors l'image de toutes les tentations et de tous les fantasmes.

Pourtant, devant moi, je ne vis ni horreur ni tentation. La délégation était plutôt hétéroclite et bien que la plupart ne semblent pas le moins humain, ils n'en restaient pas moins étrangement normaux. Si je pouvais en effet remarquer des traits animaux telles des cornes, des membres poilus, des ailes ; cela ne me semblait pas monstrueux. Certains était bien plus mystérieux cachés sous de grandes capes et capuches. Rien de particulièrement effrayant ou d'une tentation extrême.

Si cela ne me surpris guère, ce qui m'intrigua plutôt c'est l'apparence du roi des démons. Il ressemblait en tout point à un humain normal. Un quinquagénaire, quelque peu charismatique avec un air avenant. Rien de vraiment remarquable. En le croisant dans la rue sans son accoutrement et sa couronne, personne ne pourrait le soupçonner d'être autre chose qu'un humain. Son charisme tenait plus de sa tenue et de ses atours que de son physique par ailleurs assez banal.

L'accueille très protocolaire et par conséquence, fort ennuyeux, fut suivit d'un grand banquet où tout les grand nobles de l'empire avait était invité. J'eus l'honneur d'être placé à côté de mon futur beau-père qui lui-même se tenait à côté de mon cher géniteur. Curieuse de mieux comprendre le peuple qui allait m'accueillir après mon mariage, j'écoutai la discussion entre les deux souverains. Ce fut guère instructif puisque les deux anciens ennemis ne s'échangèrent que des banalités peu intéressantes. Pourtant, se faire la guerre durant plus d'un siècle doit bien créer des liens. Pourtant, ils ne semblaient pas trouver de conversation. Après quelque temps estiment sûrement avoir fait suffisamment d'effort de politesse, mon voisin se tourna vers moi avec un sourire avenant :

– Je tiens à vous redire que je suis enchantée de faire la connaissance à ma future fille. Bien que je sois triste de vous imposer un tel de devoir. J'aimerais faire connaissance, si cela ne vous gène pas, bien entendu.

Je lui souris en retour. Le démon puisque que s'en était un malgré son apparence humaine me semblait déjà bien plus agréable que ma fausse famille. Je lui répondis donc avec une grande sincérité :

– J'avais également grande hâte de faire votre connaissance. J'espère sincèrement pouvoir mieux connaître la culture et les habitudes de ma future famille.

– Vraiment ? J'aurais imaginé que ce fût dure pour une jeune fille comme toi d'abandonner non seulement ta famille, ta maison et ton pays, mais également ta dimension. Et que cela fût d'autant plus dur que tu ignores tout de ton fiancé.

Il finit de me plaire avec ses dernières paroles franches et sans détour. Je me pris à apprécier cet homme qui ne cachait pas son air coupable et sa grande tristesse qui m'était destinée sans me connaître. Et en l'appréciant, je cherchais à répondre avec le plus d'honnêteté, n'aimant pas cacher tant de secret :

– Je ne peux vous dire que je suis heureuse de cet arrangement. Et se saurait mentir que de dire que je ne crains pas ce mariage. Toutefois, il est du devoir de notre famille de ramener la paix pour protéger notre peuple. Ce siècle de souffrance a déjà bien trop duré. Si mon sacrifice peut en amener la fin, je n'ai guère de regret.

Le vieux démon m'observa avec un doux sourire. Il me sembla que ma réponse lui plus, tout en le rendant encore plus triste.

– Je suis heureux de voir que cela ne t'horrifie pas. Je sais ce que l'on conte sur nous. Et je ne le reproche pas, des histoires semblable sont racontées aux jeunes démons mais avec les humains en monstre. Je ne peux cependant pas te cacher que ce sacrifice m'attriste.

Il poussa un long sourire avant de continuer plus jovial :

– J'apprécie grandement de faire ta connaissance. Mais je ne pense pas que ce soit le meilleur moment. Que dis-tu de venir boire le thé dans mes appartements demain ?

– Votre invitation me fait grandement plaisir, j'ai hâte d'y être.

