Chapitre 1 : un jour qui aurait dû être banal
Par où commencer ? Beaucoup de biographies commenceraient par la naissance. Mais vous comprendrais dans quelque temps que pour moi cela ne veut pas dire grand-chose. Peut-être commencer par le début, me diriez vous. Mais cela entraine une autre question. Qu'est-ce que le début ? Je viens de mettre de côté un début à la naissance. De toute façon, qui se souvient de sa propre naissance ? Non, ce n'est pas vraiment le début. Alors, là où commence notre mémoire. Cela ferait un bon début. Mais est-ce vraiment ce qui est important, est-ce vraiment le début ? Peut-être que le début est l'évènement ou les évènements qui ont mené aux restes de l'histoire, l'origine de ce qui fait un être ce qu'il est. Cette question est bien compliquée, je choisirais donc par ce que j'estime être le début de mon histoire. Bien que ce ne soit pas le début de mon existence.
Cela nous ramène bien loin, il faut remonter de plusieurs millénaires avant l'ère actuelle. Pour être exacte, c'était l'an 524 de la dynastie Leagia. En ce temps, je me nommais Elayne. J'étais une humble blanchisseuse du palais impérial de l'empire d'Imatall. Une parmi tant d'autres.
L'empire était en ce temps-là l'une des plus grandes puissances humaines du grand continent. Nous nous trouvions encore dans les âges mystiques et les trois mondes étaient encore parfaitement connectés. Il n'y avait rien d'étonnant de croiser des êtres démoniaques ou angéliques. Cependant, les trois mondes avaient depuis quelques siècles du mal à vivre en paix. L'empire et les démons s'étaient lancés dans une guerre depuis plus d'un siècle. Mais une guerre si longue finit par fatiguer même le plus puissant empire humain. Alors pour ne pas tout perdre, l'empereur et le roi démon avaient choisi de négocier. Et cette année-là, c'était l'année de la signature du traité. La paix serait maintenue par le mariage de la première fille de l'empereur et le prince démon.
Cela n'aurait cependant pas dû avoir d'influence sur la petite vie la lavandière que j'étais. Par chance, en tant que serviteur au palais, la guerre n'avait jamais eu d'influence dans ma vie. Je n'avais pas connu la famine, je n'avais perdu personne à cause d'elle. La seule connaissance que j'en avais, c'étaient les nombreuses histoires qui se rapportaient. Auxquels je ne prêtais pas grande attention. Ma mère m'avait toujours mis en garde contre les histoires et les rumeurs. Et j'avais d'ailleurs bien plus souffert de la perte de ma mère que de la guerre. Ne me jugez pas trop facilement, je n'étais pas égoïste. Mais alors mon monde était bien petit.
En réalité, ma plus grande préoccupation était de ne pas me faire remarquer. Ma mère était tout ce à quoi je tenais, elle était comme ma religion. Et cela, c'était aggravé à sa mort. Ses paroles faisaient office de lois. Et l'un de ses apprentissages, c'était d'être la servante la plus banale du palais. Celle que même ses collègues passent à côté sans même la voir. Pour ma mère, ma vie dépendait de ma discrétion. Je l'avais difficilement accepté de son vivant, une vie discrète est dur. Mais quant à sa mort, elle me révéla la raison, je ne puis qu'être reconnaissante de son enseignement. Il y avait des secrets qu'il valait mieux cacher pour vivre une belle vie.
***
Mon histoire commence donc un jour qui aurait du être comme les autres. Je m'étais levé avec l'aurore et vêtu d'une robe épaisse de lavandière qui avait appartenu à ma mère, un peu usé met toujours utilisable. Je m'étais fait une tresse que j'avais enroulée en chignon pour pouvoir les cacher sous un chiffon. Bien sûr, beaucoup de servantes portaient un chiffon, mais le mien ne laisser dépasser aucune mèche de cheveux. Ses derniers étaient d'une couleur trop peu commune ce qui n'ai pas facile quand l'on veut passer inaperçu. J'aurais bien pu me les teindre, mais cela m'aurait coûté de l'argent et le salaire d'une lavandière, mais si elle travaillait pour le palais n'était pas mirobolant autant économiser comme je peux. J'avais rapidement avalé le reste du potage froid de la veille avant de prendre le chemin du palais.
Il me fallait le temps qu'une grande bougie fonde pour me rendre au palais. Pardon, vous n'êtes plus habitué aux vieilles mesures de temps, je dirais qu'il me fallait une bonne heure de marche pour m'y rendre. Si j'avais de la chance, des charrettes me proposer de monter. Elles n'allaient pas bien plus vite, mais cela me permettait de ne pas me fatiguer ; être lavandière était très fatigant. J'aurais bien évidemment pu être logé au palais dans le quartier des serviteurs, c'aurait été moins fatigant et plus économique. Mais j'aurai bien trop de mal à garder mon secret en vivant entouré de tout ce monde. Et il n'y a pas plus comméré que les lavandières.