J'eus du mal à cacher mon enthousiasme qui me valut un regard noir de la part du dauphin qui devait trouver que je ne me comportais pas comme une princesse. Mais le roi démon lui sembla touché de ma sincérité. J'avais compris qu'il redoutait mes sentiments envers son espèce. Il est vrai que contrairement à moi la plupart des jeunes humaines serait effrayé et horrifié de devoir épouser un démon.

Le reste du repas se déroula dans cette même atmosphère de paix et d'amitié. Humain et démon faisait connaissance avec méfiance et crainte, mais sans jamais élever la voix. J'étais agréablement surprise qu'aucun éclat de voix, qu'aucune altercation n'eut lieu. Et avec mon voisin, fort agréable, ce fut s'en nul doute le meilleur banquet que je fis dans ce palais.

Appréciant mon futur beau père, je me mis à espérer que son fils, mon fiancé, soit tout aussi aimable et avenant. Bien que je ne sois pas naïve et que je n'avais pas l'espoir qu'un amour de ce mariage ; je ne pouvais cesser d'espérer qu'une bonne entente en découle.

Le lendemain, c'est avec hâte et sous le regard inquiet d'Aliéna que je me rendis dans les appartements qui avaient été attribué au roi démon. Aliéna avait trainé de pied toute la matinée, pas rassurée que je me rende dans les quartiers de nos anciens ennemis. Malgré tout ce que je lui avais dit rien ne la rassurait. Elle voyait toujours en eux les monstres qu'on lui avait décrits toute sa vie. Elle était même persuadée que ma vision était erronée, que j'avais un besoin de me sentir en sécurité qui ne faisait les voir meilleurs qu'ils ne l'étaient en réalité.

Même mon discours sur le devoir, cette chose, qui lui semblait habituellement au-dessus de tout, n'arriva pas à la faire cesser de trembler. Je lui avais alors demander de ne pas m'accompagner, pour qu'elle se sente plus en sécurité. Mais mon histoire de devoir me retomba à la figure quand elle prétexta que son devoir était d'être à mes côtés même dans le danger.

J'espérais donc que son comportement ouvertement méfiance ne serait pas trop insultant pour nos hôtes.

Mais nous fûmes accueillies avec tant de chaleur que j'en oubliais le comportement de la jeune servante. A la demande du roi démon, aucun serviteur humain n'était en service dans ses appartements. L'empereur avait été mécontent pensant que c'était pour pouvoir mieux comploté. Moi, je comprenais que l'on ne puisse pas trouver agréable d'être servi avec crainte et haine. Mais je me rendis très vite compte en rentrant dans les appartements du roi qu'il était lui-même en train de préparer le thé.

Si ce fut une surprise presque agréable pour moi sachant que jamais un membre de la famille impériale en aurait était capable, ce fut une révolte pour elle. La connaissant maintenant, je savais qu'elle ne supportait pas voir qu'un noble invité faire une tâche aussi dégradante de se servir soit même. Malgré la peur et la crainte qu'elle ressentait envers cette race, son devoir de servante prit encore une fois le dessus. Me dépassant, elle alla aussitôt assister le roi qui la regarda avec curiosité, mais la laissa faire. Il m'invita à m'installer dans l'un des fauteuils durant cette mise en place. Je remarquais alors le plateau d'échec qui avait été installé sur la table basse entre les tasses fumantes et les biscuits.

Quand Aliéna fut satisfaite de sa tache, elle se recula et avant que j'eusse le temps de la remercier, le roi le fit à ma place :

– Je te remercie, jeune fille. Ton aide a été précieuse à un vieil tel que moi. Mais je te prie d'être moins choqué. Nous autre, démon, n'avons pas l'habitude d'avoir autant de serviteur. Les tâches que je suis capable d'exécuter moi-même, j'aime les faire.

Aliéna me lança un regard affolé, ne sachant plus comment répondre au démon. Je lui fis un sourire rassurant, mais voyant qu'elle n'osait pas répondre, je fis de mon mieux pour répondre à sa place avec douceur :

– Je vous prie d'excuser ma compagne. Aliéna prend beaucoup à cœur son devoir. Et vous semblait beaucoup l'impressionner. Et excusez nous encore de ne pas connaître vos habitudes et tradition. Il est bien compliqué par ici de trouver ce genre d'information.