Une fois arrivé, j'avais pris mes ordres auprès de la lavandière en chef. Un femme aigris et fière. Je ne me souvient même plus de son nom. Vous m'excuserez, mais c'est assez commun quand l'on a vécu aussi longtemps. Elle m'avait pris en grippe ; je devais lui sembler être une cible facile. En cherchant à être invisible, je devais sembler être timide et sans défense. Jamais je ne répondais, j'évitais le conflit. Mon regard toujours rivé sur le sol.
Comme toujours, je me retrouvais avec le panier le plus rempli. Et je savais déjà qu'elle me passerait un savon à mon retour puisque je serais la dernière. Alors que j'allais sortir, un intendant rentra essoufflé. Il souffla quelque chose à notre cheffe et elle nous demanda de reposer notre panier et de nous mettre en ligne. Les autres se regardaient avec curiosité pendant que l'homme nous étudier. Elles s'imaginaient déjà tous les ragots qu'elles allaient pouvoir s'échanger après. Moi, je tentais de me faire plus petite que jamais. Je ne savais pas ce qui se passait, peut-être qu'un crime avait été commis. Le problème était que s'ils ne connaissaient pas le coupable, ils désigneraient juste quelqu'un pour l'exemple. Connaissant ma cheffe, je ne doutais pas une seconde qu'elle soit prête à me jeter une faute que je n'avais pas commis sur le dos.
Puis l'homme désigna cinq d'entre nous. À mon grand malheur, j'en faisais partie. Je serrais les dents, mais le suivis sans protester. Il nous mena dans une petite pièce non loin pour nous observait de plus près. Je me sentais comme une bête de foire. Il nous regard nos mains, notre peau, nos yeux, notre visage sous tous les angles. Il n'avait aucune considération, pour lui, nous n'étions pas mieux que des bestiaux. Par chance, il n'enleva pas mon foulard. De fait, il sembla passer bien moins de temps sur moi que sur les autres. Cela me fit espérer que je pourrais finir ma journée normalement. Je voyais déjà cet évènement juste comme une histoire à raconter aux lavoirs. Pourtant, il me désigna de son doigt émincé ainsi qu'une autre fille, nous ordonnant de le suivre, et renvoyant les autres.
Il nous traina à travers le palais au pas de cours et sans explication. Ignorant royalement les questions incessantes de ma camarade. De moi, côté, mon esprit bouillonnait, inquiète. Mon instinct me chuchotait que quoi qu'il se passe, ce n'était pas bénéfique pour moi. Visiblement, le physique avait une importance, et le mien cachait bien trop de secrets pour que je sois à l'aise.
Nous étions à présent dans des parties du château que je ne connaissais pas, mais je savais parfaitement où nous étions. Pour prévoir à tout imprévu, tout danger, ma mère m'avait fait apprendre les plans d'une grande partie du palais. Elle connaissait même certains passages secrets. Ne me demandez pas encore comment, ma mère une simple lavandière avait la connaissance de chose aussi sensible, vous comprendrez bien assez tôt. Je savais donc que nous nous dirigions vers les salles d'audiences. Mais pas celles destinées au bas peuple, comme il siérait pour nous autres. Non, nous allons vers celles destinées aux invités d'importances.
Cependant, nous entrâmes dans une qui avait dû être oubliée depuis le précédent empereur. Elle sentait le renfermé, les chandeliers n'avaient plus de bougie et la cheminée était vide. Une trentaine de jeunes servantes se trouvait déjà là. Elles ne semblaient pas plus comprendre ce qu'elles faisaient ici, partagé entre anxiété et excitation. Mais les voir toutes ainsi me fit sauter nos points communs aux yeux. Ce n'était certainement pas la beauté. Non, nous étions celles qui passeront le mieux pour des nobles.
Je vous dois sûrement des explications. Faisons un petit cours d'histoire. Dans l'Empire, la classe dirigeante, les nobles ne venait pas de la même ethnie que les gens du peuple. Je ne peux pas m'attarder sur les raisons qui ont poussé toute une ethnie à prendre le contrôle sur une autre, mais votre imagination rempliera très bien les trous. Vous êtes des humains après tous. Mais cette différence se voyait dans le physique. Avec le temps, la différence, c'était atténuer, mais certains traits rester distinctif. Leur peau était très claire naturellement, mais avec leur manque d'exposition au soleil, elle était d'une blancheur de porcelaine. Une croyance voulait que plus leurs cheveux châtains tirait vers le blond, plus ils venaient d'une ligné "pure". La royauté avait même bien souvent des cheveux tirant sur le blanc. Et il y avait leurs yeux qui étaient le plus souvent clairs entre bleu, gris ou vert.
Bien sûr, toutes les femmes dans cette pièce étaient des servantes, certaines même des esclaves, mais grimer correctement elles pouvaient toutes passer pour des nobles. Je ne doute d'ailleurs pas que certaines étaient des bâtardes de noble, où venaient de famille déchue. Je ne connaissais alors toujours pas la raison de notre présence, mais mon mauvais pressentiment ne faisait que croître. J'étais sans nul doute une très bonne candidate pour me faire passer pour un noble, mais je ne souhaitais pas que cela se produise. J'avais déjà au moins trois plans pour fuir au besoin, mais cela ne faisait qu'augmenter ma nervosité.
Par deux fois, l'on fit rentrer d'autres filles avant qu'un homme d'une certaine stature n'entre à son tour cachant à peine le mépris qu'il nous portait. J'apprendrai plus tard qu'il était Sieur Briceus, l'un des conseillers les plus proche de la famille impériale, en particulier de l'impératrice. Mais à cet instant, je ne savais que ce que me disait la médaille qu'il portait. C'était un ministre. Et cela me paraissait mauvais signe. Une frayeur me saisit. S'il devait trouver mon secret, il ne s'y prendrait pas autrement. Mais ma raison revint vite, ils n'avaient aucune raison de soupçonner mon secret.
L'homme s'avança vers nous sans daigner se présenter et commença le même manège que l'intendant, nous étudiant comme si faisait la foire aux bestiaux. Il se mit à faire de groupe, ne nous parlant pas. D'un geste brusque, il poussait dans un coin ou l'autre de la pièce celle qu'il venait d'analyser. Quand ce fut mon tour, il ne lui fallut pas longtemps pour m'envoyer valser avec celle qui correspondait le mieux au critère des nobles. Quand il eut fini, on congédia pour lui les filles qu'il n'avait pas retenues. Il ne restait plus qu'une demi-douzaine de filles parmi la quarantaine qui était là plus tôt. Après nous avoir contemplées une dernière fois, il fit signe à un groupe de femme, sûrement des suivantes, de nous emmener également. Un aucun moment, il ne s'était pas adressé à nous, cela me révoltait, pour ces gens-là, nous ne semblions guère plus importantes que les meubles.
Sans n'avoir d'autres choix, je suivis le mouvement. Nous fûmes conduites dans une pièce non loin remplie d'une grande collection de tenue raffinée. Alors que je regardais en arrière, la porte se referma.
***
Ce n'était pas compliqué de comprendre ce que l'on attendait, mais l'une des femmes qui nous avait guidées jusqu'ici nous l'expliqua tout de même :
– Vous êtes ici pour faire une toilette et vous habiller correctement. Faites de votre mieux, mais sachez que si une seule de ces robes ou parures est abimées ou manque alors vous serez toute condamnée. Vous aurez la chance de pouvoir être épaulé par nous, n'en profitez pas trop.
C'est ainsi que j'ai été sûre d'être en face de suivante ou de dame de compagnie. Ces dernières étaient souvent de famille noble ou bourgeoise, et si finalement ce qu'elles faisait s'apparenter à être les servantes personnelles de noble plus important ou même de la famille, elles méprisaient grandement tous les autres servants. Elles se pensaient supérieur. Pour que certaines acceptent de grimer des simples servantes en noble, c'est que la situation était plus grave que je ne le pensais.
Tandis que toutes mes camarades allèrent vite profiter des grands bacs d'eau parfumée, je trainais parmi tous ces vêtements. Ainsi, je pourrais choisir sans être gênée par les autres. Ne vous y tromper pas, je ne les méprisais pas le moins du monde. Je pouvais comprendre qu'en vivant si près de l'opulence, l'on veuille y gouter. C'était juste que moi, je ne m'en souciais guère. Je passais beaucoup de temps à choisir ma tenue, non par vanité, mais par nécessité. Passer inaperçu était un art subtil. Il ne fallait pas embellir, mais je suis pas non plus choquée en sortant des normes par le bas. En fait, il fallait juste dans la norme, juste un peu en dessus de la moyenne. Ce qui me prit le plus de temps, c'était de faire une tenue où cacher mes cheveux fasses naturelle. Ce qui était problématique parce que si c'était parfaitement pour une servante d'avoir les cheveux couvert, cela l'était moins pour les bourgeois et les nobles. Je fis le choix d'une coiffe cachant une grande partie de mes cheveux. Après ce choix, je pus choisir une tenue qui s'accordait avec sans mettre en avant mes formes élancer. Quand je fus convaincue par la tenue choisie, je m'approchai des bassines que les autres avaient enfin délaissé.