Je crains qu'il prenne mon intervention comme une forme de mépris envers Aliéna. Mais son regard se fit étrangement compréhensif :

– Je vous remercie encore miss Aliéna. Je suis triste de savoir que je vous mets mal à l'aise. Mais s'il vous plaît ne restait pas debout. Installez-vous donc.

– Je... Commença-t-elle la voix tremblant et le regard fuyant. Je ne me permettrais pas.

Le regard du vieux démon se tourna vers moi. Cette fois, il sembla chercher mon aide. Réfléchissant rapidement pour pouvoir contenter les deux, je finis par sourire et regardant la jeune femme de plus en plus tremblante :

– Aliéna, profite donc que je sois ici pour prendre un peu de temps pour toi. Je te propose de te retirer et de revenir me chercher si je ne suis pas encore rentrée pour le souper.

Cela ne sembla pas vraiment lui plaire, mais je ne voyais pas d'autre solution. Jamais, elle se plierait à quitter son rôle de servante comme sembler le souhaiter mon hôte. Et sa crainte des démons lui empêcherait de lui dire. J'aurais pu insister pour qu'elle le fasse, mais cela n'aurait été agréable pour personne. Après avoir une parfaite référence et un dernier regard de reproche, elle se retira.

– Je suis désolée, déclarai-je tristement. Elle croit dur comme fer aux histoires que l'on conte sur vous. Et elle aime un peu trop les protocoles. J'espère ne pas avoir donné une mauvaise opinion de moi ou des humains.

– Si je suis attristée de voir à quel point, j'effraie cette innocente enfant, je le comprends. Comme je comprends que vous cherchiez à trouver un compromis qui puisse convenir à nous deux.

Après un sourire réconfortant, il poursuit de manière plus enjouée :

– J'aimerais recommencer nos présentations avec un peu moins de froideur. Si j'ai bien compris, vous avez autant horreur des protocoles que moi. Je souhaiterais donc qu'entre nous, vous m'appelez Zalvathar.

– J'en serais heureuse et n'hésite pas à en faire de même en m'appelant Elayne.

Cela sembla faire extrêmement plaisir à mon hôte qui ne tarda pas à me proposer une partie d'échecs. Si j'avais dû apprendre ce jeu dont les parties n'étaient pas rares en salon, je restais une novice. Mais je ne pus me résoudre à décliner sentant l'envie du roi démon de disputer une partie. J'acceptais donc non sans prévenir de mon faible niveau. Durant la partie, les conversations continuèrent, tournant beaucoup autour de moi. Il voulait savoir quels étaient mes passions, mes centres d'intérêts. Quand je lui expliquais avec tristesse, que je regrettais que mon état ne m'avais pas parmi de voir de pièce de théâtre, il m'assura que, d'ici la fin de mon séjour, il m'accompagnera en voir. Cela me fit énormément plaisir. C'était effectivement l'un de mes rêves. Toutefois, ma mère me couvait trop de son vivant pour me laisser sortir en soirée. Et à sa mort, voulant respectait son enseignement, je m'étais refusé de m'y rendre. Puis, je détournais la conversation vers son peuple. Bien décidée à le comprendre un peu mieux. Ma première question manqua cependant de tact :

– Pourquoi vous ressemblais à un humain ?

Je rougis légèrement à ma question me rendant compte qu'elle pouvait être très mal prise. Mais le voyant éclater d'un grand rire franc, je me détendis :

– J'aime ta franchise. Aucun humain n'avait osé poser cette question depuis fort longtemps. Encore moins avec autant de naïveté et s'en reproche. Ce que tu vois de moi n'est qu'une image, une illusion. C'est cette apparence que je revêts qu'en je viens dans votre dimension. Non pour vous tromper, mais pour ne pas vous effrayer ou vous faire ressentir plus de haine à mon égard. Malgré cette apparence, je ne cache jamais que je suis un démon et encore moins leur roi.

– Pourquoi avoir choisi cette apparence ?

Zalvathar me regarda avec un grand sourire. Il déplaça une pièce qui me mit en grande difficulté, me forçant à me concentrer sur le plateau. Ne sachant pas si ce qui le faisait sourire, c'était ma question ou son coup. Alors que je ne voyais plus de stratégie pour m'en sortir indemne, il répondit :

– C'est bien plus compliqué que cela. Pour le comprend, il faut vous apprendre davantage sur la nature des démons. Notre dimension est bien plus saturée en magie que la vôtre. Elle y a donc bien plus d'influence sur les êtres qu'ici. Chaque démon né avec une apparence lié à l'essence de sa magie. J'ai cru comprendre, que vous considérez qu'il existe plusieurs races de démon comme sur le plan terrestre avec les humains, les nains et le demi.

– C'est du moins ce que j'ai lu en effet, répondis-je intrigué. J'ai entendu parler de succube, de diable ou de satyre.

– Eh bien, c'est une erreur de penser que nous sommes différentes races.

– Mais vous êtes si différent...

– Votre peau est bien blanche comparer à d'autre humain, cela fait-il de vous deux espèces différentes ?

– Non, mais ce n'est qu'une couleur de peau, ce n'est pas pareil pour vous.

– C'est juste plus complexe. L'essence de notre magie détermine notre physique. La plupart d'entre nous avons des formes que vous nommerez humanoïde, hormis cela si nous naissons avec une magie de sang, comme ceux que vous nommez les vampires, vous naitrez avec un physique bien différent que ceux qui naissent avec une magie bestiale que vous nommez le plus souvent satyre.

Je le regarde avec attention. Je n'étais pas vraiment sûre de comprendre tout ce qu'impliquaient ces explications, mais j'étais fascinée de comprendre qu'un être qui semblait si semblable à moi avait un fonctionnement bien différent.

– Et vous quel est l'essence de votre magie ?

– J'ai une magie polyvalente. Je suis ce que vous appelez un diable.

Je le fixe avec étonnement. D'après mes lectures les diables sont pourvue de corne et d'une longue queue. Leur couleur de peau n'avait rien de naturel, leur pupille était animal. Aucun de ces traits ne semblait correspondre, surtout que si les livres n'étaient pas d'accord entre eux, les diables étaient décrit soit d'une laideur mortelle, soit d'une beauté à vous damner.

– Ce n'est pas ma véritable apparence, me rappela avec douceur le démon me faisant rougir de mon regard trop insistant.

– Mais je ne comprends toujours pas ce que vouliez dire. En quoi vous n'aviez pas choisi cette apparence.

Je vis de l'appréciation dans le regard de Zalvathar. Il était heureux que je suive ses explications.

– Vous avez raison, j'y viens. La plupart des démons peuvent en s'exerçant faire disparaitre certains de leur trait distinctif lié à leur magie. Selon leur maîtrise, ils peuvent aller jusqu'à faire disparaitre tout leur trait. Ce qui nous donne une apparence humaine. Cependant, nous ne sommes pas capables de changer nos traits physiques sans une magie compliquée et bien trop fatigante. Hormis bien sûr pour les thérianthropes.

Les thérianthropes étaient les démons capables de changer de forme à volonté.

– Le physique que vous voyez, continua-t-il. C'est bien le mien, mais sans les attributs de ma magie.

– Pourrais-je un jour voir votre véritable apparence ?

Ma question était sortie sans que je n'y réfléchisse. Je posais la main sur ma bouche inquiète d'avoir commis un impair. Cependant, il ne perdit pas son doux regard.

– Sûrement, après tout, vous allez me côtoyer pour le restant de votre vie.

Je lui souris. Malgré sa gentillesse, sa phrase me fit le cœur lourd. Remarquant ma soudaine tristesse, le roi mit fin à la partie d'échecs avec une belle victoire avant de me proposer un nouveau thé pour le lendemain. Ce que j'acceptai sans hésitation.

Dès le lendemain, je retournais dans les appartements du roi Zalvathar, prenant soin de donner son après-midi à Aliéna. Tout comme la veille, le démon était en train de lui-même préparer le thé à mon arrivé. Nous reprenons rapidement nos discussions autour du nouvelle partie d'échecs. Je compris vite que le monarque n'était pas près de me laisser gagner, mais je prenais plaisir à jouer. Il me donnait par ailleurs quelques conseils sur mon jeu que j'acceptais avec grâce.