J'aurais pu passer cette étape comme nous toutes. De nos jours, vous voyez votre passé comme sale, mais en réalité les bains publics était toujours plein et ne pas se laver régulièrement était aussi mal vu qu'aujourd'hui même parmi les classes défavorisées. Mais prendre un bain chaud et parfumé de cette qualité était difficile à refuser. Et je ne souhaitais pas me démarquer à être la seule à avoir une peau qui ne dégageait pas cette douce fragrance.
Il nous fallut près d'une heure pour être enfin prête. Objectivement, aucune n'aurait pu vraiment se faire passer pour une fille de bonne famille. Non, que l'on soit trompé pour choisir nos ensembles. Trois d'entre nous avaient même choisi avec un tel goût, un tel raffinement que je les soupçonnais d'être des filles venant de famille déchue. Ce n'était pas rare, lorsqu'une famille croulait sous les dettes ou qu'elle était déchu pour une toute autre raison, qu'elle vende une de leur fille à la famille impériale. Ainsi, la famille retrouvait argent ou honneur, mais la fille sacrifier perdait son statut, si elle avait de la chance elle devenait servante, dans le cas contraire, elle pouvait même devenir esclave. Cela peut vous sembler horrible et immoral, pourtant, c'était totalement banal et bien vu dans l'empire. Mais même ces trois filles ne faisaient pas de bonne aristocrate, le labeur leur avait courber le dos, tannait la peau, abimé les mains. Et sans l'aide de personne, se vêtir des lourdes et encombrante robe de l'aristocratie était peine aisée. Malheureusement, les suivantes n'avaient pas levé le petit doigt pour aider. Sans conseil avisé, la plus jeune des filles s'était vêtu de la plus belle de robe et couvert de bijoux. Pour la noblesse, elle aurait juste été vulgaire. D'ailleurs, certaines suivantes trouvèrent amusant de se moquer derrière son dos en lui conseillant une coiffure outrageusement voyante. L'une autre des filles semblait totalement désintéressée et c'était juste habillé avec ce qui lui tombait sous la main la rendant ridicule. Et enfin, le dernier avait choisi de faire comme moi, choisissant une robe simple, mais bien accorder à ses bijoux. Elle semblait tout comme moi venir d'une famille bourgeoise plus que de la noblesse. À nous six, nous formions un ensemble hétéroclite et il était temps de nous rendre auprès de celui qui avait commandité cela.
Nous rentrâmes à nouveau dans la salle d'audience, à présent une dame richement vêtue était installé sur le trône avec un air légèrement ennuyé. Je compris rapidement qui elle était, Caecilia d'Imatall l'impératrice elle-même. Je reculais d'un pas de peur, mais je rentrai dans la fille qui me suivait. Elle ne se gêna pas pour rouspéter attirant le regard de la grande dame à mon grand damne. Nous nous inclinons bien bas comme le veut l'étiquette, attendant qu'elle nous demande de nous relever. Et elle prit son temps, je pouvais tout de même sentir son regard inquisiteur. Puis sa gouvernante frappa dans ses mains signe que nous pouvions nous redresser. L'étiquette voulait que nous gardions le regard baissé, je ne pouvais donc plus votre notre impératrice. Je l'entendis cependant se lever. Elle s'approcha de moi de manière directe. Je finis par voir ses lourds jupons brodés d'or à mes pieds. Je dus me retenir pour ne pas relever la tête tandis qu'elle tourne autour de moi. Sans prévenir l'on m'arracha ma coiffe libérant mes longs cheveux blancs. Une main me saisit le menton pour me redresser la tête. L'impératrice plongea son regard vert dans mes yeux argentés. Elle me sourit comme l'on sourit à un enfant.
Soudain, elle le leva sa main et son conseiller renvoya les autres filles sans que l'impératrice ne leur lance un seul regard. Vite, il ne resta plus que l'impératrice, sa gouvernante et moi. À ce moment, j'aurais pu fuir. Il ne m'aurait pas était compliqué de disparaître. Et ce serait vous mentir que de dire que je n'ai pas hésité, que je n'ai pas été tenter. Cependant, la grande dame semblait plus heureuse de m'avoir trouvée qu'en colère. Je ne sentais pas de danger immédiat.
Alors elle caressa mes cheveux comme si j'étais une enfant ou un chien en continuant à m'observer avec condescendance :
– Tu seras parfaite.
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