Après des conversations plutôt détendu et joyeuse sur nos différents mondes, Zalvathar se figea me fixant avec plus de tristesse et de culpabilité qu'à l'accoutumée.

– Je regrette tellement de ne pas avoir pu éviter cette guerre. Je me sens d'autant plus coupable quand je vous vois. Vous serez finalement la dernière victime de cette guerre. Vous ne pourrez jamais trouver le mari que vous auriez aimé. Par notre faute, vous allez vivre une vie qui ne vous était pas destinée.

Je le regarde avec étonnement. Son discours me donnait l'impression qu'il était responsable de cette guerre. Jusqu'à présent, j'avais parfaitement compris qu'ils se sentaient coupables vis-à-vis du traité qu'il avait signé, me forçant à épouser son fils.

– Les choses sont ainsi faites, tentais-je de le rassurer. La guerre à débuter depuis bien longtemps. Ni vous ni moi ne pouvons y faire grand-chose. Soyons fière d'y mettre fin. Si je suis la dernière victime, cela signifie qu'il n'en aura plus d'autres.

Le doux sourire rempli de tristesse du roi me perturba encore davantage.

– C'est là que vous faites erreur, très chère. Nous les démons avons une espérance de vie bien plus longue que la vôtre. J'ai en réalité plus de trois cents ans. Et je suis roi depuis cent cinquante ans. Si vous faites un calcul rapide, j'étais déjà le roi quand cette guerre à commencer.

Je me figeais, ne cachant pas ma surprise. Je ne sais plus vraiment ce qui m'a le plus surpris dans cette révélation. Le fait qu'il soit bien plus vieux qu'il ne paraissait. Le fait que s'il était le roi, il a donc au mieux laissé cette guerre commencer, au pire fait en sorte qu'elle eut lieu. Ou encore la pensée furtive que si moi, j'allais perdre toute ma vie auprès d'un mari dont je ne voulais pas, pour lui, il suffisait d'attendre et se serrait comme s'il avait perdu dix ans de sa vie. C'est long mais pas irrécupérable. Un sentiment d'injustice grandi en moi que je fis taire au plus vite.

– Lancer une guerre ne vous ressemble pas, finis-je par remarquer. Je veux bien qu'en un siècle vous ayiez changer, mais j'ai beaucoup de mal à vous imaginer comme un belliciste.

– Parce que je ne le suis pas et ne l'ai jamais été. Cela ne faisait qu'une petite cinquantaine d'année que je portais ma couronne. J'avais de lourdes responsabilités. Celle de protéger mon peuple qu'il soit encore dans notre dimension ou sur le plan terrestre. Parfois, l'on ne voit pas d'autre choix que le plus mauvais pour sauver les siens.

Je le voyais le démon sombrer dans une profonde tristesse. Malgré ce qu'il venait de me révéler, je ne pouvais m'empêcher de compatir. Une lourde culpabilité pesait sur ses épaules. Alors pour qu'il s'allège de ce poids, je l'écoutais sans jugement et avec sincérité :

– Je sais très bien que dans vos histoires, nous sommes ceux qui avons lancer la guerre. Pourtant, nous n'avons toujours fait que nous défendre. Le plan terrestre a toujours été pour certains d'entre nous leur maison. Une partie de mon peuple s'était établie bien avant l'arrivée des humains. Et quand les peuples terrestres ont commencé à se former, nous avons volontiers laissé une grande partie de nos terres et apporté nos connaissances. Mais pour une raison obscure, plus le temps passait plus le peuple humain nous repousser. Jusqu'à ce qu'il y a cent ans, des démons furent assassiné par centaine sans raison. Si notre peuple vit bien plus longtemps que vous, notre reproduction et bien plus difficile. Si bien qu'une si grande perte été un danger pour mon peuple. J'ai essayé de parlementer avec l'empereur humain de ce temps. Mais il refusait même de me voir. J'ai essayé de convaincre mon peuple de revenir dans notre dimension et d'attendre des temps plus propices pour revenir sur les terres de nos ancêtres. Mais beaucoup refusaient d'être ainsi chassés et piller de terre que leur famille possédait depuis des millénaires. Durant une toute petite année, j'ai cherché à faire tous les compromis possibles, cependant, les humains comme mon peuple les refusaient. Je ne pouvais pas regarder mon peuple mourir par la folie des hommes. Nous avions déjà tant perdu par mon inaction, j'ai donc autorisé une réponse armée pour nous défendre.

Il se tut. Je pouvais entendre dans son récit le désespoir qu'il avait ressenti à l'époque et qu'il ressentait encore aujourd'hui. Le désespoir de celui qui est impuissant devant la marche des évènements. Le désespoir de celui qui doit choisir entre la mort de son peuple et prendre les armes. Et pourtant, je ne ressentais en lui aucune colère, aucune haine pour mon peuple qui de son point de vue avait cherché à prendre leurs terres et avait assassiné les siens.

Sans m'en rendre compte, j'avais posé une main sur la sienne. Mon regard plongé dans ses yeux brun aux reflets rouge, remplit d'une profonde tristesse.

– Je vous remercie, lui chuchotais-je alors. Je vous remercie pour m'avoir raconté votre point de vue. Je vous remercie pour n'avoir jamais cessé de rechercher la paix, même si elle doit se faire par mon mariage. Je vous remercie de ne pas nous détester, nous haïr. Je vous remercie d'avoir encore de l'espoir à notre cohabitation. Peut-être qu'un jour, vous avez accepté de prendre les armes. Je déteste la guerre, je déteste voir des peuples s'entretuer. Mais je ne peux vous en vouloir d'avoir voulu protéger les vôtres. Je sais très bien que les miens ne vous ont pas laissé le choix.

Je vois le brouillard de tristesse se dissiper légèrement dans ses yeux. Une certaine reconnaissance apparue dans son regard et il repris d'un ton plus léger :

– Mais concentrons nous plutôt sur cette agréable partie d'échecs. Je suis sûr que nous trouverons des sujets de conversation plus intéressants.

Bien qu'en réalité, cette conversation, certes pleine en émotion, m'avait passionnée. J'en avais plus appris sur les démons qu'en plusieurs mois à lire toute la littérature sur le sujet. Pouvoir connaître leur point de vous dans cette guerre me semblait très important. J'allais devoir partager ma vie avec l'un d'eux, et pour cela avoir une bonne compréhension de l'autre me semblait vitale pour un minimum d'entente.

Pourtant, malgré toute, mais après-midi que je passai à jouer au échec avec lui, nous ne parlions plus des démons et de leur monde. J'ai bien essayé de relancer le sujet, posant discrètement des questions que j'espérais polie. Mais mes questions on eut autant de réussite que mes parties d'échecs. Aucune. Le démon ne daigna ni me laisser gagner ni répondre à mes questions. Zalvathar était un démon têtu quand il le voulait. Gentil, aimable, compréhensif, à l'écoute, mais têtu.

De son côté, il ne se gêna pas pour me poser des questions sur moi et ma vie. Contrairement à lui, j'y répondais avec le plus de bonne foi possible. À aucun moment, il ne sembla douter de mon appartenance à la famille impériale. Pour une étrange raison, cela me contraria. Bien que ma vie serait sans nul doute en grand danger si mon secret venait à lui être révélé, cela m'agaçait au plus au point qu'en il, s'adressait à moi comme la première princesse.

Durant son séjour, je tentais également de convaincre Alistair de venir avec moi leur d'un de ses goûters. Son inquiétude pour mon départ grandissant bien trop, je cherchais par tous les moyens de le rassurer. Ce qui m'inquiétait le plus, c'est qu'au lieu de me croire, son discours contre les démons se radicaliser rapidement. Plus je lui démontrais que finalement, ils n'étaient pas si différents de nous, plus il me contait de nouvelles horreurs à leur sujet. Cela me frappa le jour du départ de la délégation.

Une semaine après son arrivé, la délégation des démons se retira. La veille, il y eut un nouveau grand banquet avec toute la grande aristocratie. Ce fut de nouveau le même cinéma qu'à leur arrivé. Tous cachant leur hypocrisie et leur haine sous des faux sourires.

De mon côté, j'étais de nouveau au côté de mon futur beau père et j'y étais parfaitement à l'aise. Nos conversations égaillèrent le reste de la table qui contrairement au reste de la salle cachait mal sa tension. Entre mes chers parents factices qui semblaient tendus de me voir si proche de celui qu'ils essayaient de tromper. Je me doutais parfaitement, qu'ils avaient peur que je me révèle par inattention. Bien sûr, le dauphin toujours fidèle à lui-même restait neutre et peu expressif bien qu'il me sembla plusieurs fois le voir écouter nos conversations avec intérêt.

Rien de changer du côté des jumeaux également bien qu'ils fassent encore un effort pour ne pas totalement me montrer leur haine.

Ce qui m'inquiéta bien plus ce fut le regard mauvais que lancer mon petit Alistair à mon interlocuteur. Je ne lui connaissais pas ce genre d'expression. Lui, qui malgré son sentiment de solitude était toujours souriant, avait un visage déformé par une haine à peine dissimulé.

Bien que je ne doute pas que Zalvathar les aussi remarquer, personne ne fit de réflexion à l'enfant qui finit par sortir de table prétextant une grande fatigue. Cela sembla déplaire à sa mère et au dauphin, mais ils n'en formalisèrent pas non plus.

Inquiète, j'aurais souhaité me rendre dans ses appartements dès la fin du banquet, malheureusement, ce dernier se termina bien tard, ne me laissant pas le temps de m'y rendre.

Le lendemain, il me fallut encore une bonne matinée pour me rendre présentable. Ce petit jeu de déguisement m'agaçait de plus en plus. À quoi bon me faire paraître innocente et pur. Je n'appréciais pas d'être présentée comme un sacrifice. Pourtant, c'est ainsi que je parut devant toute une foule venu assister au départ de la délégation.

Je me tenais au centre de la famille royale à n'écouter que d'une oreille le discours de l'empereur. Une petite main saisit la mienne. Je jetais un coup d'œil à Alistair qui lui fixait les démons toujours avec cette étrange haine qui ne semblait pas lui appartenir. Quand le roi démon répondu à l'empereur pour le remercier pour son hospitalité, je sentis mon petit frère se tendre et me serrer la main plus fort. Plus de démons parlait plus l'étau de sa main se resserrait avec une force que je ne lui connaissais pas. Si bien que j'en eu mal. Ma plainte, pourtant très légère détourna le garçon du démon. Il planta son regard inquiet vers moi, comprenant aussitôt qu'il venait de me blesser. Je lui souriais pour le rassurer. Il dégagea sa main coupable. Je lui passais mon bras par-dessus son épaule pour le serrer contre moi.

Quand les longs discours furent terminés, la longue procession des démons se mit en route. J'étais triste de voir partir mon nouvel ami, mais je n'eus pas le temps de m'en soucier quand mon petit frère s'échappa de mon étreinte. Alors que je t'entais de la rattraper convaincue qu'il fallait que nous ayons une conversation sérieuse, une fine silhouette s'interposa. Ma chère petite sœur s'interposa avec tous son mépris :

– Tu sembles bien triste du départ de cette sale engeance. Est-ce parce que tu es comme eux, un monstre ? Me cracha-t-elle au visage.

Je regardais autour de nous. Elle avait eu l'intelligence de nous arrêter assez loin de la foule pour que personne ne nous entende. Ce qui était également parfait pour que je puisse me défendre sans choquer personne. Je la toisais sans cacher mon air moqueur :

– Il est vrai que je préfère côtoyer des individus capable de tenir une conversation sans aboyer. Si cela de fait de moi, un monstre à tes yeux ...

Je laissais échapper un rire moqueur :

– Et bien soit.

Qu'elle n'aima pas le sous-entendu à peine dissimuler de ma phrase ne m'empêcha pas de poursuivre mon chemin la laissant aboyer toute sa haine. Il me fallait retrouver Alistair.

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